Chez une majorité de firmes de courtage, les conseillers en placement (CP) sondés se montrent davantage satisfaits de leur rémunération que l’an dernier. Malgré tout, les attentes de certains répondants ne sont pas comblées au sein de certaines firmes, surtout lorsque leur courtier ajuste des éléments de leur rétribution à leur désavantage, selon le Pointage des courtiers québécois 2023.
Ainsi, en 2023, les conseillers sondés ont octroyé une note moyenne de 8,6 sur 10 à leur courtier, soit l’équivalent de la note l’an dernier. Les trois quarts des répondants accordent une note de 8 ou plus à leur firme.
Pour six des neuf courtiers évalués, la note est stable ou en progression de 2022 à 2023. Pour deux firmes, la note est en baisse et pour une, nous n’avons pas de comparatif avec l’année précédente.
Les CP sont habitués, voire résignés, à certains ajustements annuels à leur grille de rémunération. Par le passé et encore cette année, des courtiers ont majoré les seuils minimaux de revenus bruts générés (production) pour atteindre un taux de commission (payout) donné. Ils ont parfois transféré des dépenses à la charge de conseillers ou ajusté le seuil d’actif minimal par ménage afin qu’un conseiller soit payé.
Les changements touchent de manière inégale les conseillers. Pour certains, ils peuvent être coûteux, notamment quand le nouveau seuil minimal vient réduire leur payout. Un conseiller bien au fait de la rémunération des concurrents résume cette frustration : « Chaque année, toutes les banques se réunissent et pressent le citron des conseillers autant que possible. »
Dans ce contexte, les conseillers accueillent favorablement l’absence de changement à leur rémunération ou le fait que leur firme garde stable sa formule de rétribution pendant quelques années.
À Valeurs mobilières Desjardins (VMD), on a établi un programme sur trois ans, ce qui donne une certaine prévisibilité. « Il n’y a donc eu cette année au programme aucun ajustement qui n’était pas connu à l’avance. Il en est de même pour les redevances aux caisses : une diminution au cours des deux dernières années de cette redevance », explique David Lemieux, vice-président et directeur général à VMD.
Or, certains conseillers de VMD restent critiques, tantôt de l’importance de cette redevance, tantôt de l’absence de rémunération différée sous forme d’actions, appelée restricted stock units (RSU). « C’est un gros manque. Après 20 ans, les écarts sont très grands », dit un sondé à propos de ce régime.
VMD avait un programme de rémunération différé sur trois ans qui a été abandonné cette année, précise David Lemieux : « D’un point de vue du développement des affaires, cet argent retenu dans des programmes de rémunération différée du type RSU ne rapporte rien à l’organisation. Nos gestionnaires sont libres de réinvestir immédiatement ces sommes dans leurs équipes, dans le développement des affaires, dans le service à la clientèle. Nous ne regrettons aucunement notre choix. »
BMO Nesbitt Burns (BMO NB) se démarque cette année, avec une note pour le critère portant sur la rémunération qui est passée de 8,2 en 2022 à 8,9 en 2023. Le courtier avait annoncé des changements pour 2022 qui avaient été bien reçus.
Encore cette année, bon nombre parlent de changements à l’avantage du conseiller. Un répondant souligne qu’on a simplifié la grille de rémunération en novembre dernier, en diminuant le nombre de paliers de production brute. Un autre juge que la rémunération vise à encourager les jeunes à venir y travailler. Un troisième dit qu’on « nous aide dans l’embauche de personnel de soutien et on a bonifié les budgets pour le marketing ». Un autre soutient que la période durant laquelle les conseillers versent une redevance aux succursales est passée de dix à cinq ans.
D’après un répondant, «la rémunération est près du sommet de l’industrie lorsqu’on considère les bonis pour les nouveaux actifs»ainsi que la rémunération différée (RSU).
BMO NB n’a pas élaboré sur l’ensemble de ces éléments, mais évoque l’amélioration de son soutien aux équipes de CP. « Ce nouveau programme est plus flexible et a été élargi pour inclure un soutien au mentorat de la prochaine génération de conseillers en placement. Cela reflète l’idée que les conseillers qui bénéficient d’un mentorat au cours de leurs premières années d’exercice ont plus de chances de réussir à créer leur entreprise. Nous savons également que les femmes conseillères sont à la recherche de mentorat et ce programme remanié répond donc à ce besoin », écrit Marie-Catherine Noël, directrice des relations médias, Québec et provinces de l’Atlantique, à BMO Groupe financier, dans un courriel.
