Économiste de formation et de profession, Fred Demers, aujourd’hui directeur et stratège en investissement à BMO Gestion mondiale d’actifs, a démarré sa carrière à la Banque du Canada de 2001 à 2007, « un excellent endroit pour apprendre la macro-économie, mais pas la finance et l’investissement », commente-t-il.
Une série d’emplois subséquents l’a davantage aguerri aux détours financiers, notamment à la Caisse de dépôt et placement du Québec, au Crédit Suisse à New York et à TD Valeurs mobilières à Toronto. Dernier arrêt : BMO, depuis 2018, où « mon rôle est de participer à une équipe multi-actifs dans laquelle on construit des portefeuilles pour les clients en ayant recours surtout aux FNB (fonds négociés en Bourse) ».
La sélection de trois FNB qu’il met ici de l’avant est entièrement déterminée par sa lecture actuelle du contexte macro-économique, qui continue d’être agité par une mauvaise nouvelle persistante : « Les ours, qui prévoient une récession toujours retardée, vont continuer d’être tenaces », dit-il, et cela va continuer de faire peser une grande incertitude sur les marchés.
En contrepartie, sa lecture du contexte est optimiste et positive. « Je pense qu’on va continuer d’être surpris par de bonnes nouvelles », affirme-t-il. Par exemple, « les 200 000 emplois créés au dernier rapport de juin aux États-Unis ne sont pas le signe d’une économie en mauvaise posture ». À cela s’ajoutent la pénurie chronique d’emploi, les pénuries de logements et d’automobiles, et le fait que le taux d’inflation passe maintenant sous le taux des hausses salariales, indiquant que « les ménages vont commencer à regagner du pouvoir d’achat ».
« Tout cela n’élimine pas le risque de récession », convient l’économiste, mais ça indique que l’effet des hausses de taux est moins grand que ce qu’on aurait pu craindre. « S’il y a récession, elle sera très légère », juge-t-il.
Il a donc choisi des FNB qui « se positionnent par rapport à des thèmes lourds dans l’économie de façon à mettre un portefeuille à l’abri de ces mêmes thèmes et éviter de tomber dans des pièges à court terme ». C’est dire que chaque fonds présenté est un choix tactique défensif. Il ne prend pas place au cœur d’un portefeuille, mais propose plutôt une occasion de diversification à la périphérie tant que les nuages macro-économiques actuels ne se seront pas dissipés.
FNB vente d’options d’achat couvertes de banques canadiennes (ZWB)
Manufacturier : BMO gestion mondiale d’actifs
Offre initiale du fonds : janvier 2011
Actif sous gestion (ASG)
(6 juillet 2023) : 2,77 G$Ratio de frais de gestion (RFG) : 0,71 %
Rendement annualisé depuis la création : 7,72 %
Réf. : BMO Covered Call Canadian Banks ETF ZWB |
BMO Gestion mondiale d’actifs (bmogam.com)
Le tout premier du genre à apparaître à l’échelle mondiale, ce FNB investit dans les titres des six grandes banques canadiennes. Sa particularité est de vendre des options d’achat qui, en même temps qu’elles produisent un revenu immédiat, limitent les gains à la hausse et atténuent les pertes à la baisse.
« C’est un fonds qui ne bouge pas beaucoup avec les années, mais le rendement total sur plusieurs années est intéressant », dit Fred Demers. En effet, un tel fonds vise avant tout le supplément de revenu produit par les primes des options. Idéalement, les titres sous-jacents bougeront très peu autant à la hausse qu’à la baisse, ce qui est le cas dans l’incertitude actuelle.
Ici, la concurrence provient des FNB de marchés monétaires et des FNB de comptes d’épargne à taux élevé, qui donnent actuellement un rendement d’environ 5 % avec risque minimal. « Dans le contexte actuel de taux élevés, on peut faire un peu mieux que les marchés monétaires, surtout pour un investisseur qui est encore en mode d’accumulation et qui est en mesure de prendre un peu plus de risque », dit l’économiste.
« Un FNB indiciel pur comme ZEB fait mieux à long terme », reconnaît volontiers Fred Demers (il s’agit du FNB BMO équipondéré banques qui, sur une période équivalente à celle de ZWB, a produit un rendement annualisé de 9,97 %, supérieur à celui de ZWB par deux points de pourcentage). Par contre, ZWB se présente comme un choix tactique et défensif à court terme dans le contexte actuel d’incertitude où les titres bancaires bougent peu.
Energy Select Sector SPDR (XLE)
Manufacturier : State Street Global Advisors
Offre initiale du fonds : décembre 1998
ASG : (6 juillet 2023) : 32,8 G$
RFG : 0,1 %
Rendement annualisé depuis la création : 7,56 %
Réf. : XLE : The Energy Select Sector SPDR® Fund (ssga.com)
Le secteur de l’énergie est un de ceux qui ont le plus souffert des craintes de récession, le prix du baril de pétrole WTI étant passé de 128 $US en juin 2022 à 70 $US en mai 2023. Depuis, le cours est remonté à 76 $US. Or, Fred Demers pense qu’on se trompe sur les craintes de récession et s’attend à ce que les prix continuent de se raffermir.
Ce FNB « est un moyen pour profiter d’un marché du brut qui est trop pessimiste », dit l’économiste. D’une part, avec une économie qui va se raffermir et des consommateurs qui vont gagner en confiance, les déplacements vont se multiplier et les prix à la pompe, monter. D’autre part, « on est trop optimistes au sujet de la transition énergétique » tandis que la consommation de pétrole ne cesse de monter.
Devant la tentative des gouvernements occidentaux d’abolir la production pétrolière, les compagnies pétrolières accroissent leurs dividendes et baissent leurs niveaux d’exploitation, créant une rareté croissante qui va simplement pousser les prix à la hausse. « On crée une rareté, alors qu’on devrait plutôt travailler à réduire la demande », commente l’économiste.
Le XLE est un véhicule de choix, juge Fred Demers, pour profiter de cette dynamique, du fait qu’il répartit son investissement entre 23 producteurs représentatifs du secteur énergétique du S&P 500. « Il donne une vue sur les deux prochaines années, où on pourrait être surpris par les prix. »
iBoxx $ Investment Grade Corporate Bond ETF (LQD)
Manufacturier : iShares
Offre initiale du fonds : juillet 2002
ASG : (6 juillet 2023) : 35,3 G$
RFG : 0,14 %
Rendement annualisé depuis la création : 4,48 %
Réf. : US iShares Template
Selon Fred Demers, ce FNB, avec les 2 607 titres qu’il recouvre, est dans une position optimale pour bénéficier d’une non-récession ou d’une récession bénigne. Et si une récession se matérialise, il n’en pâtira que très peu.
Les obligations de qualité investissement du portefeuille LQD sont concentrées sur la meilleure partie de la courbe des rendements, soit entre un et trois ans, juge l’économiste. On se retrouve dans une « situation incroyable » où les taux à deux ans sont à 4,57 % alors que ceux à 30 ans sont à 3,3 %.
Le choix de ce FNB s’inscrit dans un scénario de contexte incertain et ambigu. Si la récession ne se concrétise pas, LQD est en position d’en profiter ; si une récession survient, il gagnera aussi, mais un peu moins. En contrepartie, une position obligataire à long terme pourrait gagner en contexte de récession avec une baisse des taux, mais si les taux continuent de monter, elle ne peut que perdre. Avec LQD, « on isole le risque de se tromper sur la direction que vont prendre les taux, constate l’économiste. Plus encore, on augmente le rendement tout en diminuant le risque, ce qui est rare en investissement ».