Des changements dans la rémunération et l’incertitude à l’égard des transformations organisationnelles en cours expliquent la baisse de la note de la Financière Sun Life (FSL) au Pointage des courtiers multidisciplinaires de 2021 par rapport à celui de 2020.
Issu d’un sondage mené auprès des conseillers, le Pointage soulève d’importantes interrogations sur les nouvelles orientations du réseau de distribution de la FSL.
Robert Dumas, président et chef de la direction de la Sun Life au Québec, ainsi que Michel Fortin, vice-président, initiatives stratégiques et chef de la distribution pour l’Est du Canada, ont accepté de répondre à nos questions.
En 2021, l’indice FI de la Financière Sun Life a atteint un creux de 7,4. Il se situait à 8,1 en 2020. Cet indice reflète la moyenne des notes obtenues aux 29 critères d’évaluation des firmes, lesquels se rattachent à la technologie, la rémunération, les services de soutien et l’environnement de travail.
De plus, de 2020 à 2021, le taux de recommandation net des conseillers de la FSL est passé de 56,3 à 0 sur une échelle de-100 à 100. Cela signifie que les promoteurs de l’entreprise sont maintenant aussi nombreux que ses détracteurs. On définit les premiers comme ceux qui sont les plus enclins à recommander la FSL à un autre conseiller (probabilité de 9 ou 10 sur une échelle de 0 à 10) et les seconds, comme ceux qui sont les moins enclins à le faire (notes de 0 à 6).
Toutes firmes confondues, le taux de recommandation net moyen s’élève cette année à 49,3. Que s’est-il donc passé dans le réseau de distribution de la FSL depuis un an?
La qualité des outils technologiques et des services de soutien n’est pas en cause. Dans l’ensemble, les notes de la FSL se comparent avantageusement avec celles de l’industrie.
Par exemple, le logiciel de gestion de la clientèle (front office) de la FSL remporte une note de 7,6 sur 10 (comparativement à 7,7 pour la moyenne québécoise). Le soutien à la technologie mobile et au conseiller mobile affiche une note de 7,6 (contre 7,5 en moyenne). Les écarts sont similaires relativement aux services de soutien à la planification financière (8,2 contre 7,2), d’assurance de personnes (8,2 contre 8,0) et de planification successorale (8,6 contre 7,3).
En fait, les représentants sondés semblent davantage insatisfaits de la rémunération et de l’environnement de travail.
Changements décevants
Les conseillers de la FSL sondés ont donné une note de 7,3 à la rémunération globale, comparativement à 8,3 pour la moyenne québécoise. Ils accordent 7,1 aux primes et autres avantages de rémunération, contre 7,9 dans le cas du Québec dans son ensemble.
«On change ma rémunération à la baisse tous les ans», affirme un conseiller. «Il y a diminution des avantages et des bonis», déplore un autre. Un conseiller dit avoir parfois des «paies négatives. Si je ne suis pas au niveau de vente exigé, il arrive que je n’aie pas de paie et que le mois d’après je doive rembourser.»
En revanche, quelques conseillers signalent avoir tiré leur épingle du jeu. «Il y avait une forme de bonification basée sur la croissance des actifs. Cela a été remodelé en commissionnement ajusté, ce qui désavantage certains mais en avantage d’autres», énonce un répondant.
La rémunération s’appuie sur un «système de commissions nivelées. C’est très bien pour la valeur future du bloc d’affaires», dit un autre conseiller évoquant le secteur de l’assurance.
Certains répondants estiment que le système de rémunération de la FSL favorise les gros producteurs. La direction ne veut que «des conseillers hyper performants», dit l’un d’entre eux. «Il n’y a pas de respect pour les conseillers moins performants», déplore un autre. Et, peut-être en réaction, un conseiller signale que «plusieurs quittent [la firme] ou pensent à le faire».
L’insatisfaction à l’égard de la rémunération pourrait-elle alors émaner de conseillers «moins»performants?
Interrogée à ce sujet, la direction de la FSL confirme vouloir favoriser la rémunération des conseillers plus performants. «En gestion de patrimoine, nous avons aligné notre système de rémunération sur l’industrie. Les conseillers qui affichent une meilleure croissance de leurs affaires ont une rémunération plus forte. Ils touchent des bonis lorsque les ventes nettes atteignent un certain niveau», explique Michel Fortin.
Selon ce dernier, la FSL entend ainsi «reconnaître et récompenser les conseillers qui enregistrent de plus fortes croissances en ventes nettes dans le secteur de la gestion de patrimoine. Et par rapport à nos concurrents, notre système de rémunération est des plus compétitifs.»
Les conseillers moins performants se sentiraient-ils sous pression ? Michel Fortin signale «n’avoir pas observé que des conseillers voudraient quitter l’entreprise».
La FSL entend-elle diminuer le nombre de conseillers afin d’accroître l’actif moyen sous administration ? Michel Fortin n’abat pas ses cartes.«Nous avons entre 550 et 600 conseillers au Québec. On met l’accent sur les besoins des clients. Et on veut s’assurer de la pérennité de la distribution», répond-il.
