Un homme d'affaire qui réfléchit. Devant lui on voit des bulles avec plusieurs sortes de graphiques.
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Il y eut une époque durant laquelle il était fiscalement avantageux d’ouvrir une société de gestion (Gesco), soit une société de portefeuille par actions, pour y transférer ses placements. Or, voilà que depuis les dernières années, les nouvelles mesures fiscales sèment un doute quant à la rentabilité de la mise en place d’une telle stratégie. Revisitons-la.

Dans une société de gestion, les revenus de placements et les autres revenus passifs sont imposés à un taux de 50,27 % et certains placements étrangers peuvent perdre leur crédit d’impôt. Pour complexifier la chose, il existe désormais deux types d’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD), soit l’IMRTD déterminé et l’IMRTD non déterminé. Cela rend du coup plus difficile pour les actionnaires de se verser un revenu de dividende déterminé qui est un peu moins lourdement imposé personnellement qu’un dividende ordinaire.

Par ailleurs, il est de plus en plus difficile de fractionner les revenus avec des membres de sa famille depuis la mise en place des règles de l’impôt sur le revenu fractionné. Et par-dessus toutes ces mesures, il faut se soucier des mesures fiscales concernant les revenus passifs qui font que les premiers 500 000 $ de revenus actifs d’une société associée pourraient perdre leur droit de profiter de la déduction pour petites entreprises lorsque les revenus passifs sont supérieurs à 50 000 $. Ouf !

Malgré tout, dans certains cas bien particuliers, le transfert d’un portefeuille détenu personnellement dans une société de gestion est encore aujourd’hui une stratégie fort intéressante et financièrement avantageuse. Effectués par voie de roulement fiscal, les placements détenus personnellement sont généralement transférés à leur coût fiscal en échange soit d’un billet, soit d’actions privilégiées.

Cette solution pourrait être avantageuse pour réduire l’exposition d’une personne aux droits successoraux américains tout en conservant son portefeuille actuel d’actions américaines. Bien que le seuil d’exemption soit présentement de 11,4 M$ US de valeur nette mondiale par personne, plusieurs entrepreneurs excèdent ce seuil.

En effet, lorsqu’un Canadien possède des biens situés aux États-Unis au moment de son décès (par exemple des actions d’une société américaine ou un bien immobilier), les droits successoraux américains peuvent s’appliquer à la valeur marchande de ses biens. Les taux des droits successoraux américains sont progressifs ; ils commencent à 18 % et peuvent atteindre 40 % pour les biens situés aux États-Unis dont la valeur dépasse 1 M $ US.

La formule suivante sert à calculer le crédit global bonifié en vertu de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu (la Convention) :

4 505 800 $ US x (Valeur des biens situés aux États-Unis/Valeur du patrimoine mondial)

Cette somme de 4 505 800 $ US correspond au montant des droits successoraux américains exigibles pour des biens situés aux États-Unis d’une valeur de 11,4 M$ US. Plus le rapport entre les biens américains et le patrimoine mondial total est faible, plus le crédit unifié bonifié le sera aussi. Il est à noter que la valeur des assurances vie qui étaient souscrites sur la tête du défunt sera incluse dans cette valeur nette mondiale.

En plus du crédit unifié bonifié, la Convention accorde un crédit à titre de conjoint si, au décès, les biens américains sont légués au conjoint légalement marié uniquement. Le crédit à titre de conjoint correspond au moindre du crédit unifié du défunt et des droits successoraux américains exigibles (après déduction du crédit unifié). Il est important de noter que cette exemption pourrait bien être réduite en 2026. Ainsi, un individu qui passe sous le radar actuellement est susceptible de se faire attraper dans quelques années.

Plus de souplesse

Outre la protection contre les droits successoraux américains, la gestion des placements dans une société peut aussi permettre la récupération de soldes fiscaux dans ladite société selon l’historique des transactions qui ont eu lieu au fil du temps dans la société. Avec la gestion des placements dans une société de gestion, le revenu personnel de l’actionnaire nécessaire pour assumer son coût de vie pourrait être composé de revenus de dividendes imposables payés par sa société, de dividendes en capital et de remboursement des sommes dues à l’actionnaire. Bref, avec une telle structure, l’actionnaire aura plus de flexibilité pour composer le revenu personnel nécessaire à son coût de vie.

Les projections financières démontrent qu’avec des placements dans une société de gestion, il est généralement plus avantageux au fil des ans de verser un dividende imposable permettant au moins de récupérer l’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD) annuel ainsi qu’un dividende en capital selon le compte de dividendes en capital annuel.

Malgré un ensemble de mesures plus restrictives, il peut exister plusieurs autres raisons qui font que le transfert des placements vers une société de gestion est encore une solution fiscalement et financièrement avantageuse. Encore une fois, tout dépend de la situation fiscale et financière du client ! Seule l’analyse de l’ensemble de la situation d’un client permet de trouver la stratégie la plus appropriée selon le cas.

*Pl. Fin., D. Fisc., TEP, vice-présidente, Planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD