L’autorité des marchés financiers (AMF) répond aux différentes critiques soumises par les répondants au Pointage des régulateurs.
Finance et Investissement (FI) : L’AMF obtient des notes généralement en hausse par rapport à celles de l’an dernier pour ses consultations. Or, certains répondants jugent que trop de consultations font qu’il est difficile pour l’AMF (et pour l’industrie) de répondre en temps opportun aux questions que ces consultations soulèvent. Qu’en pensez-vous ?
AMF : L’AMF a effectivement été un régulateur proactif au cours de la dernière année. Elle a lancé plusieurs consultations portant sur des initiatives provinciales et pancanadiennes visant à mieux protéger le consommateur. Bien qu’elle puisse comprendre que certaines parties prenantes auraient souhaité avoir plus de temps pour répondre à certaines d’entre elles ou obtenir les changements demandés dans leurs commentaires, l’AMF doit trouver l’équilibre entre la réalisation de sa mission de protection des consommateurs et celle d’encadrement de l’industrie.
C’est d’ailleurs dans la recherche de cet équilibre que l’AMF a, entre autres, prolongé la période de consultation publique sur le Règlement sur le traitement des plaintes et le règlement des différends dans le secteur financier, lancé une seconde consultation publique et organisé une séance publique d’information sur le même sujet.
L’AMF a par ailleurs bien entendu les diverses préoccupations lors du lancement de son initiative sur l’optimisation de la charge de conformité. En réponse, le Bureau du surintendant des institutions financières a récemment tenu une rencontre virtuelle notamment avec le Bureau d’assurance du Canada et l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes afin de présenter son « panier de solutions », lequel permettra aux institutions financières d’avoir la prévisibilité recherchée en ce qui a trait aux consultations. Ce projet se veut itératif et pourrait, à terme, inclure les consultations qui sont leur sont destinées et qui émanent des autres secteurs.
L’AMF publie, entre autres sur son site internet, un « Énoncé annuel des priorités », lequel est aligné sur son Plan stratégique. L’AMF encourage ses parties prenantes intéressées à consulter ces documents ainsi que les différentes pages de son site internet afin d’obtenir davantage de prévisibilité sur ses futures consultations.
FI : L’AMF obtient certaines de ses moins bonnes notes pour sa capacité à tenir compte des impacts financiers de ses exigences sur l’industrie et de la raisonnabilité du rythme des changements réglementaires imposés. Un répondant du secteur de l’épargne collective dit:«Les analyses coûts-bénéfices faites par les ACVM sont très peu ancrées dans la réalité, et très peu prises en compte pour l’élaboration des règles. C’est l’accumulation qui rend les choses inadéquates-prise isolément, chacune des initiatives n’est pas exagérée, mais collectivement, il y a des excès qui transparaissent.» Que lui répondez-vous ?
AMF : L’AMF tient compte à la fois des coûts et des bénéfices potentiels des initiatives de développement réglementaires, dans le but d’accroître la protection des consommateurs et l’efficience des marchés, tout en minimisant, lorsque possible, la charge de conformité imposée aux participants au marché.
L’AMF cherche à recueillir des informations et la rétroaction des parties prenantes au sujet des impacts potentiels de ces initiatives, incluant leurs impacts financiers, par exemple au moyen de sondages ou de consultations auprès de l’industrie, ou par le biais des comités consultatifs permanents qu’elle a établis.
FI : Les changements de rémunération anticipés créent de l’insatisfaction, entre autres chez ce répondant du secteur de l’épargne collective et de l’assurance : « L’AMF accorde trop peu d’importance aux impacts financiers de ses décisions sur l’industrie par rapport aux conséquences théoriques de certains conflits d’intérêts potentiels. À terme, cet excès de vertu se traduira non seulement par des coûts importants pour l’industrie, mais par une baisse marquée de l’offre de service auprès des clients moins fortunés. » Qu’en pensez-vous ?
AMF : Encore là, l’AMF tient compte à la fois des coûts et des bénéfices potentiels des initiatives de développement réglementaires. De plus, l’AMF consulte les parties prenantes dans le cadre du développement des projets réglementaires et tient compte des commentaires reçus au sujet de leurs impacts financiers potentiels.