Selon lui, l’insatisfaction de certains conseillers sur le plan de la rémunération pourrait être un effet de nouveauté à l’égard du processus de changement. «Nous avons implanté une nouvelle grille de rémunération en gestion de patrimoine en avril dernier. C’est nouveau et ça peut susciter des réactions négatives», dit Michel Fortin.
Qu’en est-il des conseillers qui évoquent des changements négatifs à leur rétribution ?
«En 2020, nous avons enregistré des ventes nettes records en gestion de patrimoine. Et la majorité des conseillers bénéficient de la nouvelle grille. On vient d’ailleurs de lancer une nouvelle application informatique qui montre comment mieux exploiter le potentiel de cette grille», signale Michel Fortin.
Selon lui, «nos résultats à ce jour démontrent une productivité accrue des conseillers, autant en assurance qu’en placement».
La FSL affiche des notes considérablement inférieures à la moyenne québécoise à plusieurs critères d’évaluation liés à l’environnement de travail, comme le montre le tableau de la page 13.
De plus, par rapport au pointage de 2020, les conseillers de la FSL ont donné des notes inférieures à bon nombre de critères cette année, dont l’orientation stratégique de la firme (6,4), la stabilité du leadership interne (5,5), la culture d’entreprise (6,8) et la réceptivité de la firme aux commentaires et opinions (6,0).
Plusieurs estiment que la FSL se rapproche du modèle bancaire. Cette perspective n’est pas populaire. «On se dirige vers un modèle d’institution financière mettant en péril l’identité des conseillers», affirme un des sondés. «Depuis quelque temps, ils veulent davantage devenir une institution financière. Je ne crois pas que c’est la bonne chose à faire», dit un autre. «Plus les années passent, plus nous nous dirigeons vers un modèle de style bancaire, ce qui ne me plaît pas personnellement», affirme un autre.
«On doit changer»
La direction de la FSL revendique la pertinence du modèle bancaire pour son avenir. «Au cours des 20 dernières années, il y a eu peu de changements dans nos approches en distribution et en expertise de gestion de patrimoine. Où est le modèle à suivre ? Il se trouve justement dans les institutions bancaires. On doit changer !»insiste Robert Dumas, président et chef de la direction de la Sun Life au Québec.
Aux yeux de Michel Fortin, les conseillers n’y perdront pas au change:«On valorise la valeur ajoutée du conseil. Et on cherche à doter les conseillers des meilleurs outils afin de donner toujours plus de valeur à nos clients.»
Par ailleurs, la FSL a refondu sa structure de territoires au début de l’année 2020, une restructuration qui a déplu à certains répondants qui souhaitent un retour en arrière.
«Au Québec, nous avons maintenant deux régions, le grand Montréal et le reste du Québec, le tout divisé en huit districts, signale Michel Fortin. Ces secteurs ont été délimités en fonction de leurs particularités et de leurs profils démographiques. Nous voulons des équipes diversifiées et représentatives des populations locales. L’objectif consiste à renforcer notre pertinence. Il faut rejoindre les communautés de façon efficace.»
Certains conseillers déplorent la façon dont ces changements ont été menés. «On ne sait pas où on s’en va… la restructuration me semble pénible», dit un conseiller. «Les changements de territoires sont problématiques», affirme un autre.
Cela étant dit, la direction semble avoir entendu ces critiques. «Les changements peuvent engendrer des insatisfactions, ce qui peut être amplifié en temps de pandémie. À la lueur des commentaires, nous veillerons à accentuer les efforts en communications auprès de tous nos conseillers et de leurs équipes de soutien», affirme Michel Fortin.
Or, il n’est pas question de recul. «Des signaux positifs quant au succès de cette stratégie d’affaires sont déjà observés alors que des régions du Québec obtiennent des résultats en croissance. Nous sommes convaincus que ces changements continueront à porter leurs fruits, au bénéfice de tous nos conseillers et des clients», note Michel Fortin.
Améliorations appréciées
Le sondage met toutefois en évidence des forces de la FSL perçues par ses conseillers.
Des conseillers sondés ont ainsi louangé l’ajout de la signature électronique au cours de l’année passée, autant en assurance qu’en placement. Certains ont mis en relief le soutien de l’entreprise durant le confinement de la COVID-19, y compris les formations pour les nouveaux outils et la transition vers le service-conseil et les transactions à 100% numériques.
«Cette transition était excellente. La [firme] a agi vite avec les signatures électroniques. Ils ont travaillé très fort. Il reste encore d’autres documents qu’on aimerait avoir à 100 % électroniques, mais ça s’en vient», dit un répondant. «Ils étaient très présents. Ils ont allégé le remboursement des blocs de clients et pour les loyers pour qu’on ait plus d’argent», souligne un autre.
D’autres ont mis l’accent sur la capacité de l’entreprise à favoriser les médias sociaux et à offrir du service en ce sens. Au cours de la dernière année, la FSL a ainsi créé des postes d’experts-conseils numériques. «Leur rôle consiste à fournir du soutien aux conseillers, aux leaders et au personnel de soutien afin qu’ils soient plus productifs grâce à l’utilisation des solutions numériques», note Michel Fortin.
Téléchargez le tableau du Pointage des courtiers multidisciplinaires, en cliquant sur ce lien.