Avec ses 10 G$ d’actif sous administration, le Groupe financier PEAK est la plus importante firme indépendante de services financiers du Québec. Aux yeux de ses conseillers, l’indépendance constitue l’une des grandes forces de la firme. Toutefois, bon nombre expriment leur insatisfaction à l’égard du déploiement des technologies, des services de conformité et des efforts de marketing. Serait-ce la rançon de l’indépendance ?
Selon le sondage de Finance et Investissement, les conseillers affiliés à la firme fondée en 1990 par Robert Frances en sont globalement très satisfaits. Ils sont presque unanimes à vouloir la recommander à leurs collègues d’autres réseaux. Par exemple, un conseiller dit être prêt à recommander PEAK «pour l’éthique et l’indépendance complète par rapport à nos choix (pas de produits maison). Nous décidons nous-mêmes», dit-il. Un autre indique les facteurs suivants : «On est vraiment indépendants, pas d’obligations de vente».
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En revanche, beaucoup de conseillers estiment que PEAK pourrait faire mieux dans trois grands domaines : la fourniture d’outils technologiques (dont les CRM ou logiciels de gestion de la relation client), le soutien en matière de conformité et le marketing de masse.
Notre sondage constate ainsi qu’un bon nombre de conseillers déplorent que la marque PEAK soit peu connue auprès du grand public, ou qu’ils doivent eux-mêmes en faire la promotion. Par exemple, un conseiller regrette que «PEAK ne fait pas de publicité. On s’est fait connaître à travers le temps», indique-t-il.
Un autre conseiller souhaite que la firme «se remette à jour du côté technologique».
Faisant référence à la conformité, un conseiller aimerait que PEAK améliore «la communication avant, durant, et après l’implantation de nouvelles règles».
Se pourrait-il que ces critiques découlent de certains impacts de la forte croissance enregistrée par PEAK depuis une dizaine d’années ?
Rappelons qu’en 2007, la firme faisait l’acquisition du courtier en épargne collective d’AXA Canada. Deux ans plus tard, elle absorbait le courtier en épargne collective du Groupe Promutuel.
En 2013, la bouchée prenait une très grande dimension avec l’achat de Customplan Financial Advisors. L’intégration des 300 conseillers de cet agent général de Vancouver a constitué, jusqu’à ce jour, la plus grande avancée de PEAK à l’extérieur du Québec.
Lorsqu’un cabinet se lance sur le chemin des acquisitions, lui est-il possible de répondre de façon égale à tous les défis en même temps ? Doit-il faire des choix et mettre moins d’accent sur certains aspects sensibles aux yeux des conseillers, comme le déploiement d’un logiciel de gestion de la relation client ?
De fortes attentes
Président et chef de l’exploitation du Groupe financier PEAK, Marc Doré a bien voulu réagir au sondage et répondre à nos questions. «Je comprends les commentaires des conseillers. Notre domaine est en ébullition et les attentes sont grandes !» constate-t-il.
D’entrée de jeu, Marc Doré signale que l’expansion pancanadienne de PEAK est loin d’être terminée. «Environ 67 % de notre chiffre d’affaires est concentré au Québec. Le Québec nous a créés et on veut continuer à développer le marché québécois. Toutefois, on veut également croître à l’extérieur du Québec. La proportion de 33 % du chiffre d’affaires hors Québec va augmenter, notamment en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique», dit-il.
Le président et chef de l’exploitation se montre optimiste. «Il y a de la place pour nous, au Québec et ailleurs. On recrute des conseillers facilement, car l’indépendance est valorisée. D’ailleurs, notre carte la plus forte, c’est l’indépendance. Les exigences de production minimale des banques créent également de nombreuses occasions de recrutement», précise-t-il.
Aujourd’hui, PEAK compte 1 500 représentants et 115 employés. Ils servent environ 150 000 clients.
Plusieurs fers au feu
Marc Doré affirme que PEAK peut viser deux objectifs en même temps : réussir son expansion et satisfaire des attentes de ses conseillers actuels.
Il rappelle que PEAK a joué un rôle de pionnier en lançant, en décembre 2016, une plateforme permettant aux représentants en épargne collective d’offrir des fonds négociés en Bourse (FNB). Cette plateforme avait été développée à l’interne.
«Nous avons été les premiers à permettre aux représentants de négocier des FNB. On travaille actuellement à combiner cette plateforme à celle des fonds communs de placement», dit-il.
PEAK a également d’autres fers au feu. «Nous sommes en train de développer des outils pour faciliter la gestion discrétionnaire. Nous sommes aussi très proactifs en cybersécurité. Ce n’est pas apparent aux yeux des clients et des conseillers, mais ça compte !» ajoute Marc Doré.
D’autres chantiers technologiques ont cours. «Nous sommes en train d’implanter de nouvelles interfaces client-conseiller. Nous sommes aussi en train de développer un logiciel de gestion de la relation client en architecture ouverte», complète le haut dirigeant de PEAK.
«On a le capital voulu, on a les ressources. PEAK n’a pas fini de surprendre sur le terrain des technologies», dit Marc Doré.
Que dire des critiques de conseillers à l’égard de la gestion de la conformité ?
«PEAK a énormément investi dans cet aspect de ses opérations. Nous avons créé plusieurs postes spécialisés. Nous avons également effectué une tournée pancanadienne afin de rencontrer les conseillers et de les informer des tendances de l’heure en conformité. Il est possible que certains conseillers n’y soient pas allés», dit-il.
Et comment expliquer les critiques de conseillers sur la mise en marché de la marque PEAK ?
«L’ADN de PEAK réside dans l’indépendance. Partant de là, c’est aux conseillers de mettre en valeur leur propre marque. Cependant, nous sommes en réflexion. Quels seraient les impacts d’éventuelles campagnes publicitaires de PEAK par rapport à la question de l’indépendance des conseillers ? On y réfléchit», conclut Marc Doré.
L’enjeu des « plus petites firmes »
« Les enjeux de la croissance sont toujours plus aigus pour les plus petites firmes que pour les plus grosses », affirme Richard Legault, président de sa firme de consultation Phoenix Stratégies Conseils.
Cet ancien président d’iA Valeurs mobilières définit les « plus petites firmes » comme étant celles qui ne sont pas adossées à des institutions financières ou s’appuyant sur des actionnaires ayant des ressources financières très élevées.
« Les défis des plus petites firmes sont plus complexes, car elles doivent constamment faire des choix plus définis que les grandes firmes. Et si elles investissent dans tous les secteurs de leurs opérations, elles doivent limiter les erreurs, car leurs marges de manœuvre financières sont plus limitées », explique-t-il.
Inversement, poursuit Richard Legault, les grandes firmes « peuvent se permettre de saupoudrer leurs efforts et leurs investissements. Leur marge d’erreur est plus élevée ».
En revanche, les plus petites firmes ont les avantages de leur taille. « Le processus décisionnel est plus simple, les parties prenantes sont moins nombreuses. La mise en place des changements s’effectue plus facilement et plus rapidement », dit-il.
Ultimement, « les firmes de plus petite taille ont l’avantage de la rapidité et d’une plus grande capacité d’adaptation, pourvu que les décisions n’exigent pas d’investissements ultra importants », conclut Richard Legault.