Par ailleurs, l’AMF a adopté et continue de développer de nombreuses initiatives de réduction du fardeau réglementaire, qui incluent le projet de modernisation du règlement 33-109 et le projet de réduction du fardeau réglementaire des émetteurs qui sont des fonds d’investissement.
L’AMF prend part à diverses initiatives, notamment dans le cadre de sa participation aux comités du Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) et des Organismes canadiens de réglementation en assurance (OCRA). Ces initiatives sont orientées vers le traitement équitable du client, incluant l’accès à des conseils de qualité à un coût raisonnable. L’AMF cherche un équilibre entre l’efficience des marchés et les bénéfices pour les consommateurs. L’Autorité analyse avec soin les données fournies par l’industrie dans le cadre de ces initiatives.
FI : L’AMF obtient généralement de bons commentaires pour son processus d’inspection. Que pensez-vous de cette observation d’un répondant du secteur de l’épargne collective ? « Certains auditeurs en font parfois leur propre interprétation pour nous voir appliquer ce qu’ils croient que la règle devrait être et non ce qu’elle décrit [en réalité]. C’est souvent un point de discussion important lors des rapports d’audit lorsque l’on veut modifier certaines de nos politiques. »
AMF : Notre réglementation est basée sur des principes par opposition à des règles, comme c’est le cas pour l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels. Les principes sont appliqués par nos assujettis par la mise en oeuvre de plans d’action et de politiques propres à chaque société inscrite. Nos inspecteurs s’assurent que les plans d’action et politiques relatives à chaque entité respectent les principes édictés par la réglementation. La réglementation est interprétée comme il se doit de manière évolutive en suivant les meilleures pratiques et réalités spécifiques à chaque assujetti, et ce, dans l’intérêt de la protection des consommateurs.
L’inspection est un processus qui s’inscrit dans un cadre préventif. Tout au long de ce processus, l’AMF prend en considération les questions et les commentaires du dirigeant responsable du répondant ainsi que de l’ensemble du personnel de l’entité inspectée. La remise de chaque rapport d’inspection est précédée d’une discussion au cours de laquelle les inspecteurs présentent leurs observations aux dirigeants de la société. Enfin, l’AMF tient toujours compte des commentaires de l’inscrit faits après la communication du rapport.
FI : Que pensez-vous de cette préoccupation ? « L’arrivée du nouvel organisme d’autoréglementation (OAR) pancanadien en valeurs mobilières laisse craindre un dédoublement de coûts pour les courtiers et les représentants en épargne collective. »
AMF : L’établissement du nouvel OAR permettra de réduire la charge de conformité des sociétés possédant à la fois une inscription à titre de courtier en épargne collective (CEC) et à titre de courtier en placement, étant donné qu’elles pourront consolider leurs activités sous une seule entité juridique, se doter de systèmes de conformité uniques et qu’elles seront assujetties à la surveillance d’un seul OAR.
Plusieurs participants au marché pourront bénéficier de cette réduction de la charge de conformité. En effet, au 31 mai 2021, 37 % des courtiers en épargne collective, soit 26 courtiers,sont détenus par un groupe financier et leurs représentants constituent 84 % de l’ensemble des représentants inscrits au Québec dans cette catégorie.
De plus, l’AMF a mis en place un plan de transition pour les CEC au Québec. Depuis le 1er janvier 2023, les CEC, pour leurs activités à ce titre au Québec, bénéficient d’une période transitoire qui leur permet de continuer à appliquer les dispositions réglementaires existantes, tout en leur permettant de participer aux comités et consultations du nouvel OAR. Cette solution réduira la charge de conformité des CEC au Québec en leur conférant une période de transition adéquate pour leur permettre d’effectuer les modifications requises à leurs systèmes afin d’appliquer les règles qui seront adoptées par le nouvel OAR, tout en bénéficiant de droits d’adhésion au nouvel OAR réduits ou nuis.
À la suite de la phase transitoire, la plus grande harmonisation du cadre réglementaire applicable au Québec avec celui des autres juridictions canadiennes, résultant de l’application des règles du nouvel OAR dans l’ensemble des juridictions, pourrait permettre aux CEC québécois de tirer plus facilement profit d’occasions d’affaires et d’étendre leurs activités dans d’autres juridictions au Canada.
