Lors de l’élaboration d’une planification successorale, outre les impôts canadiens, il faut se soucier aussi des droits successoraux américains. Toute personne détenant des biens américains d’une valeur de plus de 60 000 $US au moment de son décès est assujettie à ceux-ci.
Un bien américain comprend, entre autres, une action américaine détenue dans un compte d’investissement, y compris dans un compte REER ou CELI, ou un bien immobilier situé en sol américain.
Si la valeur nette de la succession mondiale se situe sous le seuil d’exemption, qui est de 12,92 M$ US en 2023, le formulaire fiscal 706-NA devra être produit au fisc américain dans les neuf mois suivant la date du décès et, techniquement, aucun impôt ne sera à payer. Lorsque des droits successoraux américains sont payables aux États-Unis, il est possible de demander un crédit pour impôt étranger dans la déclaration fiscale finale du défunt. Cependant, considérant les disparités entre l’imposition des biens au Canada et celle des biens aux États-Unis, il peut en résulter une double imposition.
Il est important de considérer que la valeur nette de la succession mondiale inclut toute valeur de police d’assurance vie sur la tête du défunt. Si bien qu’une police d’assurance vie souscrite dans une société de gestion ou dans une société en exploitation pour financer ou non une convention entre actionnaires sera considérée dans l’établissement de la valeur nette mondiale aux fins du calcul des droits successoraux américains. Il ne faut pas non plus négliger d’inclure dans ce calcul la valeur des biens détenus en fiducie desquels le défunt est l’un des bénéficiaires.
Lorsque la valeur nette excède le seuil d’exemption, la succession devra payer des impôts successoraux au fisc américain selon un taux progressif variant entre 18 % et 40 %. Bien que ce seuil soit élevé, il est possible qu’il fonde d’environ 50 % et se retrouve autour de 6 200 000 $US en 2026 si aucune loi n’est votée d’ici là.
La convention fiscale entre le Canada et les États-Unis prévoit trois types d’allègement fiscaux, soit le crédit unifié, le crédit pour conjoint et le crédit pour impôt étranger.
Lorsque les biens américains sont légués au conjoint marié survivant, la succession peut réclamer le crédit pour conjoint qui correspond au moins élevé entre le crédit unifié ou le montant des droits de succession exigibles aux États-Unis. Mais attention, l’union de fait n’est pas reconnue chez nos voisins du Sud.
Cela dit, la fameuse résidence en Floride ou en Arizona cause bien souvent une facture importante au décès de son propriétaire. Il existe quelques solutions à envisager afin d’optimiser la succession. Le transfert ou le legs de la propriété américaine au futur héritier est une avenue à explorer. Toutefois, cette option va généralement entraîner de l’impôt pour le donateur au moment du transfert de la propriété à cause des règles relatives aux dons (US Gift Tax). Une fiducie est aussi une option intéressante, mais bien souvent plus efficace lors de l’achat d’une nouvelle propriété. Lorsque la propriété américaine est détenue depuis belle lurette, le transfert en fiducie occasionnera une facture fiscale au moment du transfert.
Le premier geste à poser est de connaître avec exactitude le mode de détention (ex. : un détenteur unique, en commun ou conjointement). Une option possible pour les propriétés détenues personnellement est d’établir une structure de détention hybride conçue avec une société en commandite québécoise (ou canadienne) et de faire une élection de type check the box afin qu’elle soit traitée comme une société étrangère aux fins des impôts américains.
Ainsi, au décès, le défunt serait considéré comme détenteur des parts en actions d’une société étrangère et non pas comme détenteur d’actifs américains en son nom personnel. Cette solution permet non seulement au propriétaire actuel de continuer de détenir le contrôle, mais aussi un transfert sans impact fiscal par voie de roulement à une société en commandite généralement québécoise. Évidemment, des détails techniques sont à respecter, dont le fait de n’avoir que des partenaires canadiens et aussi de détenir des actifs qui vont justifier une activité économique dans la structure. Et s’il s’agit d’une copropriété de style copropriété, dans bien des cas, l’autorisation de l’association des copropriétaires peut être requise pour effectuer un transfert d’entité ou de propriété. Bien entendu, à la suite de la mise en place d’une telle structure, la révision du testament sera requise.
Bref, il existe des solutions possibles, bien que complexes, qu’il ne faut pas négliger d’évaluer lors de la planification successorale de nos clients qui détiennent des biens immobiliers aux États-Unis. Encore une fois, l’analyse de leur situation globale en lien avec leurs intentions testamentaires permettra de mettre en place la solution appropriée.
* Pl. Fin., D. Fisc., TEP, FEA , conseillère en sécurité financière, chef de la planification fiscale et successorale, Samara bureau multifamilial inc.