Les consommateurs prêtent plus d’attention que jamais aux produits d’assurance vie avec participation. Les attraits de cette dernière sont-ils aussi puissants qu’ils semblent l’être ?
La popularité grandissante de l’assurance vie avec participation n’a pas échappé à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Dans la dernière édition de son rapport sur les institutions financières, l’AMF dit observer «un accroissement de l’offre de ce type de produits» et signale qu’elle «veillera à ce que l’information transmise aux consommateurs, le calcul des participations et l’attribution des surplus des comptes avec participation respectent les attentes de l’Autorité en matière de traitement équitable du consommateur».
Le président du cabinet Diversico, Experts-Conseils, Daniel Guillemette, constate que le produit a bénéficié de circonstances favorables.
«Au cours des dernières années, les efforts de commercialisation d’assureurs comme la Canada Vie ont davantage porté sur la vie participante. En conséquence, les conseillers sont plus sensibilisés à ses avantages», affirme-t-il.
Et ses avantages se comparent avantageusement à ceux de son concurrent naturel, l’assurance vie universelle.
«Il y a quelques années, personne ne faisait attention aux frais de gestion. Aujourd’hui, les consommateurs y pensent… et beaucoup. Cela défavorise l’assurance vie universelle étant donné que les frais de gestion des fonds disponibles dans la vie universelle sont plus élevés que ceux des fonds semblables à l’extérieur du produit», signale le patron de Diversico.
Un autre facteur s’ajoute : les historiques de rendements.
«Les années fastes de la vie universelle sont derrière nous. Dans certains cas, on a même vu des rendements négatifs. Or, la vie avec participation génère un certain rendement. Le pire qui puisse arriver, avec la vie avec participation, serait d’avoir un rendement nul et de payer la prime ad vitam æternam. Si cela arrivait, ça ne compromettrait pas le but poursuivi, qui est généralement la transmission d’un héritage», explique Daniel Guillemette.
Yan Charbonneau, président et chef de la direction du Groupe AFL, note qu’il y a «depuis quelques années une hausse de la demande en vies avec participation».
Il se trouve que la volatilité boursière a émoussé les attraits de la vie universelle auprès des consommateurs. Par conséquent, dit-il, «beaucoup d’épargnants se sont reportés sur la vie avec participation».
Toutefois, les rendements de la vie avec participation ne sont pas uniformes d’un client à un autre. Ils varient, notamment selon l’âge de l’assuré à la souscription et la période de détention du produit.
«L’assurance vie avec participation prend son envol au bout de 12 ans. Elle devient alors presque imbattable, surtout par rapport à l’assurance vie universelle», affirme Yan Charbonneau.
D’après Dominic Demers, président de la Financière S_Entiel, le marché de l’assurance vie avec participation affiche un «regain» en raison de la faiblesse des rendements de la vie universelle et des certificats de placement garanti (CPG).
«Il faut comparer les rendements des assurances vie avec participation à ceux des assurances vie universelle et des CPG, dit-il. À ce compte-là et ces temps-ci, la vie avec participation est plus avantageuse».
Les grands-parents désireux de léguer quelque chose à leurs petits-enfants constituent l’une des cibles naturelles de la vie avec participation. «Pour eux, l’autre option pourrait être les CPG», relève Dominic Demers.
Chez les bien nantis
Le chef de la mise en marché des produits d’assurance individuelle à la Financière Manuvie, Guy Couture, relève un autre facteur explicatif à la croissance de la vie avec participation.
«L’assurance vie avec participation s’harmonise bien avec les plans de financement immédiats. Cette stratégie est destinée aux clients bien nantis, généralement dans la cinquantaine», dit-il.
David Benamron, directeur exécutif des ventes, marchés avancés à la Financière MSA, abonde dans le même sens. Selon lui, «la vie participante est le seul produit qui fonctionne correctement dans le cadre de stratégies comportant des prêts leviers», notamment en raison de valeurs de rachat garanties.
La directrice générale du Groupe SFGT, Caroline Thibeault, ajoute que la révision de 2017 des règles fiscales concernant les contrats d’assurance et de rentes a durement touché la vie universelle.
«Ce produit est moins compétitif et avantageux depuis le resserrement fiscal de 2017. Aussi, les temporaires 100 ans ou les vies entières sans participation sont devenues moins concurrentielles depuis les changements des tables de mortalité et la baisse des taux d’intérêt», signale-t-elle.
En conséquence, ajoute Caroline Thibeault, «la vie avec participation constitue, dans bien des cas et depuis quelques années, la meilleure option possible».
En revanche, les taux des participations de l’assurance vie avec participation n’échappent pas à la tendance à la baisse des rendements touchant l’assurance vie universelle et les CPG.
Ainsi, les taux d’intérêt du barème de participation, qui détermine la composante en intérêts des participations, ont tendance à baisser d’année en année.
Par exemple, l’Empire Vie annonçait en octobre dernier que son taux passait de 6,25 % à 6,00 %. Il se situait à 6,51 % en 2017. Chez Assurance vie Équitable du Canada, le taux d’intérêt du barème avec participation est de 6,2 %, alors qu’il atteignait 6,8 % en 2014. À la Financière Sun Life, le barème de participation était de 7,15 % en 2012. Il est maintenant de 6,25 %.
Rappelons qu’en plus du barème de participation, d’autres facteurs influencent les taux de l’assurance vie avec participation, tels que l’année d’achat de la police et sa durée, l’âge et le sexe de l’assuré, l’expérience de mortalité des assurés, les annulations de polices, les réclamations, etc.
Toutefois, le taux d’intérêt du barème de participation joue un rôle majeur dans les rendements de l’assurance participante. Et surtout, il occupe le devant de la scène dans les publicités des assureurs qui offrent le produit.
Telle est la possibilité évoquée par James McMahon, président région du Québec du Groupe Financier Horizons.
«Les conseillers ont redécouvert la vie participante en raison de la faiblesse des rendements de la vie universelle et de son coût. Les consommateurs veulent plus de garanties tout en ayant la possibilité de combiner des rendements. Cela explique pourquoi il se vend de plus en plus d’assurances vie avec participation. Par contre, à long terme, les rendements ne seront pas aussi alléchants qu’aujourd’hui. Car les rendements des portefeuilles d’assureurs sont également touchés par la faiblesse des taux», explique James McMahon.
D’après le dirigeant d’Horizons, les barèmes de participation de plus de 6 % deviendront vite intenables. «D’ici trois à cinq ans, ces barèmes pourraient se situer entre 4 % et 4,5 %. Peut-être à 5 %… avec de la chance», dit-il.
Bombe à retardement ?
Bruno Michaud, ex-responsable des ventes chez iA Groupe financier, envisage le pire.
«Voilà où se trouve la bombe à retardement de l’industrie de l’assurance de personnes» dit-il.
En effet, dans le contexte actuel du maintien prolongé des bas taux d’intérêt, il sera impossible, affirme-t-il, de maintenir des barèmes de participation de plus de 6 %.
«Le marketing des assureurs fait que les clients achètent ce produit avec des attentes de rendements élevés. Or, ces attentes sont insoutenables !» prévient Bruno Michaud.