FI : L’AMF obtient une note en hausse relativement au fait d’être juste et équitable dans sa façon d’appliquer ses politiques et ses règlements par rapport à l’an dernier. Or, deux répondants affirment que l’application de la réglementation par les responsables de dossiers semblent différente d’une firme à l’autre ou d’un responsable de l’AMF à l’autre. L’un d’eux dit : « Les employés de moindre expérience devraient être mieux encadrés pour que l’expérience des différents membres de l’industrie soit sur un pied d’égalité dans l’application des règles. »
AMF : De façon continue, l’AMF s’assure que le processus d’inspection est juste, équitable et constant pour chacune des sociétés inspectées. Entre autres, les mesures suivantes sont appliquées :
• Formation d’un nouvel inspecteur d’une durée de 12 à 18 mois ;
• Formation continue à l’interne et à l’externe ;
• Réunions d’équipes fréquentes pour mettre en commun les connaissances, les façons de faire et les différents cas constatés en inspection ;
• Les nouveaux inspecteurs sont toujours accompagnés d’un inspecteur plus expérimenté;
• Des coordonnateurs accompagnent les inspecteurs et effectuent le contrôle de qualité pour s’assurer de la constance des recommandations ;
• Consultations régulières auprès de la direction du contentieux et de la direction générale du service des affaires juridiques de l’Autorité.
Notre réglementation est basée sur des principes et non sur des règles. Nos lois et règlements doivent donc être interprétés de façon évolutive afin de suivre l’évolution des meilleures pratiques et réalités vécues sur le terrain en fonction des faits, qui sont différents d’un dossier à l’autre.
FI : Les répondants du secteur de l’épargne collective et du plein exercice accordent une meilleure note par rapport à l’an dernier pour la pertinence des interventions de l’AMF en réponse aux changements technologiques dans l’industrie. Deux répondants estiment qu’un « guide plus précis des attentes et des bonnes pratiques serait apprécié pour les courtiers et cabinets », y compris en matière de cybersécurité. Qu’en pensez-vous ?
AMF : Il s’agit certainement d’une idée intéressante que nous prenons en note.
Des observateurs commentent
Sur les processus d’inspection de l’Autorité des marchés financiers (AMF). « Depuis quelques années, l’approche de l’AMF en matière d’inspection a évolué. L’intervention est beaucoup plus sur une base collaborative. Ils sont là pour discuter. Son but n’est pas de te coincer. Si on constate une première fois une irrégularité, on va te donner l’occasion de modifier ton processus pour venir respecter la règle », dit Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques et chef de la protection des renseignements personnels à MICA Cabinets de services financiers.
« Souvent, un inspecteur débutant sera jumelé avec un plus chevronné. Il reste que des enjeux sont complexes. Des fois, l’AMF a une position et la loi est un peu différente. Ce qui n’est pas évident », dit Adrien Legault, vice-président, directeur général, Québec, d’IDC Worldsource.
Sur la cadence des changements réglementaires. Cela fait plus d’une décennie que l’industrie sait que les régulateurs veulent plus de transparence sur le plan du coût des placements, souligne Jean-Paul Bureaud, directeur général de FAIR Canada : « Pourquoi ne pas avoir commencé déjà le processus? Alors que l’industrie est bonne pour innover, elle peut être très réticente à faire des changements réglementaires. »
Selon lui, les changements réglementaires sont non seulement motivés par les priorités d’autres juridictions canadiennes ou étrangères, mais aussi par l’innovation dans l’industrie. « Par exemple, parce que le secteur des cryptoactifs a explosé et qu’il y a eu des failles importantes, comme avec FTX, le régulateur a dû agir rapidement pour protéger le consommateur. Ce n’était pas nécessairement à leur agenda, mais ils n’avaient pas le choix d’agir », dit Jean-Paul Bureaud.
Sur les communications avec l’AMF. Il y a à l’AMF des gens compétents et ayant l’expertise pour bien répondre aux questions de l’industrie. Or, certaines personnes moins expérimentées dans les centres d’appels peuvent parfois donner des informations incomplètes, qui doivent alors être rectifiées avec une seconde communication, selon Adrien Legault : « Si la personne a moins d’expérience, elle va donner une réponse à une situation sans s’assurer qu’elle a toute l’information. Ils n’ont peut-être pas toutes les nuances qu’ils devraient avoir. »