Aux États-Unis, il est maintenant possible d’acheter une fraction d’actions ou de parts de fonds négociés en Bourse (FNB), alors que traditionnellement, il fallait acheter un nombre entier d’actions ou d’unités de fonds. Cette tendance n’a pas encore fait son apparition au Canada.
Ainsi, un investisseur peut maintenant acheter la moitié d’une part d’un FNB valant 20 $ pour 10 $ auprès de certains courtiers américains. Il peut ainsi investir pleinement le montant d’argent qu’il souhaite dans le fonds ou l’entreprise sélectionné, plutôt que de devoir se procurer un nombre entier de parts qui équivaut à peu près, mais pas entièrement, au budget d’épargne disponible.
Cette possibilité est offerte depuis 2019 sous différentes formules, par des sociétés de services financiers en ligne comme Stockpile, M1 Finance, Betterment, Stash Financial et Robinhood Markets.
Depuis janvier dernier, le géant Fidelity Investments propose aux États-Unis un service qui permet aux investisseurs de négocier gratuitement, en temps réel, des fractions d’actions et de FNB par l’intermédiaire de sa plateforme de courtage en ligne.
Sur son site Internet, Fidelity illustre le fonctionnement. Un investisseur ayant choisi une action ou un FNB qui se négocie à 130 $ peut, s’il désire investir 20 000 $, «acheter 153,8 actions (en ne supposant aucuns frais de négociation ou de transaction)», alors qu’auparavant, il devait «acheter 153 actions entières (130 $ x 153 = 19 890 $) avec ce montant». Résultat : l’investisseur se retrouvait alors avec des liquidités non investies de 110 $ (20 000 $ – 19 890 $).
«[Vous n’avez] pas besoin de faire le calcul nécessaire pour déterminer le nombre d’actions que vous pouvez acheter avec l’argent dont vous disposez après avoir pris en compte le prix de l’action et les frais de négociation», écrit Fidelity.
Aux États-Unis, la demande de fractions de FNB a été élevée, car le prix unitaire des parts de FNB est plus élevé qu’au Canada, explique Daniel Straus, vice-président et chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale. «Par exemple, la plupart des FNB reproduisant le S&P 500 coûtent 200 $ US ou plus par part. Ceci s’explique parce que les écarts cours acheteur-cours vendeur et les commissions de négociation finissent par coûter moins cher si le cours de la part est plus élevé, et ces FNB sont des outils privilégiés par les investisseurs institutionnels qui négocient avec des millions de dollars à la fois et se soucient de minimiser les coûts de transaction.»
Au Canada, la plupart des FNB sont lancés à des prix de 10 $ ou 20 $, précisément pour que les investisseurs autonomes et les conseillers en placement puissent s’en procurer avec plus de précision, même pour les comptes de faible valeur, poursuit-il.
Meilleur accès au marché
Les fractions d’actions et de FNB permettent d’investir, avec très peu de capital, dans des entreprises ou des fonds autrement inaccessibles en raison de la valeur élevée de ces actions ou parts. Ceci facilite ainsi la diversification de portefeuille.
C’est pourquoi les fractions d’actions ou de parts conviennent aux investisseurs débutants ou peu fortunés, estime Daniel Straus.
Pour un investisseur fortuné souhaitant «investir pleinement» dans une variété d’actions ou d’obligations à prix fixe par part, l’excédent de liquidités représentera un très faible pourcentage de son portefeuille global. Sa préoccupation consistera plutôt à minimiser les coûts de transaction, résume-t-il.
Or, une personne souhaitant investir 10 000 $ dans un portefeuille qui a une répartition précise en actions canadiennes, en actions américaines, en actions internationales, en marchés émergents, en bons du Trésor et en obligations de sociétés, pourrait avoir du mal à cibler les pourcentages précis de son plan de répartition d’actifs, surtout si les FNB coûtent quelques centaines de dollars chacun. En outre, l’excédent de liquidités non investies pourrait représenter une plus grande partie de son solde total, illustre Daniel Straus.
«Même les investisseurs de moyenne taille ou de plus grande taille peuvent trouver pratiques les fractions d’actions et de FNB s’ils déposent ou retirent régulièrement de petits montants de leur portefeuille, par exemple dans un programme d’achat d’actions qui investit une petite fraction de leur masse salariale sur le marché», ajoute Daniel Straus.
