Mieux connues sous l’acronyme anglais TOSI (tax on split income), les nouvelles règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné (IRF) en vue de traiter la question de la répartition du revenu, qui sont en vigueur depuis le début de l’année, donnent du fil à retordre aux conseillers.
Ce sont désormais les faits et les circonstances propres à une situation particulière donnée qui déterminent l’imposition d’un revenu reçu par un actionnaire de sa société privée. Conséquemment, en planification de la retraite ou lors du versement d’un dividende à l’actionnaire, il faut s’interroger sur l’historique de rémunération, l’implication de l’actionnaire dans sa société, son âge, le type et le nombre d’actions qu’il détient, et la structure de l’entreprise pour savoir si le dividende sera imposé selon les taux progressifs ou au taux marginal maximum.
Le dividende reçu peut faire partie des exceptions s’il se qualifie de montant exclu et représente un montant raisonnable, ou si les actions détenues par le particulier sont des actions exclues. Bref, s’il se qualifie selon l’un de ces critères, le dividende ne sera pas visé par l’impôt sur le revenu fractionné et sera imposable selon les taux progressifs.
Cas analysés
Voyons le cas classique d’une planification de retraite et successorale impliquant un gel successoral avec une fiducie familiale.
Rappelons qu’un gel successoral a pour but de transférer la plus-value future des actions d’une entreprise que détient un propriétaire, auteur du gel, afin qu’elle s’accumule entre les mains d’autres personnes (enfants, petits-enfants, employés clés, etc.), tout en permettant à l’auteur du gel de conserver la valeur actuelle de ses actions et de reporter l’impôt sur le gain en capital au moment de leur disposition ou de s’imposer progressivement lors de rachat d’actions ou de versements de dividendes.
Dans notre exemple, l’auteur du gel est le parent qui détient les actions privilégiées de gel, et les actions ordinaires qui porteront la plus-value future de l’entreprise sont détenues par la fiducie familiale. Dans ce cas, le rachat des actions privilégiées ne sera pas visé par l’IRF si le parent a travaillé dans l’entreprise. Ainsi, selon ces circonstances, ces nouvelles mesures n’occasionnent pas d’impact fiscal indésirable dans le cas de la planification de retraite de l’entrepreneur.
En ce qui concerne le versement d’un dividende aux enfants par l’intermédiaire de la fiducie, disons qu’en général, l’IRF s’appliquera à moins que les critères d’exclusion soient remplis. Ainsi, selon la règle générale, lorsque le bénéficiaire de la fiducie a entre 18 et 24 ans, l’IRF s’appliquera de façon quasi automatique. À ces âges, il est difficile de répondre aux critères d’exclusion si l’enfant est étudiant, et ce, même s’il travaille à plein temps dans l’entreprise durant les vacances d’été et qu’il reçoit un salaire raisonnable et justifiable pour les heures qu’il a travaillées.
Toutefois, si l’enfant bénéficiaire de la fiducie est âgé de 25 ans ou plus et qu’il travaille ou qu’il a travaillé au moins 20 heures par semaine pour au moins cinq années, tout dividende qui lui sera versé ne sera pas visé par l’IRF. Il est à noter que les années de travail requises peuvent être consécutives ou non. Ainsi, les bénéficiaires d’une même fiducie pourraient, selon les circonstances, avoir un traitement fiscal différent sur un revenu de dividende reçu de la fiducie.
Lorsque le revenu de la fiducie est un gain en capital qui se qualifie à l’exemption de gain en capital (EGC), ce gain ne sera pas visé par l’IRF. Dans de telles circonstances, tous les bénéficiaires de la fiducie pourraient réclamer l’exemption de gain en capital, y compris les enfants mineurs.
Voyons une autre situation dans laquelle deux personnes de 25 ans et plus sont directement actionnaires d’une même société. Lorsque les critères de montants exclus (par exemple, le nombre d’heures travaillées) ne sont pas remplis par l’un des actionnaires, le dividende qu’il recevra pourra tout de même ne pas être visé par l’IRF s’il détient des actions qui sont exclues.
En effet, lorsque les actionnaires d’une société privée possèdent tous la même catégorie d’actions, si l’un d’eux répond aux critères d’exclusion, cela aura pour effet de catégoriser les actions en tant qu’actions exclues, faisant en sorte que tous les actionnaires de cette même catégorie d’actions recevront un dividende qui ne sera pas assujetti à l’IRF.
Ainsi, prenons le cas d’un couple de clients retraités dont l’un a activement travaillé à accumuler l’épargne se retrouvant désormais dans la société de gestion. Ces actionnaires pourront continuer de fractionner les revenus de dividendes versés sur une même catégorie d’actions se qualifiant comme actions exclues. Ouf !
Étant donné la complexité de l’interprétation de ces mesures fiscales, je vous invite à consulter le document mis en ligne par l’ARC à l’adresse suivante : https://bit.ly/2NvSbUc. Ce document contient une douzaine d’études de cas et de mises en situation pour nous aider à mieux saisir l’application de ces nouvelles règles.
Vous pouvez aussi consulter l’arbre décisionnel « Simplified TOSI flow chart », publié en anglais par la firme Moodys Gartner qui aide à qualifier le dividende (https://bit.ly/2O078O1). C’est un outil pratique à lire à tête reposée…
* Vice-Présidente Planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD