Les investisseurs qui ont besoin de détenir des liquidités ou qui le souhaitent peuvent utiliser quelques fonds négociés en Bourse (FNB) pour obtenir des rendements potentiellement supérieurs à ce qu’offrent les banques, à condition qu’ils assument davantage de risques.
Conçus pour les épargnants à court terme, deux FNB fournissent des rendements plus élevés que les rendements généralement offerts par les institutions financières, et ils le font en détenant eux-mêmes des comptes d’épargne. Tant le FNB d’épargne à intérêt élevé Purpose, qui date de presque six ans, que le récent FNB d’épargne à intérêt élevé CI First Asset, lancé le 18 juin dernier, offrent des rendements d’intérêt dépassant les 2 %. Le iShares Premium Money Market ETF, un concurrent équivalent en liquide et à plus faible rendement, est le seul des trois FNB de la catégorie marché monétaire canadien qui soit légalement autorisé à se désigner comme un fonds de marché monétaire.
Essentiellement grâce à leurs faibles ratios de frais de gestion (RFG), les trois FNB surperforment la plupart des fonds communs de la catégorie marché monétaire pour lequel le RFG moyen pondéré en fonction de l’actif est de 0,63 %, selon Morningstar Canada, de Toronto. Le fonds iShares a un RFG déclaré de 0,28 %, alors que les RFG des FNB Purpose et CI First Asset sont inférieurs d’environ 10 points de base.
Les rendements attrayants des FNB détenteurs de dépôts, étant donné leur liquidité quotidienne, se basent sur la capacité de ces derniers à négocier avec les institutions financières des taux d’intérêt plus élevés que ceux qui sont offerts au client de détail moyen.
«Nous obtenons un taux qui correspond à de nombreux taux préférentiels institutionnels. Souvent, ces taux sont négociés en s’appuyant sur la qualité de la relation générale [avec Purpose]», dit Rashay Jethalal, président de Purpose Investments, de Toronto.
Fin août, le FNB de Purpose avait un rendement de 2,15 %, alors que le rendement brut du FNB de CI Financial était de 2,10 %, ce qui après frais, dépenses et taxes correspond à un rendement net actuel de 2,09 % environ.
«Nous avons été capables de négocier approximativement au taux préférentiel bancaire moins 1,7 [point de pourcentage], ce qui est nettement plus élevé que ce qu’offrent [la plupart] des certificats de placement garanti (CPG) d’un an, ce qu’offrent les bons du Trésor ou ce qu’un investisseur individuel peut obtenir s’il ouvre un compte d’épargne à intérêt élevé par lui-même», dit Peter Tomiuk, premier vice-président, stratégie FNB, chez First Asset Investment Management, de Toronto, une filiale de CI Financial.
Les rendements des deux FNB à intérêt élevé ne dépasseront pas tous les taux offerts aux investisseurs de détail. Selon Ratehub.ca, de Toronto, les comptes d’épargne à intérêt élevé des banques, des coopératives de crédit et des autres institutions financières produisent généralement un rendement variant entre 1,05 % et 2,25 %. Les taux de lancement, tels que ceux conçus pour attirer de nouveaux clients, peuvent être plus élevés encore dans les plus petites institutions financières. Les épargnants désireux de s’engager pour une période de détention spécifique peuvent également obtenir des rendements plus élevés.
De plus, à la différence des FNB, les dépôts bancaires sont admissibles à la protection de la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC).
La transparence n’est pas la force des deux FNB à intérêt élevé : aucun d’eux ne divulgue fréquemment ses titres en portefeuille et leurs pondérations sur son site web, comme le font la plupart des FNB.
Purpose a confirmé qu’à la date de publication, elle détenait plus de 95 % de ses actifs dans trois des six grandes banques, soit la Banque de Nouvelle-Écosse (Banque Scotia), la Banque Nationale du Canada et la CIBC. Historiquement, elle détient également des avoirs importants dans les coopératives de crédit en Colombie-Britannique et en Alberta, dont les dépôts sont garantis par les gouvernements provinciaux. Le risque de défaut est considéré comme faible, affirme Purpose dans les états financiers.
