Les fonds négociés en Bourse (FNB) axés sur le revenu sont recherchés et l’offre est florissante. Avant de les adopter, conseillers et clients doivent faire leurs devoirs.
Ainsi, ce type de FNB a un large éventail d’actifs sous gestion: actions à dividendes, actions jumelées à des options d’achat couvertes, titres à revenu fixe (y compris ceux à haut rendement), etc.
Certains investisseurs, notamment des rentiers, perçoivent les produits à revenu élevé comme une stratégie intéressante pour maintenir un bon revenu de retraite, tout en réduisant le risque d’épuiser leur capital. Le choix parmi ce type de fonds ne manque pas.
Au 9 septembre 2022, Valeurs mobilières TD recensait 89 FNB à revenu rehaussé (enhanced yield) au Canada, pour un actif cumulatif de 15,5 G$. La grande majorité est sous forme de FNB d’options d’achat couvertes. Du 1er janvier au 9 septembre 2022, les créations nettes des fonds à revenu rehaussé étaient de 2,6 G$, soit 11,5% des créations nettes totales de FNB canadiens durant cette période.
« Nous rencontrons de nombreux investisseurs qui se soucient uniquement du rendement, et ils peuvent se retrouver à graviter vers les FNB qui ont les distributions les plus élevées dans leur univers de produits comparables. Or, une distribution élevée peut signifier une mauvaise performance récente des cours et un rendement plus faible à l’avenir », dit Daniel Straus, vice-président et chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale.
On doit savoir si le revenu provient des distributions des titres sous-jacents ou d’une autre source comme les options ou le remboursement du capital. Parfois, la déclaration fiscale de fin d’année du FNB, consultable sur le site web des fournisseurs, apporte un éclairage sur ce plan.
Daniel Straus cite en exemple le FNB de répartition d’actifs Équilibré de série T ZBAL.T lancé par BMO Gestion mondiale d’actifs en janvier dernier. Il permet aux investisseurs de se procurer un portefeuille 60/40 actions/obligations similaire à celui de ZBAL (sans suffixe), mais assorti d’une distribution annuelle prédéterminée de 6 %. Le ZBAL.T –FNB BMO Équilibré est le premier fonds de ce type offert au Canada, selon BMO.
« Au 22 juillet, ZBAL affiche un rendement de distribution de 2,72 %. Cela signifie qu’environ 3,28% du revenu de ZBAL.T proviendra du “remboursement du capital”. C’est ce qu’on appelle la “monétisation” et correspond à retirer cette part de votre compte au fil du temps », explique-t-il.
Il s’agit d’un raccourci pratique pour les investisseurs qui doivent absolument atteindre leurs objectifs de revenu, estime Daniel Straus. « Ceux-ci doivent toutefois comprendre qu’une telle pratique entraînera une baisse de la valeur nette d’inventaire au fil du temps, car la base de capital est réduite. »
Le rendement des distributions est souvent exprimé en tant que « rendement sur 12 mois », qui résulte de la division des distributions des 12 derniers mois d’un FNB par le prix actuel. Si le cours d’un FNB a récemment connu une forte baisse, il peut afficher un rendement sur 12 mois inhabituellement élevé, tout comme une action qui a baissé, illustre l’expert. « Les investisseurs doivent veiller à ne pas se laisser séduire par ces sources apparemment faciles de revenus élevés, car ils pourraient tomber dans un “piège à rendement”. »
Ainsi, l’augmentation de rendement s’accompagne généralement de risques supplémentaires, ce qui n’est pas toujours approprié pour les clients. Les investisseurs devraient connaître non seulement le rendement sur 12 mois, mais également la catégorie du FNB pour comprendre la nature de la source fondamentale du revenu du produit.
« Comme pour tout FNB, le mantra principal est “sachez ce que vous achetez”, souligne Daniel Straus. Si vous êtes attiré par un FNB pour son rendement élevé, il est important de comprendre les sources fondamentales de ce revenu. »
Lorsque l’on choisit un produit, on doit faire une diligence raisonnable, renchérit Alain Desbiens, directeur, FNB BMO chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
Parmi les paramètres à examiner, il évoque la méthodologie de la stratégie et la nécessité d’avoir une compréhension des placements sous-jacents.
« Par exemple, les FNB BMO de dividendes sont gérés selon une approche non indicielle et optimisent une stratégie de construction de portefeuille fondée sur des règles. Ils cherchent à éviter les sociétés mal en point en s’appuyant sur la qualité et la sélection fondamentale. Les sociétés sont sélectionnées selon des indicateurs précis tels que leur taux de croissance historique, leur momentum et la pérennité des dividendes », illustre Alain Desbiens.
La sélection d’un FNB d’actions axé sur le revenu se révèle donc une question complexe qui dépend de la catégorie d’actifs, estime Daniel Straus.
Le processus de diligence raisonnable devrait permettre de trouver les réponses à ces questions: le revenu provient-il uniquement des dividendes? Ceux-ci sont-ils plus élevés que d’habitude en raison de la concentration des entreprises ou des secteurs, par exemple les banques, l’immobilier ou les services publics ? Existe-t-il des « pièges à rendement » ou des distributions spéciales ponctuelles contribuant à un rendement supérieur à la normale? Comment le rendement se compare-t-il avec celui de l’indice de référence de marché large le moins cher ?
Cette dernière question est importante, selon Daniel Straus, parce que le ratio des frais de gestion agit souvent comme une pénalité sur le rendement. Ainsi, certains FNB de « dividendes » dont le ratio des frais de gestion est élevé peuvent effectivement avoir des rendements inférieurs à ceux des FNB de référence ordinaires dont les frais sont très bas.
