La catégorie des fonds négociés en Bourse (FNB) à rendement rehaussé a le vent dans les voiles, notamment le nouveau groupe des FNB amplifiés (boosted ETF). Or, les clients qui s’y intéressent doivent bien comprendre que, dans le cas de certains FNB, ce qu’ils génèrent avec brio en revenu peut aussi être sacrifié en croissance.
Au 29 juin 2022, Valeurs mobilières TD recensait 89 FNB à rendement rehaussé (enhanced yield) au Canada, dont l’actif se chiffrait à 15,2 G$. De janvier à la fin de juin 2022, les créations nettes de ces fonds étaient de 2,2 G$, soit 10,7 % des créations nettes totales de FNB canadiens durant cette période.
En 2021, les créations nettes ont atteint 2,4 G$, soit 4,3 % du total de l’année. Ces sommes ne recouvrent que les FNB d’actions rehaussés, alors que les FNB obligataires à revenu rehaussé ont engrangé 1,1 G$à ce jour; seul Gestion mondiale d’actifs CI a contribué à ce segment avec six fonds. Enfin, Valeurs mobilières TD dénombre seulement trois FNB de type « alternatif » ayant mission de rendement rehaussé, dont l’actif combiné s’élevait à 30 M$ en janvier 2022.
En marge des FNB à rendement rehaussé, un nouveau segment émerge: celui des FNB amplifiés (boosted ETF), appelés à un brillant avenir selon Valeurs mobilières TD. Ces FNB qui utilisent notamment un effet de levier faible (1,25 fois) n’ont accumulé de la fin de 2020 au début de 2022 que plus de 900 M$ en actifs sous gestion.
« C’est le rendement qui mène le bal dans ces FNB. Dans un environnement de faibles taux d’intérêt, c’est la capacité des émetteurs de produits d’offrir à la fois une volatilité à peine plus élevée tout en fournissant des rendements au-dessus de la moyenne qui va continuer de propulser la créativité et les lancements au Canada », lit-on dans l’étude de Valeurs mobilières TD, rédigée par une équipe d’auteurs menée par Andres Rincon, directeur, ventes et stratégies FNB chez Valeurs mobilières TD.
Revenons au secteur des FNB à rendement rehaussé. Les FNB à vente d’options d’achat ou d’options de vente (covered call et put writing) s’y taillent la part du lion pour ce qui est des actifs et du nombre de fonds.
Ce sont d’ailleurs les FNB qui affichaient, pour la période de 12 mois se terminant en juillet 2021, les rendements les plus élevés. « La plupart des FNB canadiens donnant les meilleurs rendements et dont l’actif sous gestion dépasse 50 M$ ont recours à une forme ou une autre de vente d’options d’achat ou de vente d’options de vente », rapporte une étude de Gestion globale d’actifs CIBC, publiée en août 2021. BMO Gestion mondiale d’actifs et Placements CI sont les deux émetteurs dont les produits ont le plus d’actif.
Mécanique du rehaussement
Il importe de bien comprendre la mécanique de ces produits rehaussés, selon cette étude, de même que les compromis qu’entraîne la recherche de rendement.
Un FNB d’options d’achat couvertes vendra une option d’achat à parité (at the money) de 2 $sur une action se négociant actuellement à 100 $, et recevra 200 $ sur un contrat de 100 actions. L’acheteur de l’option paie une prime pour avoir le droit d’acheter au prix de levée de 100 $le bloc d’actions. Le gestionnaire du FNB parie que, pour la durée de l’option, habituellement entre un et deux mois, le prix de l’action sous-jacente ne montera pas de plus de 2 $.
Si la valeur de l’action sous-jacente baisse, l’option ne sera pas exercée. Tant que le prix ne franchit pas le seuil de 98 $, le revenu de la vente d’option couvre la perte encourue, selon l’étude de la CIBC. Or, si le titre tombe sous les 98 $, les pertes ne sont pas stoppées et le portefeuille est entièrement exposé à toute baisse supplémentaire.
À l’inverse, si le cours de l’action augmente, les gains sont plafonnés. En effet, au-dessus du prix de 100 $, la valeur de l’action augmente mais l’option sera exercée, ce qui nécessitera la vente de la position à l’acheteur de l’option. Si l’action se négocie entre 100 $et 102 $, la prime reçue fait plus que compenser l’augmentation du capital à laquelle on renonce. Or, une fois que les actions se négocient au-dessus de 102 $, le FNB a renoncé à une partie de l’appréciation du capital.
En résumé, pour la stratégie de vente d’options d’achat couvertes, les gains à la hausse sont plafonnés, et les pertes n’ont aucun filet de sécurité.
La portion du portefeuille du FNB qui fait l’objet de vente d’options d’achat varie selon le manufacturier et le produit. Par exemple, elle est de 50 % chez BMO, de 33 % chez Harvest et de 25 % chez CI. Plus cette proportion est élevée, plus la part du portefeuille plafonné en cas de gain est grande.
Par ailleurs, certains FNB, moins nombreux, utilisent la stratégie de vente d’options de vente. Si le prix de l’action baisse à un prix inférieur au prix de levée de l’option, l’acheteur exercera son option. Le gain sera limité si le prix de l’action s’établit entre 98 $et 100 $. Le potentiel de perte n’est pas limité si la valeur de l’action descend. En revanche, si le prix de l’action monte, l’option deviendra hors jeu et le vendeur conservera la prime.
