Sylvie Demers ne cesse de gravir les échelons depuis qu’elle a commencé sa carrière au sein de la Banque TD, dès la fin de ses études en finance, il y aura bientôt 35 ans. Depuis sa nomination en 2015 à titre de présidente, direction du Québec, du Groupe Banque TD, les activités de son organisation ont connu une croissance importante dans la province.
Cette performance et son engagement social en font la lauréate du Top 25 de l’industrie financière dans la catégorie Institutions financières à portée nationale et la Personnalité financière de 2019.
Sylvie Demers a fait son entrée dans le milieu bancaire à une époque, pas si lointaine, où les femmes y étaient peu représentées. «J’ai dû attendre un bon mois avant que mes collègues masculins m’invitent à luncher avec eux», se rappelle-t-elle.
À 22 ans, elle traite des dossiers de financement d’entreprises dans une industrie, celle du textile et de la fourrure, qui est dirigée principalement par des hommes et par des anglophones.
«Mon premier client s’est empressé de communiquer avec mon supérieur pour se plaindre que j’étais beaucoup trop jeune, francophone, et surtout que j’étais une femme ! Mais je lui ai démontré que cette situation ne constituait en rien des obstacles pour bien répondre à ses besoins», souligne Sylvie Demers.
Cette anecdote en dit long sur la détermination de Sylvie Demers, qui a su alors relever ce défi et, du même coup, jeter les bases d’une carrière jalonnée de grandes réussites.
Autre atout dans sa manche : «Je n’ai jamais hésité à m’entourer de personnes ayant plus de connaissances que moi dans leur domaine d’expertise. Ce fut assurément un facteur prépondérant dans mon évolution et pour la progression de ma carrière.»
Expériences variées
Après avoir occupé plusieurs postes dans le financement des entreprises privées et publiques, elle a notamment été vice-présidente d’un réseau de succursales, ainsi que vice-présidente régionale et chef de marché auprès des Services aux clients privés, Gestion de patrimoine TD pour l’Est du Canada. Elle a même travaillé dans le secteur de l’assurance à titre de présidente, Marché de l’affinité, chez TD Assurance.
«À plusieurs occasions, mes supérieurs m’ont surprise en m’offrant des postes dans des secteurs où, la plupart du temps, je n’étais pas la plus experte. Mes employés avaient même plus d’expertise en la matière que moi !»
Les dirigeants de la TD voyaient toutefois en elle un sens aiguisé des affaires et de grandes habiletés à prendre les bonnes décisions.
«Elle a réussi à gravir tous ces échelons grâce à sa très grande détermination et à sa maîtrise des différentes activités de la Banque. Quand elle fixe des objectifs, elle s’assure aussi d’établir des mesures pour atteindre les performances visées», dit Bernard Dorval, un ancien dirigeant de la Banque TD.
Autre force : «Ma capacité à évaluer et à développer le talent des gens qui m’entourent, ainsi qu’à créer les bonnes structures organisationnelles. J’ai toujours su motiver mes équipes de travail et maximiser leurs compétences afin d’obtenir d’excellents résultats», se décrit Sylvie Demers.
Disciplinée, ayant une grande soif d’apprendre, elle est aussi très à l’écoute des clients, note Bernard Dorval.
Ses compétences l’ont d’ailleurs amenée à Toronto où elle a été vice-présidente, Initiatives stratégiques, pendant quelques années, avant de revenir au Québec en 2015 pour y prendre les rênes des activités du Groupe TD.
«Si on m’avait dit que j’occuperais ce poste un jour, je n’y aurais sûrement pas cru. Pas par manque d’ambition, mais plutôt par humilité, compte tenu de mes antécédents familiaux modestes», dit Sylvie Demers, qui a grandi à Sherbrooke et est diplômée de HEC Montréal. Son père travaillait dans l’industrie de la construction et sa mère est décédée alors qu’elle n’avait que cinq ans.
