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Les conseillers en placement (CP) qui souhaitent servir les clients en français n’ont pas toujours accès à des outils dans cette langue. Ils doivent composer avec des logiciels ou des formations mal adaptés, ou des rapports de recherche dont la traduction en français se fait parfois attendre.

Dans le cadre du Pointage des courtiers québécois, les CP pouvaient accorder une note à leur firme pour ses outils et son soutien afin d’aider les représentants à servir leurs clients francophones.

Les courtiers obtiennent une note moyenne de 8,7 sur 10. L’importance moyenne étant de 9,2 sur 10, on observe un écart de satisfaction de 0,5 point.

En tout, 8 % des répondants se montrent insatisfaits pour ce critère, avec une note de 0 à 6 sur 10, par rapport à 66 % de satisfaits (9 ou 10). Ces proportions sont de 12 % et 57 % si on exclut les trois courtiers ayant leur siège social au Québec, ces derniers affichant une meilleure appréciation sur ce plan.

En général, les courtiers en activité dans la province disent qu’ils se conforment aux lois du Québec qui régissent l’utilisation du français dans le milieu du travail. Leurs clients francophones sont donc servis dans leur langue et les conseillers francophones sont généralement en mesure d’effectuer leur travail dans leur langue maternelle.

Or, parfois, certains outils de travail ne sont pas adaptés aux besoins des conseillers francophones. Par exemple, des logiciels refusent les accents dans le nom d’un client ou certaines formations sont inadaptées au droit civil du Québec.

De plus, la haute direction des firmes s’exprimant parfois seulement en anglais, la majorité des réunions se déroulent dans la langue de Shakespeare. Ces situations entraînent une perte de productivité pour les conseillers francophones vis-à-vis de leurs collègues anglophones.

Malgré la majorité de CP satisfaits, la minorité qui ne l’est pas déplore bon nombre de situations.

Des CP se plaignent de la qualité de la traduction de certains documents, quand elle n’est pas carrément manquante. Plusieurs formations et réunions sont présentées uniquement en anglais, ce qui constitue un irritant.

Dans certaines équipes de CP, des membres sont parfois moins susceptibles d’être bilingues (conseillers, adjointes ou adjoints et autre personnel de front office). Résultat : ils ont de la difficulté à utiliser certains logiciels et outils ou à recevoir de la formation pour ce faire.

À la question de savoir si les outils et le soutien fournis par le courtier aident à servir les clients francophones, un CP répond : « Pour nos clients, oui. Pour nous, non. Les logiciels demeurent en anglais. Mes adjointes, qui ne sont pas bilingues, ont de la difficulté. »

Parfois, la traduction en français de certains documents arrive si tardivement qu’ils deviennent périmés avant de pouvoir être acheminés aux clients, signale un représentant. « Le délai entre la publication des rapports de nos portefeuilles modèles en anglais et en français est inacceptable », mentionne un conseiller. Parfois, les traductions sont si mauvaises que les conseillers préfèrent lire les documents originaux.

La bonne nouvelle est que les dirigeants sont souvent au courant de ces problèmes.

Suzanne Tremblay, vice-présidente et cheffe régionale Québec et Atlantique, Services privés, Gestion de patrimoine TD, dit que la situation s’y améliore graduellement sur le plan de la traduction de la documentation. « Nous avons maintenant une stratégie pour le segment francophone avec une équipe destinée à soutenir les initiatives pour ce marché et nous nous conformons à la loi 96 », dit-elle. La firme a notamment introduit des capsules « Parlons argent en direct » en français et continuera d’en produire à l’avenir.

« Ça peut être difficile pour quelqu’un qui n’est pas bilingue. Tout est fait en anglais à l’interne même si on est à Québec ou à Trois-Rivières », mentionne un conseiller de RBC Dominion Valeurs mobilières (RBC DVM). Un autre se plaint des délais de traduction des documents.

Le courtier a mis en place depuis un peu plus d’un an un système de traduction intégrée qui utilise l’intelligence artificielle afin de réduire les délais dans la traduction de la documentation pour les conseillers, indique Jérôme Brassard, vice-président et directeur régional de RBC DVM. Son équipe travaille à mettre à jour certains logiciels « longs à traduire ». « Ça a l’air simple, mais changer le mot peut signifier de recoder pratiquement l’application complète. »

Or, le dirigeant prend ces enjeux « excessivement au sérieux ». Il ajoute que, malgré des progrès par rapport à il y a dix ans, il reste du travail à faire. « Nos employés qui ont moins de facilité à s’exprimer en anglais doivent avoir la même productivité et avoir accès aux mêmes ressources que les employés anglophones. Ce n’est pas négociable. »

Charles Martel, directeur général et chef de la région du Québec de CIBC Wood Gundy (CIBC WG), confirme que les rapports de recherche économiques de sa firme sont publiés souvent en anglais en premier. C’est parce qu’ils émanent majoritairement des services anglophones. Dorénavant, de plus en plus de recherches seront réalisées par la division Gestion d’actifs CIBC, qui produit des rapports de marché sur des sujets ponctuels dans les deux langues en même temps, précise le dirigeant.

Malgré la bonne appréciation obtenue par iA Gestion privée de patrimoine (iAGPP), certains répondants critiquent le soutien en français offert aux conseillers. L’un d’eux le qualifie de « décevant ».

En gestion discrétionnaire, où tout se passe à Toronto, les conseillers d’iAGPP ont plus de difficulté à se faire servir en français, dit un CP. Un autre signale une rareté de francophones lors des réunions. Un conseiller s’étonne que les champs pour le nom et l’adresse ne permettent pas d’ajouter des accents dans l’une des applications utilisées.

« C’était vrai l’année passée. C’est réglé maintenant », dit Adam Elliott, vice-président principal à iAGPP. Le courtier a demandé au fournisseur américain du logiciel en question d’y remédier, preuve que les choses peuvent bouger pour peu que des pressions soient exercées au bon endroit. Adam Elliott précise qu’environ 25 % des conseillers d’iAGPP et 50 % des employés de la firme sont établis au Québec. « Des enjeux avec la langue peuvent parfois se produire au sein des plus petites divisions, mais on comprend l’importance du français, on est une firme québécoise », affirme le dirigeant.

Avec la collaboration d’Alizée ­Calza et ­Guillaume ­Poulin-Goyer

tableau - pointage des courtiers québécois 2024

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