Humania assurance et Emma Services Financiers conjuguent leurs forces afin de lancer une assurance vie à émission rapide destinée aux femmes enceintes. D’autres clientèles, aux besoins très ciblés, sont dans la ligne de mire de l’assureur de Saint-Hyacinthe et de l’assurtech montréalaise.
Les femmes enceintes ont traditionnellement de la difficulté à souscrire une assurance vie à des conditions avantageuses. Leur état particulier fait reculer certains assureurs, que ce soit en raison de la prise de poids, du diabète gestationnel, des risques d’accouchement prématuré ou des dépressions post-partum. On compte en moyenne 380 000 naissances environ par année au Canada. «Avec Emma, aucune discrimination à l’égard des femmes enceintes», lit-on sur la page d’accueil du site transactionnel Emma.ca.
Selon Stéphane Rochon, président et chef de la direction d’Humania Assurance et coactionnaire d’Emma, ce produit d’assurance vie pour femmes enceintes ouvre une voie d’avenir «prometteuse»en commerce électronique. «Les assurtechs ont la capacité de rejoindre de nouveaux marchés très segmentés qui veulent consommer différemment. Pour leur part, les assureurs peuvent agir comme codéveloppeurs de produits ayant la faculté d’atteindre ces segments peu ou mal assurés», dit Stéphane Rochon. Telle est l’approche qu’ont adoptée Humania et Emma.
Le processus de création de l’assurance vie destinée aux femmes enceintes a duré huit mois. «Il y a eu beaucoup de changements en cours de route. Pour réussir ce genre d’expérience, il faut croire en son partenaire et avoir des cultures d’entreprise compatibles. Et une fois le produit lancé, il faut être prêt à l’ajuster après coup. Cela exige beaucoup d’agilité de part et d’autre», précise Stéphane Rochon.
Il explique que son équipe s’est impliquée dans le design de cette assurance vie. Elle s’est également chargée de l’élaboration des règles de souscription, de la définition des taux et du libellé de la police.
«Peu d’assurtechs peuvent épauler les assureurs dans l’élaboration des hypothèses de morbidité, d’invalidité ou de mortalité. Cela nous revient. À chacun sa valeur», souligne le patron d’Humania.
Répondre à d’autres besoins
MICA Cabinets de services financiers est lui aussi coactionnaire d’Emma. Selon son président, Gino-Sébastian Savard, il est dans la nature d’une assurtech comme Emma de participer à la conception de produits destinés à des marchés peu ou mal assurés.
«En assurance de personnes, il existe de nombreuses zones sous-assurées. Or, plus le temps passera, mieux on pourra les repérer. Chaque jour, Emma moissonne davantage de données et son expérience grandit. En conséquence, ses algorithmes deviennent toujours plus efficaces. Grâce aux croisements de données, il devient possible de découvrir des besoins en friche», explique Gino-Sébastian Savard. Emma.ca a été lancé à l’été 2018 par les frères Félix et Jacomo Deschatelets, tous deux planificateurs financiers et conseillers en sécurité financière. Adeptes d’achats par téléphone intelligent, les clients de cette plateforme transactionnelle peuvent clavarder avec l’un des huit conseillers en sécurité financière d’Emma entre 8 h et 22 h.
L’achat se conclut généralement en moins de 30 minutes. Emma compte embaucher de trois à cinq conseillers en Ontario d’ici le printemps prochain, selon son président, Félix Deschatelets. «À l’heure actuelle, nos ventes se font au Québec et en Ontario. Mais très, très bientôt, elles se feront d’un océan à l’autre», dit-il. Emma dispose d’au moins deux avantages concurrentiels: son «moteur» reposant sur des règles d’intelligence artificielle, ainsi qu’une fine connaissance des réseaux sociaux, ce qui lui permet de rejoindre de jeunes clientèles.
«Par rapport aux assureurs, les assurtechs ont l’avantage de comprendre à fond les réseaux sociaux. Elles connaissent les stratégies de marketing qu’on y pratique. Ces stratégies exigent beaucoup de doigté, car elles évoluent sans arrêt», dit Gino-Sébastian Savard. Résultat: une forte personnalisation de l’expérience d’achat grâce à l’interprétation des données, et la capacité d’atteindre le consommateur au moment où il est disponible (par exemple, à 8 h 15, lorsque les enfants sont partis à l’école). Les clients d’Emma passent à l’action de façon fluide, comme l’explique Félix Deschatelets: «Notre façon d’engager le client est de nature adaptative. On s’appuie sur les réponses aux questionnaires et sur divers comportements, comme la lecture préalable des pages de notre site.»
«Autre exemple, l’approche de vente ne sera pas la même à l’égard d’un client ayant un iPhone de la dernière génération qu’à l’égard d’un autre qui utilise un vieil appareil Android», ajoute-t-il.
Nouveaux produits en vue
D’autres produits se trouvent sur la table à dessin commune d’Humania et d’Emma.
«Chez les 40 ans et moins, tout se passe sur Internet. C’est là, et uniquement là, qu’on peut capter leur attention. Emma a la capacité de les rejoindre. On peut alors envisager de répondre, sur Internet, aux besoins de diverses clientèles microsegmentées. Des produits destinés à la plateforme d’Emma sont en gestation», dit Stéphane Rochon.
Un produit d’assurance vie comportant une assurance accident et mutilation pour enfants sera bientôt mis en marché, précise Félix Deschatelets. «Nous croyons que notre façon d’engager le jeune parent sous-assuré fera la différence», dit-il. Ce produit sera assuré par Humania. Qu’en est-il des plus de 40 ans ? «Ils peuvent être rejoints de multiples façons, par Internet et d’autres canaux», répond Stéphane Rochon. Dans cet esprit, l’assureur de Saint-Hyacinthe envisage des alliances avec diverses organisations en mesure d’entrer en contact avec des clientèles très ciblées.
«Pensons, par exemple, aux amateurs de sports non traditionnels qui pourraient s’intéresser à l’assurance invalidité. Pensons aux retraités. Ce phénomène ira en augmentant. L’offre de produits d’assurance de personnes est trop limitée», affirme Stéphane Rochon. D’après une récente étude de la société d’investissement montréalaise Luge Capital, les assurtechs ne seraient pas en mesure de concurrencer les compagnies d’assurance, car elles ne disposent pas de masses de données suffisantes pour faire de la souscription intelligente.
Cette étude envisage plutôt des alliances entre assurtechs et assureurs afin de vendre de nouveaux produits sur Internet. Toutefois, l’étude de Luge Capital n’évoque pas à proprement parler l’expérience de codéveloppement de produit entre un assureur et une assurtech, comme dans le cas d’Humania et d’Emma.