« Les investisseurs ne devraient pas choisir un FNB de “dividendes” ou de “revenu” simplement parce que l’un ou l’autre de ces mots figure dans son nom, surtout s’il existe une solution de rechange beaucoup moins chère, mieux diversifiée et offrant un rendement plus élevé ! » souligne Daniel Straus.
Raymond Kerzérho est directeur de la recherche chez PWL Capital. Bien qu’il convienne que le public a un appétit pour les FNB d’actions qui sont orientés vers le revenu, il apporte une série de bémols à leur égard. La stratégie à dividendes élevés mène vers une diversification déficiente, « car la plupart des actions cotées en Bourse n’offrent pas de généreux dividendes ».
Un autre risque, selon lui, « serait de croire que les actions à dividendes élevés peuvent remplacer les obligations, ce qui n’est pas le cas ». De même, dans un compte non enregistré, « la stratégie à dividendes élevés est très inefficace sur le plan de la fiscalité, notamment parce que les dividendes étrangers sont imposables au même taux que les revenus d’intérêt ».
De plus, les fonds d’actions à revenu élevé ont tendance à être chers quant aux frais de gestion comparativement à des FNB de marché total.
Un autre risque lié à la stratégie à dividendes élevés découle du fait que souvent le rentier dépensera uniquement ses revenus de portefeuille. « Cela revient à dire que les dividendes vont dicter les revenus du rentier. Il existe de bien meilleures stratégies pour établir les retraits du portefeuille en fonction à la fois des besoins et aussi des moyens du rentier », précise Raymond Kerzérho.
Attrait des options
Le rendement de « distribution » d’un FNB provient souvent des dividendes, des coupons et des distributions que les actifs sous-jacents versent au fonds. Ces dividendes et distributions passent par le fonds après que les frais du FNB ont été accumulés, mais il peut aussi y avoir d’autres sources de rendement.
Une stratégie répandue au Canada pour extraire un rendement supplémentaire du panier sous-jacent d’un FNB consiste à vendre des options d’achat couvertes.
Selon cette étude, « la plupart des FNB canadiens ayant les rendements (yield) les plus élevés et dont l’actif sous gestion est supérieur à 50 M$ utilisent une forme ou une autre de vente d’options d’achat ou de vente », signale l’étude « Hunting For Exchange-traded Yield », publiée par Marchés mondiaux CIBC en août 2021. Des taux de distribution se situant pour la majorité dans la fourchette de 5% à 10 % étaient évoqués pour les 76 FNB dont le mandat est lié à des options d’achat couvertes considérés dans l’étude de CIBC. Ces fonds ont des ratios des frais de gestion qui varient de 0,71% à 1,17 %, selon ce document.
Une stratégie d’options d’achat couvertes consiste à détenir une position longue sur une action et à vendre une option d’achat sur ce même actif pour générer un revenu, explique Nirujan Kanagasingam, vice-président, chef des stratégies en FNB chez CI Gestion mondiale d’actifs, dans une communication.
Le revenu est généré à partir de la perception des primes des options d’achat et des dividendes reçus des actions sous-jacentes.
BMO est un pionnier en matière de FNB de vente d’options d’achat couvertes, mais la stratégie est maintenant répandue chez de nombreux fournisseurs, chacun appliquant souvent une stratégie d’options distincte.
« Les FNB BMO vendent des options d’achat hors du cours pour 50% des titres. Cela a pour effet de plafonner le rendement des positions vendues au prix d’exercice de l’option, jusqu’à leur échéance », mentionne Alain Desbiens.
BMO applique également un plafond par secteur. Dans le cas du FNB BMO vente d’options d’achat couvertes de sociétés canadiennes à dividendes élevés (ZWC), le plafond par secteur est de 40 %. Il est de 25% pour le FNB BMO vente d’options d’achat couvertes de sociétés mondiales à dividendes élevés (ZWG), illustre-t-il.
La stratégie d’options d’achat couvertes est généralement considérée comme une stratégie prudente, estime Nirujan Kanagasingam, puisqu’elle diminue le risque lié à la détention d’actions. « Cependant, le potentiel de croissance des hausses du cours des actions est plafonné à des montants au-dessus du prix d’exercice », dit-il.
L’acheteur des options d’achat paie une prime pour le droit d’acheter l’action de référence à un « prix d’exercice » défini à un moment donné dans le futur. Étant donné que le fonds « vend » ces contrats d’option, si le cours de ces actions est augmenté, cela signifie que certaines des positions en actions seront « rachetées » à des prix inférieurs à leur futur prix de marché et que le FNB ne connaîtra qu’une hausse partielle de ces positions en échange du revenu de la prime d’option, illustre Daniel Straus.
« Le résultat final est que les FNB d’options d’achat couvertes, en tant que groupe, ont tendance à avoir des rendements beaucoup plus élevés que leurs équivalents d’options d’achat non couvertes, mais ils connaissent moins de croissance dans les environnements à forte tendance à la hausse », analyse Daniel Straus.
En effet, les options d’achat couvertes sont généralement plus performantes lorsque les marchés sont stables ou en baisse, car cela limite l’exercice des options d’achat.
Pour cette raison, « nous ne les recommandons pas aux investisseurs à long terme qui recherchent un niveau élevé de croissance du capital pour leurs investissements, mais pour les investisseurs exigeants en matière de rendement, ils peuvent être des outils utiles pour augmenter le rendement », affirme Daniel Straus.