Les effets de la restructuration de SFL Gestion de patrimoine semblent encore se faire sentir sur le moral de ses conseillers.
C’est ce que montre le sondage mené dans le cadre du Pointage des cabinets multidisciplinaires auprès de répondants de cette firme. Ceux-ci lui accordent un Indice FI de 7,5 sur 10 en 2020, soit la moyenne des notes que les conseillers accordent aux 22 critères d’évaluation du sondage. Cette mesure est la même que celle enregistrée en 2018, laquelle était alors l’indice le plus faible depuis 2005. Finance et Investissement publie son Pointage sur une base annuelle.
De plus, le taux de recommandation net de SFL s’élève à 20,1 (échelle de -100 à 100), ce qui est inférieur au taux moyen (64,5) des firmes évaluées.
Comment les conseillers évaluent-ils leur firme ?: Consultez le tableau du Pointage des cabinets multidisciplinaires
« La direction a procédé à une réorganisation qui ne fonctionne pas. Je n’ai jamais vu le réseau dans un tel état. La firme est en transformation et très mal dirigée au niveau du siège social », indique un répondant de SFL. « On a eu de gros changements. On a été bien informés. Au début, rien n’était clair et il y a encore des ajustements à faire », ajoute un autre.
Déployée depuis 2017, la restructuration a fait passer de 40 à 13 le nombre de centres financiers. Avec cette restructuration, SFL visait notamment à mieux former les représentants, à leur offrir de bons outils et un accès à des experts-conseils. Rebaptisé SFL Gestion de patrimoine, le réseau a aussi pris un virage vers une clientèle aisée et fortunée, laquelle détient la grande majorité des 4 400 G$ d’actif financier au Canada.
Ce virage déplaît à certains. « Ils axent beaucoup pour qu’on aille chercher une clientèle aisée. C’est irritant », dit un participant au sondage.
Comparativement à l’an dernier, SFL obtient de plus faibles notes aux critères d’évaluation se rapportant à l’environnement de travail. « Avec la transformation de l’entreprise, ce n’est pas clair encore », dit un répondant à propos de la culture de la firme.
« C’est un gros bateau et ça se perd dans le bruit d’ambiance », note un répondant à propos de la réceptivité de SFL aux commentaires des représentants.
Selon certains sondés, SFL devrait améliorer ses communications internes et être davantage transparente. Selon un autre, elle devrait faire preuve d’une « meilleure écoute relativement au modèle d’affaires choisi par les conseillers individuellement ».
SFL devrait « privilégier le contact humain plutôt que de mettre presque toutes les énergies sur les nouvelles technologies », note un autre répondant.
Malgré ces critiques, SFL compte de nombreux conseillers satisfaits dans ses rangs. « Ça fait trois ans qu’on est en réorganisation. Ils ont un très bon jugement. Ils savent où ils s’en vont et pourquoi », souligne l’un d’eux. « Certains alignements ne sont pas clairs, mais dans l’ensemble, c’est très bien », dit un autre à propos de la culture de la firme.
« Ils sont très à l’écoute », commente un sondé par rapport à la réceptivité aux avis des conseillers. Plusieurs sont aussi prêts à recommander la firme à un de leurs collègues en raison de son image, de sa réputation, de sa crédibilité, de son soutien, de l’autonomie qu’elle offre et de la qualité de ses formations aux conseillers.
Retour vers le futur
Michael Rogers, vice-président, ventes et distribution, réseaux indépendants au Mouvement Desjardins, revient sur la restructuration. Selon lui, la fusion des centres financiers s’est bien passée : « On n’a pas perdu beaucoup de joueurs dans la transformation. »
Avant 2018, l’équipe de soutien aux conseillers en matière de planification financière était petite et manquait de cohésion avec les différents réseaux, selon lui. Désormais, les conseillers ont plusieurs outils. D’abord, ils peuvent effectuer des planifications de base, grâce aux calculettes et outils de leur nouveau logiciel de gestion des relations clients Kronos.
De plus, une équipe d’experts dirigée par Richard Lalongé, directeur principal, Centre d’expertise et planification financière de DSF, épaule les conseillers afin qu’ils livrent des planifications financières complètes, c’est-à-dire qui touchent les sept champs d’expertise reconnus par l’Institut québécois de planification financière.
Enfin, un représentant peut soumettre une question à des experts, comme des notaires et des fiscalistes, et obtenir une réponse en 24 heures. « On est en plein dans la courbe d’apprentissage, dit Michael Rogers. De 250 à 300 questions par semaine reçoivent une réponse et le conseiller peut donner le conseil dont le client a besoin pour le produit dont il a besoin. »
Sur le plan technologique, SFL prévoit déployer progressivement le logiciel d’arrière-guichet (back-office) Dataphile, du fournisseur Broadbridge, dans les prochains mois. Celui-ci permettra de résoudre plusieurs problèmes montrés du doigt par les conseillers.
