Au cours des dernières années, les garanties 75/75 en fonds distincts ont sensiblement gagné en popularité alors que les garanties 75/100 et 100/100 ont perdu du terrain. Existe-t-il encore un marché pour les fonds distincts offrant les meilleures protections ?
D’après les chiffres du cabinet d’études de marché Strategic Insight, les fonds avec garanties 75/75 ont généré 43 % des ventes brutes de fonds distincts en 2017, comparativement à 24 % en 2012, d’après des chiffres présentés lors d’une conférence de la Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA), tenue à Québec en mai dernier.
Dans le présent article, lorsqu’on décrit une garantie de fonds distinct, le premier chiffre désigne la proportion de capital garanti à l’échéance, et le second, la proportion garantie au décès du titulaire du contrat. Ainsi, pour un fonds distinct 75/75, 75 % du capital est garanti à l’échéance du contrat, et ce même pourcentage, au décès.
Strategic Insight (précédemment Investor Economics) précise que les garanties 75/100 et 100/100 ont constitué respectivement 48 % et 9 % des ventes brutes en 2017. Cinq ans plus tôt en 2012, les proportions de leurs ventes brutes étaient respectivement de 65 % et 11 %.
« Au cours des dernières années, le resserrement des exigences réglementaires a rendu certaines garanties 100/100 particulièrement coûteuses pour les assureurs. Elles peuvent être moins nombreuses. Par exemple, dans bien des cas, les contrats de garanties 100/100 doivent maintenant être en vigueur pendant au moins 15 ans, et non plus 10 ans », dit Marie-Claude Poulin, directrice, produits d’épargne et de retraite individuels chez iA Groupe financier.
De leur côté, les spécialistes du placement de Desjardins ont observé une diminution des ventes « dans les garanties plus riches et une augmentation des ventes de garanties 75/75 ».
« C’est tout à fait normal considérant le contexte économique actuel et les bons rendements observés ces dernières années », précise Jean-François Girard, directeur, développement des fonds communs et garantis chez Desjardins.
Cycle défavorable
D’après les calculs de Strategic Insight, les ventes baignent dans le rouge. Entre mai 2017 et mai 2018, les sorties nettes en fonds distincts ont atteint près de 1,1G$, principalement en raison des rachats de contrats avec garantie de revenu viager.
Toutefois, en excluant les rachats nets de ce dernier type de contrat, les fonds distincts « traditionnels » affichent des ventes nettes de 600M$ durant cette période. Pour les années 2014 à 2017, les ventes nettes annuelles moyennes de fonds distincts traditionnels s’élevaient à 1G$, ce qui est inférieur aux ventes nettes annuelles moyennes de fonds communs (47,5G$) et de fonds négociés en Bourse (FNB) (17,25G$).
« Quand monsieur et madame Tout-le-monde se font investisseurs en bitcoins et en marijuana, c’est qu’on est loin de la peur de perdre son argent ! » lance en boutade Robert Lachance, vice-président, ventes, investissements et retraite chez Groupe Cloutier.
Ce connaisseur du placement estime que les bons rendements des marchés boursiers des dix dernières années ont sensiblement diminué l’attrait des garanties de fonds distincts aux yeux des épargnants.
De plus, ce produit a une certaine image qui lui est nuisible.
« Les ratios des frais de gestion sont habituellement plus élevés en fonds distincts qu’en fonds communs de placement. Et la presse financière ne cesse de taper sur le clou des frais. Cela ne favorise pas les ventes ! » dit Robert Lachance.
Signes de changement
Divers indices montrent la fin du cycle économique actuel et l’arrivée potentielle de phénomènes redoutés ayant pour noms volatilité et correction boursière.
« C’est là où on voit ressurgir l’intérêt des clients et des conseillers pour les garanties », signale Marie-Claude Poulin, en évoquant l’attrait des garanties de fonds distincts.
Flavio Vani rappelle qu’après la crise de 2008, plusieurs clients « d’un certain âge » n’ont pas pu compenser leurs pertes. « En 2007-2008, des gens de 55 ou de 60 ans ont perdu plus de 25 % de la valeur de leurs placements. Ils n’ont pas eu le temps de se rattraper avant la retraite. Des fonds distincts leur auraient été utiles ! » dit le président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).
Il est temps de reconsidérer la réputation de frais élevés qu’ont les fonds distincts, d’après Marc-Étienne Legault Salvail, président et associé principal du cabinet de services financiers GestionFTM : « Certains assureurs proposent maintenant des fonds distincts dont les frais se comparent à ceux des fonds communs. Cela dit, les garanties en cas de décès et à l’échéance coûtent quelque chose, mais elles ont aussi leur valeur ! »
La demande en garanties
Quand est-il préférable de recommander une garantie à l’échéance de 100 % du capital investi ? Lorsqu’il met sa casquette de conseiller en sécurité financière, Flavio Vani tient compte de variables telles que l’appétit pour le risque, l’âge et les besoins spécifiques des clients.
Par exemple, un individu qui voudrait prendre sa retraite dans un horizon déterminé de quinze ans aurait intérêt à choisir une garantie à l’échéance de 100 % du capital.
« Son horizon serait trop court pour compenser une grosse baisse des marchés », dit celui qui est également président du cabinet Assurance et Produits Financiers Vani.
Un client désireux de léguer une somme garantie à sa succession devrait également choisir une garantie à l’échéance de 100 % du capital.
La composition du portefeuille de placements joue aussi un grand rôle. « Un individu amateur de fonds équilibrés n’aurait pas besoin de prendre cette garantie puisque les probabilités que des fonds équilibrés perdent plus de 25 % de leur valeur sont faibles », dit Flavio Vani.
Dans bien des cas, la psychologie de l’épargnant sera le facteur déterminant. « Peu importe l’âge, si on dort mal en prenant quelque risque que ce soit, mieux vaut prendre une garantie à l’échéance de 100 % du capital », observe Guillaume Bastien-Ouimet, conseiller en sécurité financière chez Aurrea Signature.
La beauté des fonds distincts, souligne Jean-François Girard, consiste à « permettre une prise de risque additionnelle et à participer aux marchés boursiers ».