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Malgré les efforts des courtiers pour améliorer les outils et le soutien mis à la disposition des conseillers en placement (CP) en matière de fonctions administratives, les attentes de ces derniers restent insatisfaites, selon le Pointage des courtiers québécois 2024.

Pour un segment de CP, l’expérience à cet égard est jugée décevante chez bon nombre de courtiers évalués. Généralement, ils parlent de longs délais avant d’obtenir une réponse à leurs questions, d’informations partielles ou inexactes ainsi que de processus lourds et complexes.

Les outils et le soutien d’arrière-guichet (back office} sont le critère technologique d’évaluation qui récolte la note la plus basse du pointage. En 2024, la moyenne québécoise était de 7,9 sur 10, et son importance moyenne, de 8,9.

L’écart entre la performance moyenne et l’importance moyenne [1,3 point] est le plus important parmi les critères évalués. En 2023, cet écart était de 1,2 point. L’insatisfaction des conseillers à l’égard des outils de back office grandit, malgré les efforts des firmes pour s’améliorer.

Sur l’ensemble des répondants, 17 % donnent une note de 0 à 6 sur 10 [insatisfaits], par rapport à 42 % de neutres [7 ou 8 sur 10] et 41 % de satisfaits [9 ou 10]. L’expérience avec les outils de back office est l’un des deux critères qui comptent le plus de conseillers insatisfaits parmi l’ensemble des critères évalués, et ce, même si la note moyenne a progressé depuis 2022.

Les outils de back office recouvrent une vaste réalité. Ils incluent notamment la gestion de portefeuille, la gestion des ordres, les services de comptabilisation des dividendes, la paie ainsi que l’aide offerte par le personnel administratif touchant ces services, telle que les lignes d’assistance.

Le risque est grand pour un courtier de décevoir un jour ou l’autre un CP.

Sur le plan des défis, les courtiers sont souvent aux prises avec des systèmes technologiques de back office obsolètes, qui ne correspondent pas aux attentes des CP ou qui sont lourds à gérer par leurs utilisateurs. « Les systèmes ici sont archaïques et, comme partout, le soutien administratif est déficient », signale un répondant.

D’autre part, certaines fonctions de back office qui dépendent de manipulations humaines, comme les transferts entre institutions financières, peuvent créer des défis. Le roulement de personnel et le manque de formation des nouveaux employés de soutien sont mentionnés dans plusieurs firmes comme un problème. Ils se traduisent par des délais, des obligations de suivis, des réponses qui doivent être vérifiées par les conseillers. Toutes ces tâches supplémentaires font perdre un temps précieux.

« Pour obtenir une réponse, on se lance parfois la balle d’un service à l’autre », déplore un sondé. « On ne peut plus parler directement au personnel administratif. On doit envoyer un courriel. C’est long et compliqué. »

Il est difficile de se retrouver parmi tous les outils disponibles. « Parfois, on ne sait même pas qu’on possède tel ou tel outil », constate un sondé qui estime que les firmes devraient être plus sélectives dans l’offre de technologies aux conseillers.

La pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie nuit à l’expertise du personnel de back office et touche la qualité du soutien aux conseillers, estime un répondant. « Ils s’améliorent constamment, mais c’est un problème sectoriel, il est difficile d’embaucher du personnel supplémentaire », résume un autre.

Un répondant évoque un autre enjeu : « La banque ne nous intègre pas à ses ressources humaines. Leur personnel ne comprend pas notre réalité. Donc, on n’a pas vraiment de soutien. On doit gérer ça tout seul. »

Dans toutes les firmes sondées, des conseillers se montrent satisfaits ou soulignent les améliorations apportées aux systèmes. « Les outils de back office sont fantastiques. Ils sont simples. Ils vont au-delà de ce qui est nécessaire », mentionne un répondant, tandis qu’un autre fait ce commentaire : « Les systèmes sont assez rapides. Ça va très bien dans l’ensemble. On est bien équipé. »

Malgré ce défi, la plupart des firmes sont mieux perçues en 2024 que l’an dernier. C’est le cas de Gestion de patrimoine TD [GPTD]. Pour l’arrière-guichet (back office}, ses CP lui accordent une note moyenne qui est passée de 4,7 en 2023 à 6,4 en 2024.

Malgré cette progression, GPTD compte de nombreux répondants critiques, qualifiant leur back office d’« horrible ». « On ne peut parler à personne, il n’y a pas de communication. »

Suzanne Tremblay, viceprésidente, cheffe régionale, Québec et Atlantique de GPTD, répond : « Nous avons investi dans la simplification des processus et l’amélioration des outils qui sont directement liés à la prestation des services des conseillers aux clients, ce qui comprend des solutions en contact direct avec les clients et dans nos services de fonctions administratives. » Pour la période de production des déclarations de revenus, la firme a offert à ses conseillers un outil technologique qui facilite l’envoi de documents aux clients de manière sécurisée.

