S’il est adopté tel quel, le projet de loi 150 crée un cadre pour la cession de polices d’assurance à un tiers, «pour éviter des cessions à des fins purement spéculatives, qui pourraient viser des personnes vulnérables âgées, malades ou en situation financière précaire. Les assureurs souhaitaient interdire cette spéculation sur la vie d’autrui», explique Evelyne Verrier, avocate associée au cabinet Lavery et coordonnatrice du secteur de la distribution de produits et services financiers de ce cabinet.

Le projet de loi 150 ajoute deux articles au Code civil du Québec en ce sens.

«Le projet de loi introduit des restrictions et conditions qui n’existaient pas avant, en ce qui a trait à des cessions à titre onéreux en faveur de personnes n’ayant pas d’intérêt d’assurance dans la vie assurée, dans les deux premières années», note Evelyne Verrier.

«Lorsqu’une cession est exercée par un cédant, l’assureur pourra dorénavant se libérer de ses obligations en résiliant la police en contrepartie du remboursement des sommes que le cessionnaire a payées, ajoute l’avocate. On a tenté de trouver un compromis entre l’interdiction totale de cession et la protection d’un consommateur vulnérable.»

«Selon le projet de loi 150, la clause empêchant la cession d’un contrat d’assurance-vie ou libérant l’assureur de ses obligations en cas de cession n’aura effet que dans les deux premières années de l’assurance, et ce, si la cession est faite à titre onéreux et que le cessionnaire n’a pas d’intérêt d’assurance dans la vie ou la santé de l’assuré. Ainsi, deux ans et un jour suivant la validité de l’assurance, une telle clause n’a plus effet et ces restrictions à la cession ne trouveront plus application malgré toute clause à l’effet contraire», lit-on dans une analyse du cabinet d’avocats Norton Rose Fulbright.

À la lecture du projet de loi, on comprend donc qu’un propriétaire de police d’assurance pourra continuer de céder sa police à un tiers n’ayant pas d’intérêt assurable dans la vie du propriétaire, si celui-ci accepte. La division québécoise de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP-Québec) déplore que le rachat de police à des fins spéculatives n’ait pas été interdit, comme elle l’avait demandé.

«Quand une personne contracte une police d’assurance, elle ne le fait pas pour la céder à quelqu’un qui va spéculer sur sa mort. Selon le projet de loi, l’assureur a le droit de racheter la police au cessionnaire au même prix, mais ça l’amène dans une pratique que lui-même dénonce. On est un peu ambivalent [à l’égard de ce projet de loi]», indique Lyne Duhaime, présidente de l’ACCAP-Québec.