Les fonds négociés en Bourse (FNB) se sont imposés à Stéphane Martineau, conseiller en placement chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD), dès qu’il est devenu gestionnaire de portefeuille, en 2008. Depuis, les produits et leur gestion ont évolué, mais il continue de travailler avec des FNB.
Comptable agréé de formation, Stéphane Martineau n’a travaillé à ce titre que quelques années – moins de trois ans chez KPMG – avant de se joindre à VMD en 1994 à titre de conseiller en placement.
«La comptabilité a été une très bonne école, mais je n’avais pas la flamme. Finalement, j’aime plus regarder vers le futur que vers le passé [en faisant de la vérification]», commente-t-il.
L’obtention en 2008 du titre de gestionnaire de placements agréé (CIM) lui a permis d’offrir des services de gestion discrétionnaire à la clientèle de son équipe, Leblanc Martineau St-Hilaire, composée de neuf personnes, dont trois conseillers associés. L’équipe a remporté le titre de «Conseillers de l’année 2014», une distinction décernée par VMD pour récompenser le professionnalisme et la qualité du service de gestion du portefeuille.
Dès ses débuts en gestion de portefeuille, Stéphane Martineau a appris à travailler avec les FNB. Si, à l’époque, ces produits étaient bien moins populaires qu’aujourd’hui, leurs caractéristiques ont tout de suite séduit l’équipe. «On ne voulait pas de risque spécifique en allant vers un titre, mais on voulait de la diversification à prix raisonnable», se souvient-il.
Deux familles de portefeuilles
Évidemment, en 12 ans, la façon dont l’équipe utilise les FNB a beaucoup évolué. «Au début, on était beaucoup plus plain vanilla. On achetait davantage des FNB classiques qui fonctionnent en pondérant leurs portefeuilles en fonction des capitalisations boursières, mais il y avait moins d’offres de FNB», se rappelle-t-il.
Avec le temps, l’équipe Leblanc Martineau St-Hilaire a trouvé une autre stratégie qui lui convenait mieux. Étant donné l’offre grandissante de produits et l’explosion du nombre de manufacturiers (au 31 juillet 2020, on comptait 36 manufacturiers et 811 FNB inscrits à une bourse canadienne selon l’Association canadienne des fonds négociés en Bourse), l’équipe a pu raffiner son approche.
«À un certain moment, quand tu pensais à un produit, il y avait un manufacturier de FNB qui l’avait créé.»
L’équipe gère aujourd’hui un actif d’environ 920 M$ et sert 1 000 familles de clients.
Elle fonctionne essentiellement avec deux familles de portefeuilles. Une famille composée entièrement de FNB et une autre famille beaucoup plus petite avec des titres individuels classiques, enrobés de FNB canadiens.
«Le nerf de la guerre, c’est plutôt notre famille 100 % FNB. Il y a environ 25 % de placements canadiens dedans, alors que l’autre est à 90 % canadienne.»
La deuxième famille de portefeuilles est avant tout utilisée dans les comptes non enregistrés. Elle se compose d’actions versant des dividendes canadiens, notamment parce que ceux-ci sont fiscalement avantageux. Toutefois, ce portefeuille est bien moins diversifié que l’autre sur le plan géographique.
Pour construire leurs portefeuilles, Stéphane Martineau et son équipe ont adopté une approche descendante. Ils examinent d’abord les grandes tendances macroéconomiques et sectorielles, tout en priorisant la gestion du risque, et rééquilibrent leur portefeuille selon leur analyse.
«En fait, nous créons une matrice qui couvre notre répartition géographique, notre répartition sectorielle et notre répartition de devises. Nous avons notre tableau de bord chaque mois et dépendamment de notre lecture économique des titres ou des secteurs, nous allons déplacer les FNB pour atteindre notre objectif. Présentement, nous avons environ 11 FNB d’actions et sept FNB d’obligations et titres à revenu fixe», explique Stéphane Martineau.
Dans sa lettre financière d’avril dernier, son équipe et lui utilisaient entre autres les fonds à gestion active Purpose International Dividend Fund (PID) et Dynamic Active Global Dividend ETF (DXG). Ils investissaient également dans le FINB Diversification maximale Canada Mackenzie (MKC) et le Fidelity Canadian High Dividend Index ETF (FCCD). Sur le plan des fonds de titres à revenu fixe, le CI First Asset Enhanced Government Bond ETF (FGO) et le Fonds de revenu mensuel (Canada) (PMIF) ont les pondérations les plus élevées de ses portefeuilles.
L’équipe essaie également d’équilibrer les produits dans les portefeuilles selon leurs frais. Ainsi, les FNB factoriels ont des frais plus élevés que les fonds plus classiques, mais moins élevés que les FNB à gestion active. Souvent, ils achètent un fonds classique qu’ils entourent d’autres produits. «C’est bon d’avoir le moins cher, le plus classique et de l’habiller avec autre chose», précise Stéphane Martineau.
«Aujourd’hui, on est vraiment capable de construire un portefeuille composé à 100 % de FNB qui est efficace. Pas besoin de prendre de risques liés à des actions individuelles», ajoute-t-il.
Communiquer efficacement
La communication est un autre point essentiel pour l’équipe Leblanc Martineau St-Hilaire. Certains FNB sont plus opaques que des titres individuels : Stéphane Martineau et son équipe se font donc un point d’honneur d’expliquer à leurs clients les produits qu’ils utilisent, leur performance, ainsi que leur analyse économique.