La CIBC fait ressortir trois éléments. D’abord, les stratégies d’options fonctionnent mieux dans un marché relativement stationnaire où les titres sousjacents sont moins susceptibles d’atteindre leur prix d’exercice à l’intérieur du délai prescrit. Par ailleurs, ces stratégies prospèrent dans des marchés volatils, car la volatilité de la valorisation des options s’accroît et, du coup, les primes s’améliorent. Enfin, de façon typique, le revenu des options que recueille le détenteur du FNB est imposé en tant que gain en capital, non en tant que revenu. « Pour les investisseurs canadiens qui détiennent ces produits dans des comptes imposables, écrit la CIBC, il s’agit d’un avantage puisque les gains en capital sont imposés à des taux sensiblement inférieurs aux revenus de dividende. »
Différents types de FNB pourraient aussi figurer dans la catégorie des fonds à rendement rehaussé, comme les FNB d’obligations à rendement élevé. C’est aussi le cas des FNB d’actifs alternatifs liquides, qui peuvent emprunter jusqu’à deux ou trois fois la valeur de leur actif total et maintiennent des positions à découvert.
Or, les fonds alternatifs emploient des stratégies souvent bien différentes des fonds à rendement rehaussé typiques: rendement absolu, position acheteur-vendeur, etc. C’est pourquoi Andres Rincon ne retient pas la grande majorité des fonds alternatifs dans la catégorie des FNB à rendement rehaussé.
Par contre, le segment des FNB amplifiés, qui est appelé à croître, prend place dans le segment des alternatifs, mais sans adopter toutes les stratégies typiques des fonds de couverture.
Essentiellement, c’est un portefeuille de titres portant dividende, lequel dividende est rehaussé grâce à un modeste levier de 1,25x qui permet d’augmenter de 25 % la teneur des mêmes titres déjà en portefeuille. Ce levier est quotidiennement ajusté par l’émetteur par l’achat ou la vente de titres sous-jacents, selon l’étude de Valeurs mobilières TD.
Dans son étude sur les FNB offrant les rendements les plus élevés, Marchés mondiaux CIBC note que les FNB d’obligations à haut rendement, les FNB d’actions privilégiées, des fonds de titres à dividende, peuvent satisfaire un investisseur qui recherche les rendements. Un conseiller devrait en comprendre les caractéristiques financières et fiscales avant de les offrir.
Par exemple, une stratégie obligataire rehaussée sera composée à la base d’obligations gouvernementales auxquelles on ajoute des obligations d’entreprise à haut rendement. Cependant, dans tous les cas, constate la CIBC, aucune stratégie ne produit des rendements aussi élevés que ceux des FNB utilisant des options.
Compromis à saisir
« La période est excellente pour les FNB à options couvertes, et décente pour les FNB amplifiés, juge Andres Rincon, et l’afflux de 2 G$pour l’année en cours le confirme. Pour les six premiers mois de 2022, alors que le marché américain a chuté de 19 %, l’ensemble de la catégorie des FNB à options couvertes a reculé de 14 %. Les amplifiés, eux, ont reculé de 18 %, presque comme le marché, mais avec une volatilité moindre et un revenu plus élevé. En tout et partout, c’est un premier semestre assez réussi. »
Du côté de la catégorie des alternatifs liquides, les rendements sont plus convaincants encore, l’ensemble du secteur n’ayant cédé que 5% la première moitié de l’année. « La plupart des FNB ici ne sont pas centrés sur les rendements, bien que certains le soient », précise Andres Rincon.
« Les FNB à options couvertes sont le produit de choix pour les investisseurs canadiens qui cherchent un revenu élevé – un aspect de première importance pour les retraités qui vivent de distributions », affirme la CIBC.
L’investisseur qui achète des FNB à rendement rehaussé doit le faire en toute conscience « que les rapports sont symétriques: ce que l’on gagne d’un côté, on s’expose à le perdre de l’autre », rappelle James Gauthier, responsable de la recherche et de la surveillance des produits chez iA Gestion privée de patrimoine.
Avec les options d’achat couvertes, vous récoltez un supplément de revenu, mais vous plafonnez votre rendement. Et si le marché est en baisse, vous y participez pleinement, note-t-il. Par contre, « si vous participez à un marché baissier, la volatilité accrue contribue à hausser la prime de risque et, du coup, le revenu », précise-t-il.
Dan Hallett, vice-président et associé chez HighView Financial Group, porte un regard plus sévère. « La stratégie des options d’achat couvertes peut fonctionner pour un certain temps, admet-il, mais à long terme elle va sous-performer comparativement au marché général des actions. Et ce n’est pas vraiment du revenu que vous générez avec ces stratégies d’options, mais de l’encaisse; et c’est de l’encaisse pour laquelle vous donnez autre chose en contrepartie. Cette encaisse est compensée par le coût total de la stratégie. Je n’ai pas encore rencontré un de ces produits que je trouvais assez attrayant au point de l’intégrer au portefeuille d’un de mes clients. »