Planifier le décaissement d’actifs à la retraite pour deux conjoints qui sont chacun le parent d’un enfant issu d’une union précédente n’est pas toujours simple. Une stratégie établie sur un contrat de fonds distincts peut être évaluée et mûrement réfléchie, mais elle comporte des risques d’engendrer des conflits familiaux.
Examinons cette stratégie, désignée « Stratégie du cheval de Troie » par l’avocat Serge Lessard, vice-président adjoint régional pour le Québec (Investissements), Service de fiscalité, retraite et planification successorale, chez Gestion de placements Manuvie, qu’il a exposée lors du congrès de 2020 de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).
À cette occasion, on présentait le cas de Laurent Hébert (62 ans), père de Marie-Claude Hébert (40 ans), qui envisage de prendre sa retraite dans cinq ans. Il habite avec sa nouvelle flamme, Monique Fortin (55 ans), elle-même mère d’Anne Fortin (35 ans).
Laurent Hébert a entendu parler de la possibilité d’utiliser un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) pour procurer un revenu à sa conjointe après son décès et que, au décès de celle-ci, l’argent qui restera irait à son enfant à lui.
La stratégie consiste à souscrire un FERR en contrat de fonds distincts dont Laurent serait titulaire et rentier (vie assurée) et dont la bénéficiaire irrévocable en cas de décès serait sa fille, Marie-Claude. Monique Fortin serait titulaire subsidiaire et rentière subsidiaire (vie assurée subsidiaire), apprend-on dans le cahier du participant du congrès de l’IQPF.
« Au décès de Laurent, Monique deviendrait titulaire et rentière du contrat. Elle ne pourrait cependant pas effectuer de retraits sans la permission de la bénéficiaire puisque cette dernière est irrévocable et que le contrat exige cette permission », y lit-on.
Or, le retrait minimum du FERR serait versé annuellement à Monique, puisque la loi l’oblige. Un montant supérieur à ce minimum pourrait lui être versé si Laurent, avant de spécifier l’irrévocabilité, avait prévu un montant de retrait fixe. Dans ce cas, c’est ce montant qui sera gelé à vie et versé à Monique, à moins que le retrait minimum du FERR ne dépasse ce montant lors d’une année future, d’après le cahier du participant.
« Au second décès, le décès de Monique, les sommes restantes seraient versées à Marie-Claude, sans impôt. La valeur du FERR restant serait ajoutée au revenu imposable de la dernière déclaration de revenus de feu Monique et la dette d’impôt viendrait réduire la valeur de sa succession, au grand dam de son héritière, Anne Fortin. Ce dernier point justifie le nom que nous avons donné à la stratégie », peut-on lire.
Avant d’adopter cette tactique, Serge Lessard souligne certains éléments à considérer. D’abord, la désignation de bénéficiaire irrévocable doit être effectuée du vivant de Laurent. « Ceci signifie que lui non plus ne pourra pas retirer plus que le minimum du FERR ou le montant spécifié », d’après le cahier duparticipant.
Évidemment, il pourrait demander à Marie-Claude la permission d’en retirer davantage. « Mais qu’arriverait-il si Marie-Claude devenait inapte? Aucune permission ne pourrait être donnée », écrit Serge Lessard.
Dans le cas où Monique décéderait avant Laurent, celui-ci serait quand même limité dans ses retraits par la désignation irrévocable, ce qui pourrait être un frein à la mise en place de cette stratégie. D’où, pour un client dans ce genre de situation, l’idée d’attendre d’être à la retraite avant d’envisager de l’utiliser.