Les titres américains de moyenne capitalisation sont parfois négligés par les investisseurs puisqu’ils sont dans l’ombre des secteurs plus populaires des grandes et des petites capitalisations. On entend beaucoup moins souvent parler de l’indice S & P MidCap 400, voué aux moyennes capitalisations, que du Russell 2000, consacré aux petites capitalisations.
Pourtant, les moyennes capitalisations américaines (entre 1 et 12G$ US) offrent généralement une meilleure performance que les grandes capitalisations et moins de volatilité que les petites, affirme Brian Dausch, spécialiste de portefeuille pour le Fonds de moyennes sociétés américaines TD, chez T. Rowe Price, à Baltimore.
Notons que les trois gestionnaires auxquels Finance et Investissement a parlé n’investissent qu’exceptionnellement dans les petites capitalisations, bien que les noms de leurs fonds s’annoncent comme étant de petite et moyenne capitalisation.
La meilleure performance des moyennes capitalisations n’a pas été particulièrement bonne durant les dix dernières années, alors que les grandes capitalisations, surtout en technologie, ont volé la vedette. Ainsi, note Brian Dausch, le S & P 500 a affiché un gain annuel moyen de 13,1 % pour cette période, le S & P 400, de 13,7 %.
Toutefois, à très long terme, les moyennes capitalisations présentent un ratio de Sharpe – qui représente le risque par rapport au rendement -, supérieur. Selon une étude effectuée par State Street de 1997 à 2017, le S & P 500 affiche des rendements annualisés de 7,5 % et un écart type annualisé de 15 %, atteignant un ratio de Sharpe de 0,36. Ce ratio est de 0,5 pour le S & P MidCap 400, avec des rendements de 11 % et un écart type de 16,5 %.
D’autres particularités distinguent les moyennes capitalisations américaines, fait ressortir Tony Genua, vice-président senior et gestionnaire du fonds États-Unis petite et moyenne capitalisation chez AGF, à Toronto. Leurs ventes sont largement concentrées aux États-Unis, « alors que dans les sociétés du S & P 500, 30 % des ventes viennent de l’international », dit le gestionnaire.
Leur endettement est également supérieur à celui des entreprises de taille plus importante, leur part de dette à taux flottant s’élevant à 51 %, contre 26 % pour les grandes capitalisations. « Ça les rend plus sensibles aux variations de taux d’intérêt », ajoute Tony Genua.
Deux facteurs les avantagent face aux grandes capitalisations : de moins grande taille, elles ont plus de potentiel de croissance, et elles sont plus susceptibles d’être acquises, ce qui fait généralement bondir leur prix.
Se terminant avec une glissade de 13 % (en dollars américains) pour l’ensemble de 2018, l’année a été particulièrement maussade pour l’indice S & P Mid-Cap 400 -« une chute plus douce de 3,4 % quand on l’exprime en dollars canadiens ! » indique Tony Genua.
D’ailleurs, on pourrait qualifier l’année de déprimante si on calcule la chute à partir du sommet de 2050 atteint par l’indice à la fin d’août : – 18,8 %. Pire encore, en tenant compte du creux de 1567 atteint la veille de Noël, le marché des moyennes capitalisations passait d’une correction à un marché baissier : – 23,6 %.
Évidemment, cet indice ne faisait que refléter le climat économique général, où la Réserve fédérale américaine (Fed) annonçait quatre hausses de taux en cascade, où le climat commercial entre la Chine et les États-Unis se gâtait, où le Brexit sévissait, tandis que les économies de l’Allemagne et de l’Italie fléchissaient. Les marchés anticipaient une récession.
Cependant, tout a changé en un tournemain au début de 2019 à partir d’un discours du président de la Fed, Jerome Powell, qui adoucissait le ton. Du coup, les marchés ont anticipé « que les hausses de taux à venir seraient probablement modestes, sinon mises sur la glace », dit Brian Dausch. Résultat, en deux semaines, du 24 décembre 2018 au 10 janv ier 2019, le S & P Mid-Cap 400 a bondi de 12,5 % !
Ce rebond pourrait-il se poursuivre ? Nos intervenants le croient. « Les chiffres de l’emploi ont été très bons pour décembre, et l’économie américaine, même si elle ralentit, demeure ferme. La plus récente prévision de croissance du PIB pour le dernier trimestre de 2018 est de 2,8 % ; seulement une semaine plus tôt, on prévoyait 2,6 % ! »
« Nos modèles d’évaluation indiquent beaucoup de potentiel de croissance pour les titres que nous détenons, surtout après le dernier trimestre qui a été si mauvais », dit Phil Taller, vice-président senior et gestionnaire du Fonds Catégorie Mackenzie Croissance moyennes capitalisations américaines, chez Placements Mackenzie, à Toronto.
Les trois fonds recensés ont affiché une très solide tenue dans un marché en déclin. C’est le cas tout particulièrement du fonds que gère Phil Taller, premier dans notre classement. Ayant encaissé une chute de seulement 0,5 % en 2008, alors que le secteur perdait 41,9 % (selon Morningstar), il n’a connu depuis aucune année de rendement négatif, malgré des chutes de -3,2 % et -0,57 % en 2011 et 2015. Moins éclatante, la résistance à la baisse du fonds TD demeure quand même convaincante.
Les trois gestionnaires sont des « stock pickers » et choisissent leurs fonds selon une analyse minutieuse des flux libres de trésorerie, et non des bénéfices par action. « Les bénéfices ajustés peuvent être maquillés de mille façons, affirme Phil Taller. C’est pas mal le Far West. Il est plus difficile de falsifier les flux libres de trésorerie. Vous en avez ou vous n’en avez pas ! »
Le plus important titre dans le fonds de Phil Taller, dont la concentration élevée ne retient qu’une quarantaine de titres, est Syneos Health. Active dans la recherche clinique à contrat, cette firme participe à un mouvement « qui a soulevé l’ensemble de l’industrie pharmaceutique », dit le gestionnaire. Syneos a récemment acheté inVentiv, haussant ses ventes de 1,5G$ US à 4,4G$ US, ce qui lui a donné une empreinte mondiale mais a accru la dette, ce qui a fait fléchir le titre. Malgré cette chute, Phil Taller tient bon et garde le titre qui, selon ses modèles, présente encore beaucoup de potentiel à la hausse.
Tony Genua, dont le porte-feuille ne détient actuellement que 28 titres, a récemment donné sa faveur à Chegg, une firme active dans un marché fort original : celui de la formation en ligne. La firme compte 2,2 millions d’étudiants aux États-Unis, dans un marché potentiel de 36 millions. Détail inattendu : l’étudiant américain moyen est âgé de 25 ans et 40 % des étudiants ont un emploi. « Je suis très à l’aise avec cette entreprise, dit Tony Genua, dont la part de marché est encore très faible, mais qui suit la puck là où elle se dirige. »