Les firmes de courtage de plein exercice n’ont plus le choix. Pour croître et diversifier leurs sources de revenus, elles doivent se démarquer et bien servir les besoins en assurance de personnes des clients, selon une étude de Strategic Insight.
Si elles n’y parviennent pas adéquatement, d’autres s’en chargeront, notamment les agents généraux et les réseaux exclusifs des assureurs, souligne la firme de recherche. Les conseillers en placement sont visés ici puisqu’ils sont la principale courroie de transmission des services aux clients.
«Alors que les marges bénéficiaires dans le plein exercice demeurent statiques, la direction des firmes de courtage ne peut ignorer la profitabilité supérieure du secteur des assurances et le rôle de l’assurance, particulièrement en gestion de patrimoine», constate Strategic Insight.
D’ailleurs, la part des revenus de commissions provenant des assurances est notable et en croissance chez les firmes de courtage de plein exercice, d’après Strategic Insight. Elle s’élevait à 20,6 % pour les courtiers des six grandes banques pour les quatre derniers trimestres terminés en juin 2017, par rapport à 15,5 % pour la même période se terminant en juin 2016. Dans le cas des autres courtiers, ces proportions s’élevaient respectivement à 7,5 % et à 6,1 % pour les mêmes périodes. Rappelons que les revenus de commissions représentent environ 20 % des revenus totaux des courtiers, la part du lion étant des revenus d’honoraires.
Réticence des conseillers
Or, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Comme ce fut le cas avec l’adoption des honoraires, les courtiers doivent convaincre les conseillers de la valeur ajoutée apportée par le fait de répondre aussi aux besoins d’assurance.
Certains craignent, par exemple, de perdre le contrôle des actifs si on les confie à un assureur. D’autres sont peu familiarisés avec les assurances, alors qu’ils connaissent très bien les placements. «On leur explique qu’en répondant à l’ensemble des besoins des clients, y compris ceux en assurances, tous seront gagnants. Il est d’ailleurs démontré que ceux qui souscrivent de l’assurance de personnes avec leur conseiller leur sont ensuite plus fidèles», souligne Annie Bélanger, vice-présidente et conseillère en sécurité financière, Gestion de patrimoine TD.
C’est effectivement ce qui ressort d’un sondage pancanadien mené auprès des consommateurs par Credo Consulting en partenariat avec TC Media, qui publie Finance et Investissement. Les clients qui détiennent des produits d’assurance seraient plus portés à qualifier leur conseiller de «professionnel», «digne de confiance» et «fiable» par rapport à ceux qui n’ont pas de tels produits.
Au-delà des placements
Afin de surmonter cette réticence des conseillers, les courtiers ont embauché des spécialistes en assurance. «Bien qu’il y ait des exceptions, le recours à ces spécialistes a été largement fait en réaction et en misant sur les occasions d’affaires en planification fiscale et successorale à valeur élevée que permettent les grosses polices d’assurances permanentes», relate Strategic Insight. Le développement de ce créneau a toutefois été ralenti par les défis liés au recrutement de tels spécialistes.
Selon Strategic Insight, il y a un important potentiel d’affaires avec la clientèle intermédiaire qui n’est pas aussi fortunée, notamment en leur offrant des polices d’assurance vie temporaire et des protections du vivant.
Bien que la concurrence dans la distribution d’assurance soit vive, certains courtiers ont tiré leur épingle du jeu ces dernières années. C’est le cas de RBC Dominion Valeurs mobilières, qui en 2016 se classait en quatrième position parmi les 15 plus gros acteurs de l’industrie sur le plan des ventes de nouvelles primes en assurance vie, d’après Strategic Insight. BMO Nesbitt Burns et CIBC Wood Gundy arrivent en quatorzième et quinzième position respectivement. Ces trois courtiers ont amélioré leur classement par rapport à 2013.
La force du plan
La divulgation des frais et des rendements au client prévue par le Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) a changé la donne. Les clients veulent en avoir plus pour leur argent. Le conseiller a donc intérêt à suivre son client dans toutes les phases de sa vie, notamment en lui proposant des planifications financières holistiques. «Lorsqu’on s’occupe seulement des investissements du client sans se préoccuper de sécurité financière, on n’a pas le portrait global», affirme Richard Rousseau, vice-président à la direction et chef de la gestion de patrimoine chez Raymond James.
D’ailleurs, les courtiers qui conçoivent un plan financier pour leur client réussissent mieux en allant chercher une plus grande part de l’actif total à investir de ce client, soit 82 % par rapport à 61 % lorsque le plan financier provient d’une autre firme. En assurance, ce sont 27 % des clients qui souscrivent les polices proposées par leur courtier lorsque celui-ci a conçu le plan financier par rapport à 14 % lorsque le plan vient d’ailleurs, révèle Strategic Insight. Ces chiffres illustrent également le potentiel des courtiers en assurance.
L’assurance vie peut convenir, par exemple, à un entrepreneur qui souhaite transférer ses actifs à la génération suivante. C’est aussi le cas des propriétaires de petites entreprises qui auront un gros passif fiscal au décès. Même chose pour les clients qui veulent faire des dons de charité par l’intermédiaire d’une assurance vie.
Un travailleurs autonome ou un professionnel à son compte devrait aussi gérer les risques financiers découlant d’une éventuelle invalidité de longue durée ou d’une maladie grave avec des protections du vivant.
Le rôle du spécialiste
«Le rendement du portefeuille n’est plus la seule donnée qui compte pour le client», remarque Paul Lalonde, président de BMO Services conseils en assurances et planification successorale. Alors qu’autrefois, on vendait de l’assurance aux clients, aujourd’hui, ils investissent dans un produit d’assurance qui va leur procurer plusieurs avantages dans le cadre de leur planification financière et successorale, dit-il. D’ailleurs, la firme de courtage a récemment fusionné le service d’assurance avec l’équipe de planification financière et le service-conseil afin d’optimiser les ressources et d’offrir une valeur ajoutée aux clients. «C’est une tendance dans l’industrie», constate Paul Lalonde.
Le spécialiste en assurance peut également jouer un rôle important en cernant les faiblesses du plan et en faisant des recommandations. «On va démontrer au client la différence entre ne rien faire ou intégrer une solution d’assurance. Selon les bénéfices qu’il peut en retirer, le client va prendre sa décision», explique Annie Bélanger. Même si les trois quarts des conseillers en placement au Québec détiennent également un permis en assurance chez Gestion de patrimoine TD, ils font régulièrement appel à son expertise, notamment dans les cas plus complexes.
Par ailleurs, la manière dont le spécialiste intervient dans le dossier du client est importante. «Le conseiller en sécurité financière, le planificateur financier et le conseiller en placement doivent travailler ensemble, et non en vase clos, afin de présenter une solution qui cadre dans le plan financier», indique André L’Espérance, président d’Avantages Lespe, un cabinet affilié à Planification financière Raymond James. Cela nécessite un certain degré de connaissance et une ouverture de la part du conseiller en placement. Le spécialiste en assurance doit aussi gagner le respect de ce dernier puisqu’il est la porte d’entrée vers le client.