Lorsqu’ils entendent parler de conformité, la pression artérielle de certains conseillers en sécurité financière peut monter en flèche. À juste titre puisque les exigences de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et des assureurs ne cessent d’augmenter, alors que les conseillers pratiquent une autre discipline, l’art de la vente.
«Les conseillers connaissent bien la théorie de la conformité et de la réglementation. Mais étant donné que ce sont des développeurs, ils ont souvent de la difficulté à implanter les bonnes pratiques dans leur quotidien», observe Nancy Lachance, directrice de conformité et meilleures pratiques et avocate chez MICA Cabinets de services financiers.
Nancy Lachance constate que «les préoccupations de l’AMF et des assureurs en matière de conformité sont plus visibles que jamais. S’ils veulent rester en affaires, il n’y a aucun doute que bon nombre de conseillers indépendants devront faire mieux», dit-elle.
À l’emploi de MICA depuis 2015, Nancy Lachance connaît la musique. Elle compte une quinzaine d’années d’expérience dans le domaine, notamment à titre de responsable de la conformité chez Groupe financier Partenaires Cartier (2002-2005), chez Services financiers Dundee (2005-2009) ainsi qu’à l’Industrielle Alliance (2011-2015).
AMF et inspections
Premier constat : au cours des deux dernières années, l’AMF a sensiblement haussé la cadence de ses suivis d’inspection. Et leur focalisation s’est considérablement élargie.
«Qu’ils soient faits sur place ou à distance, les suivis d’inspection sont beaucoup plus nombreux qu’il y a deux ou trois ans. Mais attention, car la grille des inspections de suivi ressemble beaucoup à celle des premières inspections», dit Nancy Lachance.
Les inspecteurs de l’AMF s’intéressent particulièrement à la gestion des analyses de besoins financiers (ABF), un document qui devrait contenir l’information explicative sur les choix de produits, ce qui manque chez nombre de conseillers.
«L’AMF met beaucoup l’accent sur la description du lien rationnel entre le produit et le besoin du client. En quoi, par exemple, le client XYZ est-il mieux servi par une assurance permanente plutôt que par une assurance temporaire ? Une personne extérieure au dossier doit comprendre les choix de ce client spécifique, autant par rapport au produit que par rapport à sa couverture. Or, trop de conseillers négligent d’en expliquer les raisons. C’est l’irrégularité la plus importante à corriger», signale Nancy Lachance. Trop souvent, ajoute-t-elle, les ABF contiennent des notes sans lien avec la recommandation de produit, de type «dans trois semaines, je rencontrerai à nouveau le client».
De plus, les inspecteurs de l’AMF cherchent à vérifier si le conseiller a obtenu les nécessaires accusés de réception lors de la remise des ABF. «Bon nombre de conseillers se font prendre. La preuve d’expédition est insuffisante», dit Nancy Lachance. Les remises des illustrations et des préavis de remplacement doivent également s’officialiser par des accusés de réception.
Maladies graves sous la loupe
La production d’ABF accompagnant l’achat d’assurances maladies graves se trouve également dans la mire des autorités de réglementation. «Beaucoup de conseillers en sécurité financière n’ont toujours pas le réflexe de documenter le motif d’achat d’une protection en cas de maladies graves. Il en est de même pour le montant d’assurance. Leur nombre est frappant !» constate Nancy Lachance.
Aussi, bien des conseillers évitent ce sujet délicat en concentrant leurs interventions en assurance vie. Cette pudeur pourrait leur causer des ennuis. «S’il a une maladie grave, un client non couvert pourrait poursuivre son conseiller en lui reprochant sa négligence à l’informer sur les avantages de cette protection», prévient Nancy Lachance.
Selon elle, les assureurs en viendront fatalement à «exiger» que les conseillers abordent cette protection dans le cadre de leurs entretiens avec la clientèle. «En tant qu’agent général, nous réfléchissons également à l’idée d’amener les conseillers à présenter les produits d’assurance contre les maladies graves à tous leurs clients», dit la directrice de conformité et meilleures pratiques.
Vers le bureau sans papier
Quel pourrait être le prochain chantier de conformité de l’AMF auprès des conseillers indépendants en sécurité financière ?
Nancy Lachance croit que l’AMF souhaite que les conseillers accélèrent l’informatisation des dossiers clients. «Pour la plupart des conseillers, tout se fait sur papier. Mais c’est l’enfer puisque tout est pêle-mêle. Le bureau sans papier pourrait devenir la norme rapidement et à court terme», dit-elle.
Et du côté des assureurs ? D’après Nancy Lachance, les conseillers indépendants devraient s’attendre à ce que l’on exige d’eux une plus grande implication en conformité. «On voit davantage d’inspections ad hoc de la part des assureurs. Et c’est là pour rester», dit-elle.
En revanche, les pressions conjuguées des assureurs et de l’autorité de réglementation devraient favoriser la propagation d’une culture de conformité dans les rangs des conseillers indépendants. «Cette culture et ces réflexes se mettront en place graduellement, pas à pas», estime Nancy Lachance.