Sur son site web, First Asset cite cinq des six grandes banques comme étant ses principales sources de dépôt, sans en donner les pondérations. Son FNB, qui a beaucoup moins d’actif à investir que le FNB Purpose, ne compte aucun avoir dans de plus petites institutions, a confirmé un dirigeant de la société.
Pas comme une lettre à la poste
Malgré la relative popularité de ces produits – le FNB de Purpose avait un actif sous gestion de 1,93 G$ au début de septembre -, ceux-ci ne font pas l’unanimité.
En décembre dernier, un analyste de fonds recommandait à des conseillers d’éviter d’investir dans le FNB de Purpose lorsqu’un représentant soupçonne que son client croit à tort que ce FNB équivaut à un compte d’épargne à intérêt élevé garanti par la SADC (lire l’encadré ci-contre).
Les dépôts auprès de la Banque Toronto-Dominion (TD) ne figurent pas dans les actifs des deux FNB. Placements directs TD, filiale de courtage à escompte de la TD, refuse d’autoriser ses clients à exécuter des transactions dans ces deux FNB.
Bien que First Asset n’ait aucun commentaire à faire et que Purpose ait refusé de citer des noms, Rashay Jethalal a affirmé que «quelques banques» – que ce soit par l’entremise de leur courtage à escompte ou courtage de plein exercice – ont décidé de bloquer les transactions dans le FNB Purpose. Ces clients sont plutôt dirigés vers les produits à rendement inférieur offerts par leurs institutions. Rashay Jethalal rapporte que Purpose a reçu de 12 à 15 appels par semaine provenant directement d’investisseurs qui veulent acheter son FNB, mais ne peuvent l’obtenir de leurs courtiers en placement.
Quant au FNB d’iShares, bien que son rendement récent de 1,83 % soit inférieur à celui des FNB à intérêt élevé, il offre une diversification et une transparence supérieures. La liste complète de ses 50 titres et plus et de leurs pondérations est mise à jour quotidiennement sur le site web d’iShares.
À la différence de la plupart des fonds iShares, le FNB de marché monétaire a une gestion active et n’est pas basé sur un indice. «La nature du marché monétaire fait que, fondamentalement, les titres sont constamment réutilisés, émis, puis arrivent à maturité, et qu’ensuite de nouveaux titres [sont] émis, dit Steven Leong, directeur produits FNB, chez BlackRock Asset Management Canada, à Toronto. Cela ne se prête pas particulièrement aux indices de représentation du marché comme le ferait l’indice composé S&P/TSX.»
Steven Leong affirme que le portefeuille iShares se conforme aux exigences réglementaires en ce qui concerne la qualité du crédit des fonds du marché monétaire, mais est orienté vers le papier commercial, les certificats de dépôt et autres titres non gouvernementaux qui versent des primes de rendement par rapport aux bons du Trésor du gouvernement du Canada.
Selon Steven Leong, le FNB iShares constituerait une solution à la détention de liquidités dans un compte de courtage qui autrement ne rapporterait que peu ou pas d’intérêt. «Il convient également aux investisseurs institutionnels qui recherchent la diversification apportée par un tel portefeuille et qui ne veulent pas laisser dormir de gros montants d’argent déposés dans une banque.»
À la différence des fonds communs de placement (FCP), les transactions des FNB sont soumises aux écarts entre le cours acheteur et le cours vendeur. Toutefois, ces écarts ne sont normalement que d’un cent, ce qui revient à deux points de base par part de 50 $. À moins qu’ils ne soient détenus dans des comptes à honoraires, des frais de courtage sont également facturés sur les transactions des FNB. Ces frais réduiront les rendements, mais si les transactions sont importantes, ils peuvent être négligeables.
Le cours de la valeur de l’actif net (VAN) est l’autre différence notable entre les trois FNB et les fonds communs de marché monétaire. Les fonds communs s’échangent régulièrement à 10 $. En revanche, la valeur de l’actif net des FNB débute à 50 $ au début du mois et monte à mesure que l’intérêt augmente.
Quand l’intérêt est versé aux porteurs de parts à la fin du mois, la VAN repasse à 50 $. «À cause du mode de fonctionnement d’un FNB, ce n’est pas vraiment pratique de faire des distributions de revenu dans les parts, parce qu’on ne peut avoir des parts fractionnées», explique Steven Leong.