BMO offre également un service de coaching externe afin de soutenir le développement des affaires des conseillers et la gestion de leur équipe et de leur emploi du temps.
À CIBC Wood Gundy (WG), la note sur le plan de la rémunération progresse depuis un an et aucun changement notable n’a été fait pour 2023. Par contre, Charles Martel, directeur général et chef régional, région du Québec à Gestion privée CIBC et Wood Gundy, envisage d’en faire pour 2024 afin de simplifier la grille et de supprimer des motifs d’irritation.
Un conseiller dit que les coûts relatifs à l’administration de la clientèle ont augmenté, ce qui a indirectement réduit sa rémunération. Charles Martel répond que la lourdeur administrative des activités d’un conseiller varie en fonction de la complexité de son modèle d’affaires et que certains représentants devraient envisager de le simplifier.
Selon lui, depuis les dernières années, la gestion de leurs activités coûte moins cher administrativement aux CP. C’est vrai notamment parce que la firme a assumé elle-même les hausses salariales des employés de soutien sans modifier leur nombre par conseiller. « Par exemple, si un conseiller a droit à un adjoint payé parla firme en raison de son ratio de soutien, il n’est pas touché par l’ajustement de mi-année de 3 % sur le plan salarial des employés de soutien. Par contre, un conseiller qui a embauché un deuxième adjoint administratif à ses frais se verra facturer l’augmentation de 3 %. »
À Gestion de patrimoine TD, les sondés notent peu de changements, mais déplorent que la structure de rémunération soit trop complexe. Pour obtenir un boni, un conseiller doit atteindre bon nombre nombre de cibles, dont une à propos de la satisfaction de la clientèle. « Certains des objectifs sont difficilement atteignables à cause de la complexité de faire des affaires chez TD et aussi à cause du mauvais service obtenu par différentes divisions où nous sommes encouragés à [diriger] nos clients », dit un répondant.
« Notre système de rémunération n’a pas changé. Nous offrons à nos conseillers et conseillères une rémunération concurrentielle, incluant des incitatifs liés à leur performance », indique Caroline Phémius, directrice des affaires publiques au Groupe Banque TD.
À iA Gestion privée de patrimoine (iAGPP), la note est en baisse par rapport à l’an dernier. Au nombre des changements à la grille, un répondant se réjouit de la mise en place d’attribution d’actions fantômes pour les meilleures équipes, lesquelles sont acquises après trois ans. Par contre, un autre déplore l’effet de la baisse des commissions pour un conseiller qui génère moins de 500 000 $ en production brute. « J’ai alors été forcé de me fusionner avec d’autres conseillers. La firme préfère de plus en plus qu’on soit en équipe », interprète-t-il.
La tendance au regroupement des conseillers en équipe en est une d’industrie, ce n’est pas cette dernière mesure qui stimule cette vague, selon Stéphan Bourbonnais, vice-président exécutif à iA Gestion de patrimoine. Pour les conseillers générant un revenu brut de 250 000 $ à 500 000 $, le taux de payout est passé de 77% à 75 %. « On est en phase avec ce qu’on voit dans l’industrie avec les firmes qui ont un modèle comme le nôtre », dit-il.
Quant à la rémunération différée sur trois ans de type RSU, celle-ci est offerte aux 100 CP qui se sont les plus illustrés à la fois sur le plan de leur production brute, la croissance des nouveaux actifs nets et l’amélioration annuelle des revenus. « Ça a été très bien reçu », relate-t-il.
Par ailleurs, iAGPP a ajouté un « ticket modérateur » de 25 $ par compte pour les familles de client qui ont moins de 10 000 $ en actifs. Selon Stéphan Bourbonnais, ces frais fixes ne se comparent pas à ce qu’on voit chez certains courtiers où un courtier perd toute rémunération lorsqu’un ménage a moins de 100 000 $ ou 150 000 $ en actif.
« Ce sont des frais modérateurs de 25 $ par famille assumés par le conseiller en placement. S’il veut garder ce compte, parce que le client va grandir avec nous, c’est sa décision d’affaires à lui. Aussi, on a une définition assez large de famille, qui peut comprendre les parents et les enfants d’un client. »
(Avec la collaboration de Richard Cloutier et de Sylvie Lemieux)