Chaque mois, ils envoient une lettre financière à leurs clients. «On a commencé il y a 11 ans et on n’a jamais manqué un mois. On a donc envoyé environ 132 mensuels !» calcule Stéphane Martineau.
Dans cette lettre, ils commencent par expliquer l’actualité financière et économique, puis présentent leur répartition tactique et leur stratégie de placement par rapport à leur analyse. Ils montrent aussi les rendements des portefeuilles types, avant le prélèvement des frais de gestion applicables, et les comparent avec leur indice de référence. Par exemple, au 30 avril 2020, le rendement de leur portefeuille équilibré depuis sa création, en février 2009, s’élevait à 7,55 % par rapport à 7,83 % pour sa référence, laquelle était composée des indices FTSE TMX Canada Bond Universe (50 %), S&P/TSX (15 %) et MSCI ACWI (35 %).
Ce document détaille également les produits utilisés et leur répartition. Pour chaque fonds, on indique les principaux titres et secteurs de chacun, afin que les investisseurs comprennent bien dans quels produits ils placent leur argent.
«C’est difficile pour un client de savoir ce qu’il possède lorsqu’il regarde un FNB. C’est dur à lire pour le profane», précise-t-il.
Les défis de la pandémie
Côté communication, la pandémie a resserré encore plus la relation du gestionnaire et de l’équipe avec la clientèle. Plusieurs clients ont été stressés par la situation et se sont tournés vers leur gestionnaire pour avoir plus d’information. Pour répondre à ces inquiétudes, l’équipe Leblanc Martineau St-Hilaire a préparé un document comprenant les 50 questions les plus communes des clients et a répondu à chacune.
La pandémie a également été l’occasion de préciser certains points importants avec les clients. Le premier est que la Bourse n’est pas l’économie. «Je dis souvent au client que quand on additionne les secteurs de la techno, des télécommunications, de la consommation de base et des soins de santé, on atteint quasiment 55 % de la capitalisation boursière. Par contre, ces secteurs ne représentent pas 50 % de l’économie.»
Le deuxième point a été de leur rappeler le principe de punition boursière, ou pain trade : c’est-à-dire sortir son argent du marché alors que celui-ci remonte. «Je dis à mes clients : » Tu as vécu 100 % de la baisse. Tu ne peux pas te permettre de manquer 1 % du rebond « .»
Côté gestion, l’équipe s’en est plutôt bien sortie, car en août 2019, elle avait augmenté les liquidités en portefeuille d’environ 10 à 14 %. Quand la pandémie a frappé, l’équipe a pu redéployer ces liquidités. «La COVID-19 a fait bouger nos liquidités. On essaie de remporter de petites victoires, mais c’est difficile de prévoir l’avenir : donc on joue avec les liquidités, mais de façon précautionneuse», résume le gestionnaire de portefeuille.
Stéphane Martineau aime voir les choses de façon positive. Il estime ainsi que si la pandémie connaissait une deuxième vague, il n’y aurait pas de nouveau confinement.
«J’ai l’impression que les gouvernements vont se concentrer sur la capacité du système de santé, plutôt que de tout fermer.»
Stéphane Martineau ne s’inquiète pas non plus des mesures radicales prises par les gouvernements et par la Réserve fédérale américaine (Fed), comme l’achat d’obligations de sociétés et de titres à revenu fixe. Selon lui, «une fois l’économie relancée, les autorités ne vont pas tout de suite enlever les bénéfices de leur action. Elles vont laisser du temps pour que la situation se rétablisse avant de mettre les freins» afin de contrôler l’inflation.
En plus de l’action de la Fed, qu’il jugeait appropriée et qui a permis de relancer le marché, Stéphane Martineau souligne l’effet TINA (there is no alternative) sur les actions. «Combien de fois dans l’histoire pourra-t-on dire que les entreprises versent un dividende [dont le rendement est supérieur à celui d’une] obligation américaine de 10 ans ? Ça incite les gens à investir dans le marché boursier», dit-il.
En évolution
Stéphane Martineau croit que sa gestion des FNB n’a pas fini d’évoluer, car les FNB ne cessent eux-mêmes d’évoluer. Il est très heureux de l’explosion du nombre de produits et de manufacturiers au cours des dernières années. Cette explosion a fait baisser les frais et a permis à son équipe d’avoir une gestion de portefeuilles qui épouse mieux ses convictions.
Au cours des prochaines années, il espère qu’il y aura davantage de produits à gestion active, notamment dans les FNB de titres à revenu fixe.
Dernièrement, son équipe a acquis le FNB actif de dividendes mondiaux Dynamique (DXG), et il en est très satisfait. Bien que certains pensent qu’il est impossible de battre les indices, il estime que ce produit géré par David L. Fingold y parvient.
Stéphane Martineau espère également qu’il y aura plus de discipline avec les «FNB exotiques», soit les FNB construits avec des produits dérivés, qui font «mauvaise presse» aux autres produits, selon lui.
«Tu veux acheter des produits avec détention directe. Par exemple, dans le S&P/TSX, il y a 229 sociétés, et si tu le décomposes, tu te retrouves avec 229 sociétés. Avant d’acheter, on regarde ce qu’on achète, on essaie de rester sur l’autoroute. Des FNB assortis de montages fiscaux un peu spéciaux, on essaie de les éviter», appuie-t-il.
Stéphane Martineau fait cette mise en garde aux conseillers qui voudraient se lancer précipitamment dans ces produits : ces fonds ne sont pas un prétexte pour cesser d’analyser les marchés. «Il faut prendre le FNB comme un outil, pas comme une destinée en soi», dit-il.