L’assureur Beneva (résultat de la fusion de La Capitale et SSQ Assurance) a récemment fait la promotion d’une offre de SSQ que cette dernière distribue au Canada sous le nom anglais « synthetic deferred annuity ».
Cette rente viagère différée synthétique « est plus une stratégie qu’un produit, puisqu’elle combine des produits existants », explique Martin Bédard, vice-président régional, ventes institutionnelles, régime de retraite individuel et gestion privée chez Beneva. D’un côté, on trouve un fonds distinct, de l’autre une rente viagère.
La stratégie, qui peut être composée à partir des produits de n’importe quel assureur, vise à offrir une autre option à un client de 65 ans qui envisage de souscrire à une rente différée, laquelle commence ses paiements lorsque celui-ci atteint 80 ans.
On propose plutôt que, à 65 ans, ce client souscrive à un fonds distinct. Le capital est investi dans un portefeuille diversifié d’actions (1/3 du S&P/TSX, 1/3 S&P 500 et 1/3 MSCI EAEO) entre 65 ans et 80 ans. Le capital est garanti à 100 % à l’échéance, c’est-à-dire lorsque le client aura 80 ans. À ce moment, il utilisera le capital de ce fonds pour acquérir une rente viagère à paiement immédiat et assortie d’une garantie de 10 ans. De l’avis de Martin Bédard, la stratégie, vise essentiellement des investisseurs conservateurs.
Taux déprimés
Une telle approche vise à composer avec la période de taux d’intérêt historiquement bas. «Dans le contexte actuel avec sa courbe d’intérêt plate, j’ai été étonné de constater que mon plan fonctionnait si bien,» dit Martin Bédard, qui a mis au point la stratégie.
Une rente différée achetée aujourd’hui promet des revenus dans 15 ans basés sur les taux actuels, ce qui annonce un revenu plus faible que si les taux étaient plus élevés. La stratégie de rente viagère différée synthétique comporte plusieurs avantages clés, fait ressortir Martin Bédard.
D’abord, un fonds distinct acheté à 65 ans sera plus probablement investi dans des actions, le capital étant protégé par la garantie, ce qui annonce une probable appréciation du capital à l’âge de 80 ans.
Ensuite, outre un capital plus substantiel, le retraité accroîtra ses chances de jouir de taux d’intérêt plus élevés. Compte tenu du niveau actuel des taux, il serait étonnant qu’ils n’aient pas augmenté dans 15 ans.
De plus, la stratégie offre la flexibilité d’avoir accès au capital entre l’âge de 65 et 80 ans.
En outre, si le client meurt avant 80 ans, il sera propriétaire de son capital et aura la certitude que son argent sera rapidement transmis à ses bénéficiaires. Enfin, la garantie de capital à l’échéance d’un fonds distinct lui assurera de récupérer au moins son capital au moment d’acheter la rente, ce qui justifie une allocation entièrement en actions.
Plus qu’une rente normale
Martin Bédard dit avoir soumis sa stratégie à 10 000 simulations à partir de modèles stochastiques projetant l’évolution du prix des actions et des taux d’intérêt sur 15 ans. Celles-ci font ressortir que dans 76 % des cas les taux d’intérêt sont remontés à des niveaux normaux et que le capital s’est apprécié « au point que le retraité se tire une rente trois fois plus élevée » que celle que lui promettrait l’achat aujourd’hui d’une rente différée.
Un scénario dans la tranche « optimiste » (75e percentile) laisse entrevoir, à partir de fonds distincts ayant des frais de gestion de 2,75 % sur un capital de 100 000 $, un revenu annuel de 53 396 $ à 80 ans plutôt que les 18 086 $ au même âge que procurerait une viagère achetée à 65 ans. Le scénario médian livre un revenu de 33 185 $ à 80 ans. Le pire scénario (dans lesquels ni le capital ni les taux n’ont crû) donnent un revenu de 7 755 $ à 80 ans.
Dans l’hypothèse que les frais du fonds distinct passent à 3,75 %, la simulation du 75e centile donne un revenu à 80 ans de 48 449 $, celle médiane, de 29 269 $, celle du 25e centile, de 16 550 $ et le pire scénario, de 7 755 $. Dans la majorité des cas, la stratégie est plus avantageuse que la rente différée (revenu de 18 086 $ à 80 ans).
La raison pour laquelle on privilégie une garantie de capital de 100 % à l’échéance est que, sans cette garantie, les frais de gestion passeraient à 1,50 %, mais le revenu annuel du pire scénario serait de 364 $ à 80 ans.
Quelques avis
Dans un tel scénario, « on parle de marchés baissiers qui durent 15 ans et où je n’ai plus de garanties », fait ressortir un spécialiste qui réclame l’anonymat: « J’aurais aimé qu’ils étoffent cette partie avec plus de chiffres. »
Outre cela, il n’est pas particulièrement impressionné par la stratégie de Beneva: « C’est une bonne réflexion à avoir, mais ça n’apporte rien de nouveau. »
Même avis de la part de Marc Johnston, directeur, investissements et retraités, chez Groupe Cloutier Investissements, guère impressionné par la formule. « C’est uniquement un concept de vente, du marketing, pas un nouveau produit, dit-il. C’est un assemblage qu’on pourrait faire auprès de n’importe quelle compagnie d’assurance. » Celui-ci remet en question aussi l’intérêt de construire la stratégie autour de fonds distinct, dont la garantie de capital a peu de portée. «Au bout de 15 ans, il est [pratiquement] impossible qu’on se retrouve avec moins d’argent», juge-t-il.
« Ce concept de vente semble avoir un peu de traction hors Québec, mais la force de vente du Québec a choisi de ne pas l’adopter », fait remarquer Marc Johnston.