Depuis une dizaine d’années, la proportion de conseillers en placement qui détiennent un permis de représentant en assurance de personnes est en augmentation au sein des firmes de courtage de plein exercice. Entre juin 2008 et juin 2017, elle est passée de 49,1 % à 61,9 % au pays, d’après Strategic Insight. Cela demeure bien inférieur aux 85 % qu’on retrouve chez des courtiers multidisciplinaires tels que SFL partenaire de Desjardins ou Groupe Investors, souligne la firme de recherche.
Selon Strategic Insight, la crise financière de 2008 a favorisé de deux façons la hausse de la proportion de conseillers ayant un tel permis. D’abord, cette crise leur a démontré la pertinence de diversifier leurs revenus. Puis, cette période a propulsé la popularité des fonds distincts avec garantie de revenu viager, de 2009 à 2011.
Pendant cette période, les courtiers de plein exercice ont également embauché des spécialistes en assurance afin d’épauler leurs conseillers. Ces experts, souvent salariés, s’assoient avec le client et le conseiller, analysent les besoins en assurance du client et lui proposent des solutions. Lorsqu’une assurance est souscrite, le conseiller et le spécialiste se partagent la commission, selon une grille préétablie par la firme de courtage. Au Québec, ils sont cinq chez BMO Nesbitt Burns et deux chez Gestion de patrimoine TD à faire ce travail.
Qu’est-ce qui motive alors le conseiller à obtenir un permis supplémentaire ? «Sans la licence en assurance, les conversations sont plus limitées. Le conseiller en placement doit également donner le service après-vente du produit d’assurance et il doit être habilité à le faire», indique Annie Bélanger, vice-présidente et conseillère en sécurité financière, Gestion de patrimoine TD.
Chez BMO Nesbitt Burns, les conseillers sont incités à obtenir leur permis pour avoir des connaissances de base et offrir une expérience client plus complète. «Sans licence, on peut aborder le sujet des assurances, mais on ne pourra pas avoir des conversations exhaustives», remarque Paul Lalonde, président de BMO Services conseils en assurances et planification successorale.
Catalyseur règlementaire ?
D’éventuels changements règlementaires pourraient peut-être aussi expliquer la hausse de la proportion de conseillers autorisés à distribuer de l’assurance de personnes. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) prévoient encadrer les ententes d’indications qui balisent la recommandation de clients, d’après un projet de modification du Règlement 31-103. Selon celui-ci, la société inscrite et la personne physique inscrite ne pourraient octroyer de commission d’indication de clients à une personne qui n’est pas inscrite. Cette commission doit d’ailleurs être divulguée par écrit au client.
Les ACVM veulent également restreindre l’application du partage de commission. La personne inscrite ne pourrait donc octroyer ou recevoir de commission d’indication pendant plus de 36 mois. De plus, les commissions d’indication récurrentes ne pourraient excéder 25 % de la rémunération versée par le client à la personne inscrite qui offre les services pour lesquels celui-ci a été indiqué.
Certains conseillers pourraient possiblement obtenir leur permis pour éviter de perdre les revenus de commissions découlant d’ententes de recommandation.
Pour des raisons règlementaires et par souci d’offrir un meilleur service au client, bon nombre de conseillers seraient donc encouragés par leur firme à devenir représentants en assurance de personnes. Or, cela demande beaucoup d’efforts. Il faut notamment réussir cinq examens. Ensuite, il y a une période probatoire où le candidat doit pendant 12 semaines fournir un minimum de 28 heures par semaine de travail dans un contexte réel. Pour le conseiller en placement à plein temps, cette formation peut se révéler lourde et s’ajoute à ses autres tâches.
Bien qu’environ 70 % des conseillers chez BMO Nesbitt Burns détiennent un permis en assurance de personnes, ce pourcentage est bien inférieur au Québec et on est en mode rattrapage. «Il était légal jusqu’ici dans notre province de rémunérer nos conseillers (sans permis), mais on travaille à changer cela et on vise à atteindre la moyenne nationale d’ici la fin de l’année», précise Paul Lalonde.
Soyons francs, ce ne sont pas tous les conseillers, particulièrement les plus âgés, qui voudront passer leur permis en assurance. La question se pose : avec un expert en assurance présent à la table, est-il nécessaire que le conseiller détienne un tel permis ? «C’est bien d’avoir plus de connaissances en assurance, mais on ne peut demander à un hockeyeur de jouer toutes les positions en même temps. Il faut composer avec la règlementation, mais on ne peut être expert en tout», croit Richard Rousseau, vice-président à la direction et chef de la gestion de patrimoine chez Raymond James. Ce dernier est conscient que certains conseillers qui ne voudront pas obtenir leur permis pourraient ne pas être rémunérés.
«Même si le conseiller en placement détient sa licence en assurance, cela demeure un domaine de spécialité où l’expert en assurance a encore son rôle à jouer pour seconder le conseiller», croit Paul Lalonde. Chez BMO Nesbitt Burns, le représentant qui est aussi conseiller en sécurité financière continuera de partager ses commissions avec le spécialiste, comme c’était le cas avant.