Un processus sans examen, la rapidité d’émission, la simplification de la démarche sont autant d’impératifs qui se sont emparés du marché de l’assurance vie. « On est à l’époque d’Amazon », indique Guillaume Fauteux, vice-président, développement des affaires et marketing à UV Assurance.
Dans l’industrie, on considère comme des synonymes « émission sans examen médical » et « démarche simplifiée ». Dans les deux cas, ce sont des assurances qui sont émises à partir d’un questionnaire standardisé, explique Steeve Caron, vice-président assurance vie au Groupe Cloutier. « Le sans examen n’est plus qu’une des conditions et avantages de l’émission simplifiée », ajoute Guillaume Fauteux.
Il y a cependant une fine distinction, comme le signale Louis Thibault, vice-président, ventes assurances-investissements à MICA Cabinets de services financiers. Un assureur peut très bien émettre une police classique sans examen médical, et sans recourir à un processus simplifié. Toutefois, pour les besoins de cet article, nous intégrerons sous le vocable « produit simplifié » l’approche sans examen médical.
Car les produits simplifiés ont émergé du segment de marché qui visait les personnes difficilement assurables, marché dans lequel Plan de protection du Canada (PPC) a fait œuvre de pionnier.
« Il y a six ans, on ne trouvait pas d’autres joueurs que PPC ; aujourd’hui, on en dénombre au moins une demi-douzaine », rappelle Alex Teasdale, spécialiste en assurance individuelle au Groupe Cloutier.
La simplification et l’accélération du processus d’émission dessinent une tendance de fond que la pandémie a cristallisée. « Aujourd’hui, les plus jeunes veulent de plus en plus des processus courts avec une intrusion minimale. La jeune clientèle est en grande croissance avec des exigences de simplicité, de rapidité, d’efficacité et d’opération en ligne », dit Guillaume Fauteux.
La tendance pour l’avenir est ainsi déjà tracée, juge ce dernier : « On va aller vers un processus tout électronique », avance-t-il, considérant toutefois qu’il est trop tôt pour dire à quel point ce processus sera mû par de l’intelligence artificielle (IA). « En assurance, on fonctionne par modèle prédictif, alors que l’IA actuelle est surtout dans la génération de contenu. Par contre, les assureurs pourraient y recourir pour effectuer l’analyse des risques. »
Complexe quand même
Or, émission simplifiée ne veut dire ni simple, ni bon marché. Au contraire, les polices simplifiées s’avèrent particulièrement complexes, à cause d’un foisonnement de termes et de conditions. « On dit “simplifié », mais ça reste compliqué en considération de la solution à laquelle on peut avoir accès », affirme Alex Teasdale. Et elles sont plus chères que les polices traditionnelles. « Ces produits impliquent des primes plus élevées au départ », ajoute-t-il.
Par contre, au chapitre des avenants, les produits simplifiés sont nettement… simplifiés. « Ils ne sont pas faits pour aller chercher des avenants, affirme Alex Teasdale. Le seul qui est vraiment présent est un avenant “crédit” pour la couverture de dettes. Le terme le dit : avec le simplifié, on vise un produit simplifié. »
Par ailleurs, les couvertures auxquelles donnent accès un processus simplifié sont plafonnées, le plus souvent à 500 000 $, et ne dépassent pas le million de dollars. De façon typique, les questionnaires sont composés de quelques dizaines de questions auxquelles le client répond uniquement par « oui » ou par « non ». S’il répond « non » aux 12 premières questions, par exemple, il passe à un niveau de couverture de 250 000 $. Si un « oui » se glisse dans ses réponses avant la 12e question, il devra se contenter d’une couverture de 150 000 $.
Après quelques questions préliminaires, un conseiller bien informé des produits se sera déjà fait une idée de la compagnie vers laquelle il devra orienter son client, soutient Louis Thibault.
Évidemment, les polices simplifiées constituent un deuxième choix, même un troisième, considère Louis Thibault. Le premier produit à privilégier est une pleine police classique sans plafond de couverture. Cependant, si l’état de santé du client ne le permet pas, « je vais me tourner vers un produit simplifié, dit Alex Teasdale. En général, on a affaire à un client qui a un problème de santé ou de style de vie, mais qui peut quand même être admissible à une police d’assurance ».
Connaître les produits
Alex Teasdale donne l’exemple d’un client qui consomme régulièrement du cannabis. « UV Assurance ne pose aucune question sur le cannabis ; de plus, elle ne considère pas un consommateur comme un fumeur. » Dans le cas d’une maladie diabétique, le conseiller se tournerait vers Assomption Vie, « qui est plus tolérante à l’endroit du diabète, de telle sorte que mon client se rendrait au bout du questionnaire », ajoute-t-il.
Chaque assureur a ses particularités, et le conseiller doit en être bien informé. Et parce que les assureurs modifient souvent leurs couvertures, les erreurs peuvent vite se glisser. Par exemple, un conseiller en sécurité financière répondant au Baromètre de l’assurance 2023 disait donner sa faveur à PPC parce qu’elle ne pose aucune question comme : « Au cours des cinq dernières années, avez-vous été surprimé, différé ou refusé ? ». Un autre juge que « PPC a presque une domination complète chez les fumeurs ».
Les deux propositions sont erronées, affirme AlexTeasdale. Aucune compagnie ne pose des questions comme celle que soulève le premier répondant, alors qu’UV et Accès Vie sont tolérants envers les fumeurs.
Parmi les assureurs bien perçus par les conseillers à l’occasion du Baromètre de l’assurance, UV Assurance, Assomption Vie et Humania remportent la palme. C’est aussi le cas pour les spécialistes interviewés.
Un répondant à l’enquête dit d’Humania : « Son produit ASSEM, qui permet d’assurer pratiquement tout le monde, c’est merveilleux. »
C’est un jugement que partage Alex Teasdale, mais avec un bémol : « Les primes sont souvent le double ou le triple de ce que demandent les autres assureurs, surtout après l’âge de 50 ans, mais c’est vrai qu’Humania offre la plus large gamme de produits sur un même contrat. »
UV Assurance est le champion aux yeux d’Alex Teasdale. « C’est l’assureur en polices simplifiées numéro un qui a pris une importante part du marché en 2023. La firme a revu tous ses produits et s’est avérée très [compétitive] en 2023, de telle sorte que les clients sont presque tous allés avec cet assureur. UV et Assomption Vie sont mes deux joueurs de l’année. »
C’est une lecture que confirme Guillaume Fauteux, qui fait ressortir une grande distinction des produits d’UV Assurance : « Nous n’avons pas développé de nouveaux produits, de telle sorte qu’on émet [nos polices simplifiées] à des taux standard. D’autres assureurs partent avec des considérations de risque plus élevées, ce qui entraîne des primes plus élevées. »
On pourrait être porté à associer les polices simplifiées au créneau de marché des personnes âgées. Ce serait faire erreur, soutient Steeve Caron. « C’est vrai qu’avec l’âge les problèmes de santé peuvent émerger davantage », dit-il, ce qui peut rendre plus indiquée dans leur cas une approche sans examen et simplifiée. Or, le dirigeant est formel : « Ces produits ne sont pas liés à l’âge, mais à l’état de santé. Des gens qui ont des problèmes de santé ou de style de vie, il y en a à 30 ans aussi bien qu’à 70 ans. »