Il faut toutefois tenir compte des frais du programme, prévient-il : «L’investissement en fractions d’actions n’est pas utile si les coûts qui y sont associés dépassent l’avantage d’avoir quelques centaines de dollars supplémentaires investis.»
Les programmes d’achat d’actions fractionnées fonctionnent pour la plupart en introduisant une fiducie intermédiaire entre l’investisseur et la maison de courtage où les actions unitaires sont détenues, explique Daniel Straus. Les liquidités «restantes» provenant de plusieurs investisseurs sont regroupées dans une fiducie, puis la fiducie d’actions fractionnaires intermédiaire attribue la propriété fractionnaire aux participants de la fiducie.
«Le problème est que cette tâche logistique n’est pas exempte de coûts. Il peut y avoir quelques points de base de frais supplémentaires imposés à l’investisseur qui pourraient submerger le petit coût lié à la perte de trésorerie au fil du temps, en particulier pour les petits montants», signale Daniel Straus.
Raymond Kerzérho, directeur de la recherche chez PWL Capital, juge aussi que les fractions de parts peuvent être avantageuses pour les petits investisseurs.
Dans le cas des «investisseurs qui possèdent des portefeuilles davantage substantiels, disons 25 000 $ et plus, les montants restants à cause de l’obligation d’acheter des parts entières ne seront pas très importants en pourcentage», explique-t-il.
Si un investisseur déteste vraiment avoir du comptant dans son portefeuille, «il devrait détenir une position dans un fonds commun indiciel à frais modiques pour éponger les liquidités non investies», ajoute Raymond Kerzérho.
Peu d’impact sur l’industrie
L’accès à des entreprises dont la valeur est souvent très élevée est probablement la raison principale qui explique l’intérêt d’une certaine catégorie d’investisseurs américains pour les fractions d’actions et de FNB , estime Alain Desbiens, directeur général, distribution des FNB, Québec et Atlantique, chez BMO Gestion mondiale d’actifs.Une personne qui désire acheter des titres d’entreprises telles que Apple, Netflix, Alphabet, Amazon et Berkshire Hathaway doit investir plusieurs milliers de dollars, illustre-t-il.
Alain Desbiens croit toutefois que ce type de proposition, bien qu’elle soit intéressante sous plusieurs aspects, ne s’adresse pas à tous. Il assimile davantage cette «innovation» à une application élaborée par des plateformes transactionnelles destinée à faciliter l’expérience de négociation.
«Ce n’est pas Fidelity, comme producteur de produits de fonds communs ou de FNB qui a lancé ça, c’est sa division de courtage à escompte», souligne Alain Desbiens.
Pour cette raison, il croit qu’une telle offre, si elle était introduite au Canada, le serait d’abord par l’entremise de courtiers à escompte, et qu’elle aurait peu d’impact sur les FNB.
«L’investissement pour nous, c’est de la discipline, de la recherche, de l’innovation. On parle de long terme plutôt que de spéculation sur séance», affirme Alain Desbiens.
Les portefeuilles de FNB de FNB sont l’une des belles approches qui ont été développées pour les petits comptes à la recherche de diversification, évoque Alain Desbiens. Il cite également le lancement par BMO en 2017 des Accumulation Units, une structure de FNB qui fait que les distributions annuelles sont réinvesties et consolidées dans les parts d’un FNB, de manière à en augmenter la valeur liquidative.
On ne doit pas les confondre avec les régimes traditionnels de réinvestissement de dividendes, qui permettent de recevoir les distributions sous forme de nouvelles parts. En comparaison, les Accumulation Units sont conçues pour que le nombre de parts détenues reste constant. Le réinvestissement se traduit plutôt par un prix unitaire plus élevé.
Les Accumulation Units peuvent servir à un conseiller qui souhaite, par exemple, éviter la tâche routinière de réinvestir les distributions reçues par un FNB d’obligations.
«Notre industrie cherche constamment à innover pour que toutes les personnes, y compris celles qui veulent investir avec peu d’actif, puissent le faire et être bien diversifiées», affirme Alain Desbiens.
Il n’a pas été possible d’interroger un porte-parole de Fidelity pour la rédaction de cet article.