Le parti libéral du Canada formera le prochain gouvernement du Canada, mais sera en position minoritaire. Les libéraux auront donc besoin d’obtenir l’appui du Nouveau Parti démocratique (NPD) ou du Bloc québécois lorsqu’ils voudront faire adopter une mesure à laquelle s’oppose le Parti conservateur.
Cette situation forcera le gouvernement à faire des compromis. Pour vous aider à saisir quelles nouvelles mesures pourraient toucher vos clients, voici quelques-unes des promesses libérales analysées par Daniel Laverdière, directeur principal, Centre d’expertise, à la Banque Nationale Gestion privée 1859.
Impôt des particuliers
Le Parti libéral souhaite faire passer graduellement de 12 069 $ à 15 000 $ le seuil de la première tranche de revenus pour laquelle les particuliers ne paient pas d’impôt fédéral, d’ici 2023-2024.
Cette mesure s’appliquerait à ceux qui gagnent moins de 147 667 $ par an. La baisse d’impôt serait toutefois réduite pour ceux qui gagnent plus que ce montant, et complètement éliminée pour ceux dont les revenus annuels dépassent 210 371 $, soit la cinquième tranche d’imposition. «Cela permettra au Canadien typique de la classe moyenne d’économiser 292 $ par année. Dans le cas d’une famille de la classe moyenne, ce sera 585 $ par année pour aider avec les dépenses de tous les jours», lit-on sur le site Internet du Parti libéral.
L’économie d’impôt serait toutefois inférieure pour les Québécois en raison de l’abattement du Québec de 16,5 %, souligne Daniel Laverdière. En clair, l’économie d’impôt correspondrait à 83,5 % de cette somme, soit environ 244 $ par contribuable du Québec.
Selon Daniel Laverdière, cette mesure toucherait une part importante de clients, puisqu’elle s’appliquerait aux personnes qui touchent du revenu de travail, du revenu de dividende ou des revenus provenant d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). «Selon les documents présentés, on a l’impression que ça touche tous les revenus, même les revenus de placement», dit-il.
D’après lui, «personne ne peut s’en plaindre, même si beaucoup de gens ne s’en rendront pas compte». En effet, les clients aux revenus les plus élevés n’en profiteraient pas. Et pour ceux qui en profiteraient, l’économie d’impôt resterait faible par rapport au budget total d’un ménage : «Une hausse du prix de l’essence peut venir complètement annuler cela», souligne Daniel Laverdière.
Retraite et aînés
Les libéraux veulent augmenter les prestations de la Sécurité de la vieillesse (PSV) pour les aînés de 75 ans et plus. La bonification pourrait atteindre jusqu’à 729 $ par année lorsque la personne atteint 75 ans. «Cette hausse entrera en vigueur en juillet 2020 et sera indexée sur l’inflation. Chaque aîné dont le revenu est actuellement inférieur à 77 580 $ touchera la pleine valeur des prestations», proposent les libéraux.
«C’est un ajout intéressant d’un petit bloc de revenus imposables. Ça s’inscrit dans la pensée d’Alban D’Amours, qui a proposé en 2013 l’instauration d’une rente de longévité à 75 ans pour gérer le risque de longévité. J’aime cette mesure», dit Daniel Laverdière.
En présumant un décès à 90 ans, cette rente indexée aurait une valeur d’environ 11 000 $, selon ses calculs : «C’est un peu comme si on leur donnait un REER de 11 000 $. Pour bien des gens, ce serait un petit coup de pouce. Pour les clients fortunés qui remboursent déjà la PSV, ça n’aura pas d’impact.» Encore une fois, l’effet de cette bonification risque d’être faible par rapport au budget des clients, selon l’actuaire.
De plus, les libéraux ont promis de hausser de 25 % les prestations de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Régime de rentes du Québec (RRQ). Cette bonification représenterait jusqu’à 2 080 $ de prestations supplémentaires par année, selon la plateforme libérale.
Toutefois, pour un résident du Québec, le montant de cette bonification sera probablement différent, et dépendra des négociations entre Québec et Ottawa sur cette question, soutient Daniel Laverdière. En effet, en 2019, le RPC est moins généreux que le RRQ pour les survivants de moins de 65 ans. Le premier leur verse une prestation mensuelle maximale uniforme de 626,63 $, alors qu’ils touchent du second une prestation mensuelle maximale variant de 562,22 $ à 931,43 $. Par exemple, le RRQ accorde 931,43 $ aux veufs de 45 à 64 ans et 562,22 $ aux survivants de moins de 45 ans sans enfants à charge.
Le fait que le RRQ soit plus généreux que le RPC pour les conjoints survivants a pour conséquence qu’une hausse de 25 % équivaut à un montant plus élevé pour le RRQ ; cela coûterait donc plus cher aux administrateurs du RRQ et, ultimement, aux cotisants de ce régime, d’après Daniel Laverdière : «Ce n’est pas impossible que le Québec dise : « On est déjà plus généreux [alors on va améliorer de moins de 25 %] ».»
Si les libéraux donnent suite à cette promesse, il serait encore plus pertinent pour un conjoint survivant de reporter à 70 ans le moment où il touche sa propre rente de retraite.
En effet, selon les règles actuelles du RRQ, un veuf peut recevoir, en plus de la rente de conjoint survivant, une rente de retraite. Il s’agit alors d’une rente combinée, qui n’est pas nécessairement égale à la somme des rentes individuelles. Il est possible que la rente de conjoint survivant soit réduite, voire perdue totalement si un survivant avait déjà droit à la rente de retraite maximale en raison de ses propres revenus gagnés au fil des ans.
Reporter à 70 ans le moment où l’on touche la rente de retraite permet alors de bonifier potentiellement la rente combinée. «Dans nos planifications, nous devrions alors insister davantage sur la pertinence de différer sa rente de retraite à 70 ans», souligne Daniel Laverdière. Il ajoute que, souvent, la rente de conjoint survivant «n’est pas suffisante pour prendre soin de la personne survivante» et que celle-ci comptera davantage sur le capital-décès d’une assurance vie pour ce faire.
Famille
Les libéraux veulent rendre non imposables les prestations de maternité et les prestations parentales.
Encore une fois, cette promesse risque d’être d’une moindre ampleur au Québec, en raison de la plus grande générosité du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Par exemple, l’assurance-emploi offre une couverture maximale annuelle d’environ 29 000 $ pour une femme qui donne naissance à un enfant par rapport à environ 46 000 $ dans le cas du RQAP.
«Est-ce que le gouvernement fédéral irait exempter 46 000 $ ou seulement 29 000 $ ? Est-ce que le Québec s’harmoniserait avec cette mesure ?» demande Daniel Laverdière. Une réponse à ces questions permettrait d’évaluer l’économie d’impôt que ferait un parent si cette promesse se concrétisait.
Par ailleurs, cette économie varierait aussi en fonction du taux marginal d’imposition payé par une mère sur ses autres revenus obtenus durant l’année où elle touche ses prestations de maternité et parentales, d’après Daniel Laverdière. En effet, une femme qui accouche le 1er janvier risquerait d’avoir peu d’autres revenus et, donc, de «profiter moins de cette exemption» par rapport à une femme qui accouche le 1er juillet et qui a d’autres revenus de janvier à la fin juin.