Le mode de rémunération à honoraires progresse, lentement mais régulièrement, auprès des représentants en épargne collective.
Selon les données du Top 10 des cabinets multidisciplinaires de Finance et Investissement, environ 10,8 % du revenu brut des représentants découle de ce type de rémunération, laquelle est directement payée par le client en fonction de l’actif sous administration. C’est plus de deux fois la proportion affichée en 2018 (4,7 %) et près de quatre fois celle de 2016 (3,1 %).
La part des commissions de suivi reste stable. Elle représente 54,2 % du revenu brut des représentants. En 2016, le chiffre était identique.
Comment les conseillers évaluent-ils leur cabinet ? : Consultez le tableau du Top 10 des cabinets multidisciplinaires
Les commissions à la vente, comme les frais d’acquisition reportés (FAR), glissent sur la pente savonneuse de l’inéluctable déclin. Selon notre sondage, cette forme de rémunération, récurrente pendant un certain nombre d’années, constitue 22,5 % des revenus bruts des représentants. En 2016, la proportion atteignait 44 %.
Finalement, les commissions directes à la transaction constituent 11,4 % des revenus bruts des représentants.
Notons que pratiquement aucun des conseillers ayant participé au sondage ne pratique à taux horaire ou à rémunération forfaitaire.
Chose certaine, le chemin vers la rémunération à honoraires est parsemé d’obstacles. Certains conseillers ont exprimé, crûment, leurs inquiétudes : «Si je suis à honoraires, les clients moins fortunés ne seront pas intéressés», signale l’un d’eux. Un autre sondé ajoute qu’avec la rémunération à honoraires, «on n’est plus capables de gagner notre vie».
La rémunération à honoraires continuera-t-elle à progresser ? Se heurtera-t-elle à l’obstacle des clients moins fortunés ? Les patrons de trois cabinets multidisciplinaires nous donnent leurs points de vue.
Déclin des FAR
Vice-président des ventes, investissements et retraite, du Groupe Cloutier, Robert Lachance affirme que la rémunération à honoraires constitue une «vague de fond».
«Les choses ont vraiment changé depuis environ six ou sept ans. On a beaucoup travaillé, en amont avec nos conseillers, afin de favoriser la pratique à honoraires. On prépare cette transition de longue date !» souligne-t-il.
Les commissions de vente à FAR en ont fait les frais. «Chez nous, l’option des frais d’acquisition reportés représente moins de 25 % des revenus des représentants», précise le vice-président. Il ajoute que, dans ce lot, la part du lion se rattache aux commissions reportées de deux ou trois ans.
Même son de cloche chez Guy Duhaime, président du Groupe Financier Multi Courtage.
«L’option des frais d’acquisition reportés étalés sur six ou sept ans est en voie de disparition, sauf chez les jeunes conseillers ayant de jeunes clients. On voit plutôt des frais d’acquisition reportés sur deux ou trois ans», précise Guy Duhaime.
Tendance marquée
Aux yeux de Marc Doré, président et chef de l’exploitation du Groupe financier PEAK, la rémunération à honoraires constitue «une tendance marquée».
«Le passage à la rémunération à honoraires se fait au choix des conseillers. Ils sont indépendants ! Certains préfèrent d’autres formes de rémunération», dit-il.
Le dirigeant de PEAK observe que la tendance à la rémunération à honoraires est «particulièrement forte» en valeurs mobilières et en gestion privée. Serait-il spécialement difficile de convertir les comptes d’épargne collective de petite taille aux vertus de la rémunération à honoraires ?
Marc Doré relève que «plusieurs conseillers signalent aux autorités de réglementation que les comptes de moins de 100 000 $ sont difficiles à rentabiliser. C’est là où le bât blesse», dit-il.
Au Groupe Cloutier, les très petits comptes ne sont pas nécessairement dans la ligne de mire des conseillers. «Est-il possible d’être tout pour tous ? Quelle peut être la valeur ajoutée d’un conseiller ayant des clients qui déposent 50 $ par mois dans un CELI ?» se demande Robert Lachance.
Le vice-président du Groupe Cloutier enchaîne en soulignant qu’il est tout de même possible d’accompagner des petits clients.
«Certains conseillers ont développé une offre adaptée, par exemple en favorisant les rencontres par téléphone et en proposant des solutions gérées ou des portefeuilles clés en main», dit Robert Lachance.
À ces conditions, poursuit-il, ces conseillers servent bien des clientèles moins nanties. Grâce à un effet de volume, ils peuvent générer des revenus suffisamment intéressants, sous forme d’honoraires ou de commissions de vente.
Gare à la baisse des marchés !
Guy Duhaime cible une autre contrainte à l’adoption des comptes à honoraires : la difficulté qu’ont certains clients à comprendre de quoi il retourne.
«Chaque mois, les clients reçoivent une communication indiquant ce qu’ils ont payé en honoraires. Certains n’aiment tout simplement pas recevoir des documents. D’autres pensent que les institutions financières ne leur factureraient rien pour des services similaires», explique le président du Groupe Financier Multi Courtage.
Cependant, ajoute-t-il, les honoraires sont un concept de rémunération favorisé par les clients plus fortunés. «Cela leur est familier. Ils peuvent notamment appliquer la facture à leurs déclarations de revenus, pourvu qu’elle s’applique à leurs investissements hors CELI et hors REER. Cette forme de rémunération nous aide à mieux concurrencer les firmes de gestion privée», constate Guy Duhaime.
Il met toutefois un bémol : «Les marchés sont actuellement favorables aux investisseurs. Mais quand ça baissera, ce ne sera pas la même histoire. La rémunération à honoraires deviendra alors beaucoup plus difficile à défendre !» prévient Guy Duhaime.