Depuis plusieurs années, malgré une solide performance, le marché des actions canadiennes est déclassé par celui des actions américaines. Les fonds communs de notre palmarès, tout particulièrement les trois premiers, peuvent contribuer à réduire l’écart entre les deux marchés.
Selon Fundata, l’indice composé canadien S&P/TSX a affiché des rendements de 4,35 % sur un an, de 7,2 % sur trois ans et de 4,1 % sur cinq ans. En comparaison, l’indice américain S&P 500 affiche des rendements de 4,8 %, de 13,25 % et de 14,63 % respectivement pour les mêmes périodes.
Les trois fonds dont traite cet article, tous trois au sommet du palmarès, offrent des rendements qui sont nettement au-dessus de ceux du S&P/TSX, mais quand même en deçà de ceux du S&P 500.
Comment réussissent-ils à dépasser l’indice canadien et à s’approcher de l’indice américain ? Essentiellement, en sortant des sentiers battus. Et ils y parviennent en présentant une volatilité clairement plus faible que celle du S&P/TSX (ratio bêta), inférieure de presque 50 % dans le cas de deux fonds.
Absence des banques
Ces fonds se distinguent par l’absence de titres bancaires, qui dominent pourtant l’indice canadien.
«Nous ne détenons pas de banques», tranche Sam Baldwin, gestionnaire du fonds Guardian Canadian Focused Equity, chez Guardian Capital, à Toronto. Évidemment, il ne s’agit pas d’un désaveu. «Nous croyons que les banques représentent des titres de haute qualité, mais nous sommes rendus à un point du cycle actuel qui ne leur est pas favorable. Présentement, nous ne les trouvons pas bon marché», explique-t-il.
Même son de cloche de la part de Hugo Lavallée, gestionnaire du fonds Fidelity Potentiel Canada, chez Fidelity Investments, à Montréal. «On peut très bien s’en tirer au Canada sans détenir les banques», soutient-il.
C’est ce que croit aussi Jennifer Radman, gestionnaire du fonds Canadian Value Momentum, chez Caldwell Investment Management : «Les investisseurs au Canada sont très focalisés sur la finance et l’énergie, mais il y a bien d’autres choses qui vont bien au Canada et qu’ils ont tendance à rater.»
L’énergie, autre secteur vedette du marché canadien, est plutôt présente de façon indirecte. Aucun des 10 principaux titres des fonds du portefeuille de Hugo Lavallée n’est lié de près ou de loin au secteur énergétique, alors qu’on trouve, par exemple, celui de North American Construction Group dans celui de Jennifer Radman. «Ce fournisseur de camions colossaux pour les exploitants des sables bitumineux a très bien performé», dit-elle.
Hugo Lavallée dit aller à contre-courant, en cherchant des titres dans les zones que le marché laisse plutôt en plan. Les deux autres gestionnaires, sans se qualifier aussi de «contrariens», se retrouvent également dans les sphères souvent négligées.
Tous les trois cherchent des titres de haute qualité, en repérant les moments où ils sont moins populaires et où leurs prix sont déprimés. «Nous ne sommes pas des contrariens par choix, mais nous nous retrouvons souvent en train d’acheter quand d’autres vendent», dit Sam Baldwin, qui a trouvé nombre d’occasions dans le marché pétrolier entre 2014 et 2016, quand le secteur allait mal.
En résumé, la philosophie de chacun les amène à poser le geste fondamental de tout investisseur : acheter bas, vendre haut. Et ils y réussissent en décelant les titres de haute qualité qui vont bien résister quand l’entreprise connaît un moment creux et prospérer quand les vents lui sont favorables.
Se préparer à la récession
Nos trois gestionnaires travaillent de bas en haut, c’est-à-dire qu’ils s’occupent uniquement de choisir des titres individuels de qualité, mais chaque achat se fait en tenant compte du contexte macro-économique. Et tous attendent une récession au détour.
«Nous connaissons la plus longue expansion de l’histoire et nous pensons que nous sommes près de la fin du cycle, dit Sam Baldwin. Au cours des deux dernières années, nous nous sommes déplacés vers de plus grandes capitalisations et avons adopté une position plus défensive.»
Selon Jennifer Radman, le marché a été aux prises avec les forces déstabilisantes des taux d’intérêt et de la guerre commerciale. Elle observe que le prix de plusieurs titres de grande capitalisation plus sensibles aux aléas macro-économiques en ont souffert, comme ceux de BRP et de New Flyer Industries.
«C’est comme si le marché avait déjà ajusté les prix en vue d’une récession, même si ces entreprises continuent de bien performer. Tout cela nous oriente vers un portefeuille à la fois défensif et offensif», dit Jennifer Radman. Et la part de défense de son fonds est très importante, l’encaisse s’élevant à 19 %.
Quelques titres préférés
Les portefeuilles des trois gestionnaires s’articulent surtout autour de titres de moyenne capitalisation, mais se dispersent aussi tant du côté des petites capitalisations que de celui des grandes. La plupart des positions se retrouvent, forcément, au Canada, mais peuvent comprendre, à hauteur de 10 %, des titres américains.
Sam Baldwin affectionne particulièrement le titre de Cameco, l’un des principaux producteurs d’uranium du monde. Depuis l’accident nucléaire de Fukushima, en mars 2011, le marché a été déprimé, mais tous les signaux sont maintenant positifs, car 53 centrales nucléaires sont présentement en construction, et quelque 150 autres, planifiées.
Cameco se distingue par sa solidité : «Elle a bien tenu au creux du cycle, et son carnet de commandes tient davantage à des contrats établis de longue date pour lesquels le prix de la tonne est supérieur au prix spot», explique Sam Baldwin.
Pour sa part, Jennifer Radman aime beaucoup le Groupe CGI. «L’entreprise sait croître autant à l’interne que par acquisitions, dans un marché fragmenté», dit-elle. Et la vague technologique ne va pas s’essouffler. «On a recouru à l’informatique pour réduire les coûts, mais maintenant on s’en sert pour propulser la croissance des entreprises, poursuit la gestionnaire de Caldwell. C’est une puissante tendance à long terme.»
C’est du côté américain que Hugo Lavallée trouve un titre comme il les aime : Chipotle Mexican Grill, une entreprise qui s’est bien redressée après avoir été délaissée. À la suite d’une crise sanitaire due au fait que plusieurs clients de la chaîne de restauration ont été malades en 2015, «le titre a chuté de 750 $ US à 250 $ US, et le bénéfice par action est passé de 17 $ US à 1 $ US», rappelle le gestionnaire de portefeuille.
Le nouveau président, Brian Niccol, ancien PDG de Taco Bell, a redressé l’entreprise de fond en comble depuis son arrivée en février 2018 : la sécurité alimentaire est devenue une priorité, toute la nourriture est maintenant cuite devant les clients, et un accent a été mis sur les technologies. Par exemple, le client peut maintenant commander son repas à l’avance sur son téléphone intelligent.
«J’avais acheté dans le creux en jugeant que le nouveau PDG avait en main le concept nécessaire pour redresser les choses, et le titre est remonté à 800 $ US en moins de 15 mois», dit Hugo Lavallée