À CIBC Wood Gundy (CIBC WG), le degré de satisfaction à l’égard des outils de back office varie. Des conseillers estiment que le service est très moyen. « Le personnel administratif ne nous considère pas comme des clients [en attente d’une réponse]. On se renvoie les demandes d’un service à l’autre et nous, on attend. »

Le mois de janvier, période de pointe pour les REER et les retraits des régimes enregistrés d’épargne-études, a été problématique à CIBC WG. La firme a connu des délais dans son back office en raison d’un manque d’effectifs, indique Charles Martel, directeur général et chef régional, région du Québec à CIBC WG. Il assure que la situation sera améliorée l’an prochain. « Quand il y aura d’autres périodes de pointe, il y aura plus d’employés. On va s’assurer de mieux gérer les vacances du personnel et d’automatiser davantage certains processus manuels », dit-il.

Plusieurs conseillers soulignent des problèmes sur le plan de la rapidité et de la qualité des réponses à Valeurs mobilières Desjardins (VMD). Un répondant mentionne : « L’information qu’on nous donne n’est pas toujours bonne, on est obligé de vérifier. » Le courtier a dû composer avec un roulement de personnel de back office, explique David Lemieux, vice-président et directeur général à VMD. Certains employés en formation étaient peu accoutumés aux processus d’escalade des questions plus complexes, ce qui a occasionné des délais dans les réponses. Le personnel est plus stable depuis quelques mois, affirme-t-il.

VMD a accompli des efforts au cours de la dernière année afin de simplifier les processus en matière de back office et d’éviter l’entrée de données erronées. Par ailleurs, une faille technologique dans le logiciel de gestion de portefeuille Croesus en début d’année a entraîné une période d’instabilité, mais la situation est redevenue normale, précise David Lemieux.

À RBC Dominion Valeurs mobilières (RBC DVM), un sondé juge irritant le manque de personnel administratif de même que son travail à distance. « On fait nous-mêmes des suivis pour s’assurer que tout est correct. » Un autre déclare que les lignes d’assistance ne répondent pas souvent : « On laisse un message et ils ne rappellent pas. »

Jérôme Brassard, vice-président et directeur régional de RBC DVM, estime que ce genre de commentaires était plus fréquent l’an passé. Avec le défi du retour au travail au bureau, c’est moins souvent le cas. Il précise que les « matrices de vérification » sont en amélioration, mais que le manque de main-d’œuvre et le roulement de personnel compliquent les choses.

Par ailleurs, des CP de RBC DVM se montrent insatisfaits du soutien automatisé par courriel mis en place il y a quelques années. « Il y a eu des améliorations de ce système, mais pas de bouleversements, précise Jérôme Brassard. Cela dit, quand on a un client qui a certaines problématiques, des idées ou des questions, le bon vieux téléphone fonctionne encore super bien. »

iA Gestion privée de patrimoine (iAGPP) est bien notée sur le plan de la formation. En revanche, un groupe de conseillers critique le soutien. Parmi les plaintes formulées, le roulement de personnel et le manque d’employés reviennent. Adam Elliott, vice-président principal à iAGPP, précise que 2023 a été une année record pour le recrutement de CP, ce qui a mis de la pression sur toutes les équipes.

Le programme de soutien informatique de back office Prestige d’iAGPP est louangé par un segment de CP qui y ont accès. Ce programme permet aux 100 équipes à plus haut revenu de bénéficier d’un niveau de soutien plus élevé, notamment des employés de soutien attitrés ainsi que de l’aide pour le développement des affaires et le marketing.

Adam Elliott indique que la firme envisage d’offrir ce programme à toutes les équipes qui génèrent des revenus de 1 million de dollars au lieu de juste les 100 plus importants groupes de conseillers en placement. Il n’est toutefois pas question d’étendre ce service à l’ensemble des conseillers.

Par ailleurs, maints sondés d’iAGPP se plaignent de la plateforme de Banque Nationale réseau indépendant. Certains parlent d’un logiciel lourd, d’une technologie transactionnelle qui laisse à désirer.

« Le gazon n’est pas toujours plus vert ailleurs », répond Adam Elliott à ceux qui jugent que le courtier devrait changer de gardien de valeurs. Il admet que certains projets en ce sens ont été livrés plus tard que prévus par le passé, mais assure que sa firme travaille très bien avec ce fournisseur. « On est un client très important pour eux et ils nous entendent très bien. On comprend aussi qu’on leur demande des améliorations que presque tous leurs autres clients ne leur demandent pas », dit-il.

Avec la collaboration d’Alizée ­Calza et ­Guillaume ­Poulin-Goyer

tableau - pointage des courtiers québécois 2024

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