« Avec le portail actuel, si un client oublie son mot de passe et que son conseiller est en vacances, quelqu’un doit appeler au siège social pour changer le mot de passe. Ça devient un peu onéreux pour le client. Dans la nouvelle plateforme, on prêche pour une plus grande autonomie du conseiller », signale Michael Rogers.
Cet outil simplifiera aussi l’arrière-guichet en automatisant différents processus. « Ça amène plusieurs possibilités, dont celle d’offrir des fonds négociés en Bourse à moyen terme par nos réseaux, explique Michael Rogers. On va avoir des comptes autogérés en devise américaine. On va avoir des honoraires qui [pourront] se comptabiliser sur les ménages plutôt que les individus, ce qui est une tendance lourde. Ce logiciel donne de nets avantages. »
Chez SFL, la pandémie actuelle a accéléré l’adoption par les conseillers de la signature électronique OneSpan, acceptée par tous les émetteurs de fonds, mais pas tous les assureurs de personnes.
La pandémie a aussi permis aux représentants d’apprendre à utiliser les outils de télétravail de la suite Microsoft Office 365, selon Michael Rogers. Toutefois, ces outils s’accompagnent de coûts supplémentaires que SFL fait assumer aux conseillers, ce qui baisse leur rentabilité, critiquent certains répondants.
« Beaucoup de conseillers nous ont écrit pour nous dire : “L’an dernier, quand vous nous avez imposé Skype, je trouvais ça cher. Aujourd’hui, je peux donner des conseils à distance en pleine pandémie” », relate Michael Rogers.
« Il y a eu une hausse des coûts, mais c’est beaucoup relié à la technologie, poursuit-il. Pour nous, l’autonomie du conseiller, la technologie, la sécurité des données sont toutes incontournables. Les conseillers qui disent qu’ils aimeraient être moins outillés et un peu moins “sécures”, eh bien, ça ne marche pas. »
La formation continue s’avère une force chez SFL, révèle le sondage. Dans sa mutation, la firme a d’ailleurs investi afin de l’améliorer. Alors que celle-ci portait auparavant sur les produits, elle mise désormais sur le conseil financier et les besoins des clients, note Michael Rogers.
SFL offre un système de cours virtuel, qui permet au conseiller d’avoir accès à une bibliothèque de formation et à SFL, de suivre son cheminement. « Si, en pleine crise de COVID-19, ils veulent une formation sur un sujet, ils peuvent être autonomes dans leurs apprentissages sur le plan de la lecture et des vidéos. Ça nous donne une feuille de route pour voir qui a fait tel cours et qui ne l’a pas fait. »
Travail à faire
Michael Rogers qualifie la mutation de réussite. Le réseau a affiché des ventes nettes de fonds de 250 M$ en 2019, « un bel exploit » d’après lui, et une hausse des volumes de vente en assurance avant la pandémie.
Toutefois, cette dernière, tout comme les nombreux chantiers technologiques de la firme, fait qu’il reste du travail à accomplir. Notamment, les relevés de comptes « sont effectivement dus pour être remis au goût du jour, affirme Michael Rogers. Le virage à honoraires nous amène à revoir le contenu des relevés. » Il est d’avis que les conseillers devraient intégrer à leur pratique d’affaires l’envoi de relevés numériques, plutôt qu’en format papier, les premiers ayant un taux de pénétration très faible.
Par ailleurs, la direction devra réitérer certaines règles, car, d’après un répondant, des « directeurs de centres financiers ne [devraient plus] aussi [être eux-mêmes] des conseillers avec leur propre équipe, car ils sont en conflit d’intérêts avec la force de vente ».
Cette situation « n’est pas répandue. Contrairement à l’industrie de plein exercice où il est encouragé [d’être un directeur-producteur], le rôle à temps plein et premier de nos équipes de gestionnaires, directeurs adjoints et propriétaires est de servir les conseillers. S’ils ont leur propre clientèle, il faut que ça ne prenne pas trop de leur temps », souligne Michael Rogers.
SFL devra donner vie à la vision de Denis Dubois, premier vice-président, Gestion de patrimoine et Assurance de personnes au Mouvement Desjardins, et président et chef de l’exploitation de DSF. Denis Dubois prévoit continuer d’investir, notamment en technologie, afin de faciliter le travail des conseillers : « On veut travailler fort afin de rendre les interactions entre les conseillers et les clients beaucoup plus simples et efficaces. »