Le FNB d’épargne à intérêt élevé Purpose (PSA) a été populaire ces derniers mois, son actif sous gestion se chiffrant à 1,93 G$ au début de septembre. Toutefois, est-il une solution de rechange viable à un compte à intérêt élevé ? La réponse rapide semble être non, d’après une étude d’iA Valeurs mobilières (IAVM), publiée en décembre, qui met en garde les conseillers contre les défauts de ce produit.
«Après quelques recherches, nous estimons qu’indiquer dans le nom de ce FNB qu’il est comme de « l’épargne à intérêt élevé » est une formulation trompeuse, car ses caractéristiques sont très différentes de celles d’un compte d’épargne à intérêt élevé traditionnel», lit-on dans la note écrite par l’équipe d’analystes de fonds d’IAVM. Celle-ci a d’ailleurs inscrit ce fonds dans sa liste de produits soumis à des restrictions.
Étant donné que Purpose n’est pas une institution de dépôt, le fonds PSA n’est pas un compte à intérêt élevé, mais bien une fiducie de fonds communs de placement. Les premiers 100 000 $ investis dans ce fonds ne sont pas couverts par la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC), contrairement à un compte bancaire traditionnel.
Le fonds investit la quasi-totalité de son actif dans des comptes de dépôt à intérêt élevé auprès d’une ou de plusieurs banques ou caisses populaires. Par exemple, en novembre 2018, il détenait 43,3 % de compte de trésorerie de la Banque Nationale, 33,8 % de compte de trésorerie de la Banque Scotia et 10 % de compte de trésorerie de la Banque Manuvie. La différence, soit 13 % de l’actif, provenait de dépôts à terme de caisses populaires telles que Prospera Credit Union et First West Credit Union.
Prenons le cas hypothétique de la faillite de la Banque Nationale. Si un client a 100 000 $ dans un compte à intérêt élevé offert par la Banque Nationale, ce montant serait entièrement assuré par la SADC. Or, dans le cas du fonds PSA, c’est celui-ci qui est le bénéficiaire de la couverture de 100 000 $. Comme il détenait près de 600 M$ de compte de trésorerie de la Banque Nationale à la fin de novembre, si cette dernière faisait faillite, seulement 100 000 $ seraient couverts, c’est-à-dire 0,016 % de la somme, le reste étant susceptible de disparaître avec la faillite. «Autant dire que la couverture de la SADC est insignifiante», écrivent les auteurs de la note.
«Si la Banque Nationale faisait faillite, le fonds PSA subirait une perte pratiquement équivalente à la totalité des comptes de trésorerie de la Banque Nationale, ce qui était de plus de 40 % [en novembre 2018]», lit-on dans la note.
Pour les 13 % de dépôts à terme investis dans les caisses populaires, les détenteurs de parts de PSA seraient couverts par les régimes d’assurance-dépôts des provinces.
Un autre élément déplaît aux auteurs de la note : le fait que le PSA ait potentiellement des problèmes de liquidités.
Alors que 87 % du FNB étaient constitués de dépôts bancaires qui sont immédiatement liquides, les 13 % de dépôts à terme investis dans les caisses populaires ont des échéances allant jusqu’à un an et ces instruments n’offrent pas de liquidité immédiate. Purpose a indiqué que la plupart de ces dépôts à terme sont encaissables dans un délai de 90 à 120 jours, écrivent les auteurs.
«En cas de liquidation désordonnée de ce FNB, les 87 % investis dans les dépôts bancaires à liquidités quotidiennes seraient vendus en premier. Les dépôts à terme des caisses populaires ne seraient pas immédiatement encaissables. Des soupapes de sécurité sont en place, mais il existe un risque que ce FNB se négocie à escompte par rapport à sa valeur liquidative selon ce scénario», lit-on dans la note d’IAVM. «Si vous avez des clients qui ont investi dans ces produits aujourd’hui et qui pensent être des détenteurs de comptes à intérêt élevé [couverts par la SADC], vous vous trompez. Notre conseil est de sortir et d’examiner les solutions de rechange [qui offrent réellement une couverture de la SADC]», concluent les auteurs de la note.