En une décennie, ils ont bâti une société de gestion qui s’illustre par ses rendements et par la forte croissance de son actif sous gestion (ASG), et qui favorise même l’émergence d’autres gestionnaires. Lumière sur leur parcours.
Février 2008. Stéphane Corriveau travaille depuis 1999 à titre de vice-président chez Addenda Capital, une société de gestion spécialisée en titres à revenu fixe. Le diplômé en actuariat de l’Université Laval apprend qu’Addenda est acquise par le Groupe Co-operators.
Stéphane Corriveau, qui a un rendez-vous chez le dentiste ce jour-là, emprunte l’ordinateur de la réceptionniste : «J’ai tapé ma lettre de démission, puis après mon examen dentaire, je suis retourné au bureau pour la remettre au président».
«Je n’étais pas à l’aise avec la transaction et comme j’étais alors en contact avec la clientèle, je ne me voyais pas leur dire que c’était bon si je n’y croyais pas», dit-il.
Même s’il a adoré son parcours chez Addenda, surtout l’influence qu’a eue sur lui Carmand Normand, le fondateur de l’entreprise, Stéphane Corriveau la quitte.
En recherche d’emploi, il veut éviter que la firme où il travaille ne soit vendue et que tout change. «Ce film-là, je ne voulais pas le revoir.» Il ne trouve rien qui réponde à ses critères et fonde AlphaFixe avec Sébastien Rhéaume et Jacques-A. Caussignac, qui ont également quitté Addenda.
«Nous sommes partis de zéro à l’été 2008, alors que nous étions en plein milieu de la crise financière. Nous n’avions pas de clients, pas de capitaux, pas de track record, et l’économie n’était pas très bonne. Les gens nous demandaient : » Êtes-vous sains d’esprit ? »» raconte, amusé, Stéphane Corriveau.
La naissance d’AlphaFixe n’était pas planifiée : «Nous n’avions pas deux ou trois clients prêts à nous suivre. Nous n’avions même pas de plan d’affaires», lance-t-il.
Les choses sont différentes aujourd’hui. La société de gestion de placements montréalaise spécialisée en revenu fixe a vu son ASG passer de 4,5 G$ en septembre 2017 à près de 6,0 G$ en septembre 2018. Son ASG était de 1,5 G$ en septembre 2012. AlphaFixe a 60 mandats, dont ses deux premiers mandats en Colombie-Britannique, remportés en juin 2018. Elle en comptait 27 en 2011.
AlphaFixe emploie aujourd’hui 19 professionnels, par rapport à 12 professionnels il y a deux ans. Pourtant, au départ, toutes les tâches reposaient sur les trois fondateurs. Stéphane Corriveau s’occupait du développement et du service à la clientèle, Sébastien Rhéaume, de la gestion, et Jacques-A. Caussignac, des systèmes et de la conformité. Ce dernier a quitté la firme pour des raisons de santé et familiales, en 2015.
Les associés établissent dès le début trois principaux objectifs : avoir de meilleurs rendements que les concurrents, avoir de meilleurs rendements que les indices de référence et trouver des solutions innovantes pour les clients.
Au regard du chemin parcouru, Stéphane Corriveau juge que le plan de match a été respecté.
Au 30 septembre 2018, le composite d’obligations Univers a produit une valeur ajoutée annualisée de 111 points de base (pb) par rapport à l’indice des obligations universelles FTSE Canada depuis le 1er janvier 2009, «soit l’une des meilleures performances au Canada, signale Stéphane Corriveau. À cette même date, notre nouveau produit RendementPlus a généré une valeur ajoutée annualisée de 210 pb depuis deux ans par rapport à l’indice des obligations universelles FTSE Canada. Quant à notre produit de prêts bancaires à taux variables, il a fourni un rendement de 3,05 % du 1er janvier au 30 septembre 2018 comparativement à – 0,35 % pour les obligations canadiennes».
Sur le plan de l’innovation, «nous connaissons aujourd’hui du succès avec des produits, par exemple les prêts bancaires et les fonds d’obligations vertes, qui n’existaient même pas il y a dix ans», dit-il.
AlphaFixe dit avoir lancé le premier fonds canadien d’obligations vertes en novembre 2017. Il cumule actuellement près de 120 M$ en ASG. Depuis juin 2018, la firme calcule aussi l’empreinte carbone pour le portefeuille de ses clients et la compare avec celle de leur indice de référence. «C’est une première au Canada pour la gestion obligataire», dit Stéphane Corriveau.
La firme, qui emploie deux personnes à temps plein spécifiquement pour ses investissements responsables, est signataire des «Principes pour l’investissement responsable» des Nations Unies depuis 2009. Dans le contexte de la crise de 2008, «il était intéressant d’avoir d’autres options que les états financiers pour détecter une faiblesse dans une entreprise.»
Quelques éléments ont fait en sorte que le jury du Top 25 désigne Stéphane Corriveau comme gagnant de la catégorie Sociétés de gestion indépendante dont la croissance d’AlphaFixe, ses rendements et son engagement à faire émerger d’autres gestionnaires.
«AlphaFixe a une bonne réputation, et Stéphane Corriveau en fait profiter d’autres car il a aidé des gestionnaires émergents à obtenir des mandats d’investisseurs institutionnels par l’intermédiaire du Programme des gestionnaires en émergence du Québec (PGEQ). Il aide ainsi la relève entrepreneuriale, en plus d’être impliqué dans la société», témoigne le jury.
Stéphane Corriveau relate l’expérience qui l’a incité à contribuer au lancement du PGEQ. Le premier client d’AlphaFixe a été SSQ Assurance. L’assureur était à la recherche d’un gestionnaire québécois et l’a invité à postuler. Il a alors pris un risque en lui confiant un mandat d’environ 100 M$.
«Cela nous a aidés lorsque nous allions solliciter des mandats auprès de caisses de retraite. [Un tel mandat] est une bonne carte de visite.»
Avec un groupe de pairs, dont Vital Proulx, d’Hexavest, Stéphane Corriveau crée un système favorisant l’émergence de gestionnaires en répondant aux besoins des allocateurs d’actifs. Lancé en avril 2015, avec le soutien du Chantier Entrepreneuriat de Finance Montréal, le PGEQ a réparti 268 M$ entre sept firmes.
«Lorsque nous avons créé AlphaFixe, nous voulions avoir du succès, aider nos clients et redonner à la communauté. C’est notamment de cette façon que nous redonnons», indique Stéphane Corriveau.
*Il pose avec Sébastien Rhéaume (à gauche), directeur principal d’AlphaFixe Capital.
Stéphane Corriveau est le gagnant de la catégorie Gestionnaire indépendant du Top 25 2018.