Au cours de la dernière décennie, la Bourse américaine a tenu le haut du pavé parmi les marchés mondiaux. Cependant, de nombreux signes montrent qu’un virage majeur vers l’Asie est en cours. Les fonds dont traite cet article sont à l’avant-garde de ce changement de cap.
«Les États-Unis sont surinvestis et nous arrivons à la fin du cycle économique», dit Nick Scott, gestionnaire du fonds Catégorie Actions panasiatiques IG Mackenzie II.
«Les États-Unis ont baissé leurs taux d’intérêt et racheté des actions massivement. Ils ont poussé sur tout ce qu’ils pouvaient, poursuit-il. À présent, la Chine et l’Asie bénéficient d’une économie plus stable, comparativement à l’époque où les investisseurs étrangers allaient et venaient à leur guise. Les investisseurs nationaux sont plus importants et la volatilité est réduite.»
De plus, la période d’appréciation du dollar américain s’achève, selon Nick Scott. «Cela va favoriser l’Asie, qui performe mieux quand le billet vert est plus faible. Au chapitre des évaluations de titres, l’Asie a plus de chances au cours des cinq prochaines années», dit-il.
«L’Asie a tendance à être la région à plus forte croissance et je la vois toujours comme une bonne solution de diversification hors de la zone nationale», souligne Eileen Dibb, gestionnaire du fonds Fidelity Étoile d’Asie. De plus, l’apaisement des relations commerciales entre les États-Unis et la Chine devrait contribuer à renforcer l’économie asiatique, ajoute-t-elle.
Notons que les fonds de notre palmarès couvrent l’Asie-Pacifique et non la totalité de l’Asie. Cependant, les pays à surveiller y sont présents : Japon, Chine, Australie, Inde, Corée du Sud, Taïwan, etc.
Où le soleil se relève
Pour l’heure, le Japon, si longtemps négligé, est le pays qui recueille la faveur de deux de nos trois gestionnaires. Dans le fonds FÉRIQUE Actions asiatiques, le pays du Soleil levant est surpondéré de trois points de pourcentage par rapport à son indice de référence, le MSCI Pacific Asia. Dans le fonds IG Mackenzie, la surpondération atteint huit points de pourcentage.
«Notre surpondération au Japon tient surtout au secteur manufacturier», explique Louis Lizotte, vice-président, gestion des placements, chez Gestion Férique, qui trouve ce marché peu coûteux. «Des noms comme Shimizu, Daiwa et Hitachi ont tous des ratios cours/bénéfice inférieurs à 10, ajoute-t-il. L’industrie manufacturière mondiale suit un cycle d’environ 18 mois et on serait présentement dans un creux. Récemment, on était encore en récession manufacturière, notamment en Allemagne. On pense que ce creux se termine et va contribuer à relever le Japon.»
Plusieurs nouveaux facteurs émergent au Japon, notamment les rachats d’actions qui battent leur plein et ont établi un record en 2019, «alors que les entreprises nippones sont habituellement très prudentes et gardent des montagnes d’encaisse», note Louis Lizotte.
«Les évaluations au Japon sont bien meilleures qu’aux États-Unis. Je crois que le pays va mieux performer au cours des trois ou quatre prochaines années», affirme Nick Scott.
Nouveau paradigme chinois
Nos trois gestionnaires ont évidemment les yeux rivés sur la Chine, en raison de son immense potentiel à long terme.
«Regardez toute la création de richesse : une grande partie vient de l’Asie, tout particulièrement de la Chine, qui achète plus de choses, et pousse sur les banques, et où de grandes marques se détachent», fait ressortir Nick Scott.
La Chine et l’Asie prennent la relève dans de nombreux secteurs où l’Occident dominait, poursuit le gestionnaire. Intel trônait au sommet de la microélectronique ; à présent, c’est Taiwan Semiconductor Manufacturing et Samsung. Il y a 10 ans, on n’en avait que pour Nokia, Ericsson et Texas Instruments ; à présent, Huawei est partout. Devant Google, Facebook et Amazon trônent des colosses comme Alibaba et Tencent. Au cours des dernières années, les Chinois ont déposé deux fois plus de demandes de brevets que les Américains.
«On assiste à un changement de paradigme en technologie», indique Eileen Dibb. Elle souligne aussi la montée d’une vaste classe moyenne assoiffée de services, qu’ils soient financiers, médicaux, alimentaires, éducatifs ou de loisirs.
C’est sans compter qu’avec l’ouverture croissante des A-shares (actions nationales chinoises) aux investisseurs étrangers, c’est tout le marché chinois qui s’ouvre à ces derniers, là où auparavant l’offre se résumait à des titres cantonnés à Hong Kong et à New York.
«Nous sommes intéressés par les A-shares, mais nous mesurons notre entrée», précise Eileen Dibb qui, à ce jour, n’a acheté que deux titres de cette nouvelle catégorie.
Tout en soulignant les problèmes d’opacité liés aux entreprises chinoises, elle constate aussi que les conditions s’améliorent. «Plus de recherche, de meilleures connaissances de la part des investisseurs et plus de vérification diligente rendent le marché plus efficace», dit-elle.
Un continent en mouvement
Eileen Dibb participe aux grands titres technologiques comme Tencent, mais elle trouve aussi son profit dans d’autres zones de pointe, notamment avec Shenzhou International Group, un fabricant de textiles hi-tech dont la capitalisation boursière s’élève à 20 G $ US et qui approvisionne des géants comme Nike et Uniqlo.
«C’est un titre de croissance qui a su collaborer avec de grands noms, dit-elle. J’adore ce genre d’entreprise qui a de meilleurs rendements grâce à une avancée technologique et des habiletés que les autres n’ont pas. En plus, sa direction est très innovante et a déplacé de la production vers des pays à plus faibles coûts.»
Reliance Industries, une entreprise indienne, est en train de se réinventer d’une façon qui plaît tout particulièrement à Nick Scott. Cette société a commencé dans la pétrochimie et le raffinage, mais se redéploie vers les télécommunications, notamment en achetant le réseau de fibre optique le plus sophistiqué de l’Inde. Elle se déplace aussi vers la production de contenu «et pourrait devenir une sorte d’Alibaba indien», prévoit le gestionnaire. Ses ventes s’élèvent à 85 G $ US, et sa capitalisation boursière, à 140 G $ US.
Le redéploiement est loin d’être terminé, puisque 83 % des bénéfices provenaient encore du secteur énergétique en 2019, mais Nick Scott prévoit que cette part diminuera à 72 % en 2021. «C’est une entreprise en plein mouvement, très innovante. Sa transformation, telle qu’elle l’opère, m’impressionne.»
Dans une grande mesure, elle est à l’image de l’Asie actuelle.