Expansion au Québec
Malgré ses 165 ans d’histoire, la TD a mis du temps avant d’avoir une présence marquante au Québec. L’arrivée de Christine Marchildon à la tête des activités québécoises, en 2004, puis la venue de Sylvie Demers qui lui a succédé, en 2015, ont changé la donne.
«Le nom TD résonne davantage dans le paysage québécois, même nos concurrents le reconnaissent», affirme Sylvie Demers, qui est aussi première vice-présidente, réseau de succursales, TD Canada Trust, pour le Québec.
Sous sa gouverne, le Groupe Banque TD a procédé à l’implantation de 180 guichets automatiques dans diverses stations-services. Ce déploiement a plus que doublé le nombre de ses points de service au Québec, qui sont passés de 165 en 2015 à plus de 350 aujourd’hui, dont 129 succursales.
Sylvie Demers n’entend pas continuer de multiplier les points de service, mais la TD souhaite élargir davantage son champ d’action. «Par exemple, un marché comme la Beauce nous intéresse, pour y ouvrir non seulement une succursale, mais aussi un bureau commercial et de gestion de patrimoine», souligne-t-elle.
Il y a une dizaine d’années, le Groupe Banque TD était principalement installé dans la région de Montréal. Aujourd’hui, il est davantage présent dans d’autres régions, comme l’Abitibi, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Gaspésie.
Au Québec, la TD compte maintenant près de 1,5 million de clients dans ses différents secteurs d’activité, dont les succursales, la gestion de patrimoine, les services bancaires commerciaux et TD Assurance. Ils sont servis par 5 000 employés. De ce nombre, 330 ont été embauchés l’an dernier, dont environ 145 dans les succursales et une quinzaine en planification financière et en gestion de patrimoine.
Sylvie Demers a également rapatrié de Toronto au Québec des postes liés au marketing et aux médias sociaux afin «de mettre en place et d’assurer une gestion optimale des plateformes sociales pour la clientèle francophone».
Le vent dans les voiles
La TD a poursuivi sa croissance au Québec en 2019 grâce à une hausse de près de 9 % de son volume d’affaires (book of business), qui affiche ainsi une augmentation de 30 % sur trois ans et de 43 % au cours des cinq dernières années.
«Valeurs Mobilières TD a le vent dans les voiles et la gestion de patrimoine a grandement contribué aux résultats des dernières années. Nos services bancaires commerciaux prennent aussi de l’ampleur. Les entreprises pensent beaucoup plus qu’avant à la TD pour leurs affaires», affirme Sylvie Demers.
Par exemple, l’actif sous gestion des activités québécoises de courtage de plein exercice de la TD est passé de 6,3 G$ à 13,2 G$ de 2015 à 2019, soit une croissance annuelle composée supérieure à celle de l’actif de l’ensemble des sociétés de courtage de détail en valeurs mobilières du Québec, d’après l’Institut de la statistique du Québec. Durant la même période, les revenus annuels de ces activités sont passés de 46,2 M$ à 87,2 M$.
Pour les services bancaires commerciaux, la TD compte maintenant sept centres bancaires commerciaux au Québec abritant près de 150 employés, alors qu’elle n’avait qu’un seul centre en 2004 et moins de 100 employés. Depuis 2016, les services bancaires commerciaux de la TD ont doublé leur portefeuille de prêts et leurs parts de marché ont pratiquement doublé au Québec, indique la TD.
«Son engagement personnel dans les affaires de TD Québec change les choses. C’est quelqu’un qui est très engagé dans son organisation», soulignent les membres du jury du Top 25.
Sylvie Demers n’a toutefois pas encore atteint ses objectifs de faire passer de 7 à 10 % les parts de marché du Groupe Banque TD au Québec en matière de prêts et dépôts d’ici 2022, notamment en raison de la forte concurrence du marché. Mais elle compte bien y parvenir dans un proche avenir. «Je ne suis pas une sprinteuse, mais une marathonienne», dit-elle.
Au cours des prochaines années, elle entend mettre l’accent sur la transformation technologique du secteur bancaire, en misant sur l’intelligence artificielle, entre autres. «L’objectif est d’interagir et d’aider davantage les clients grâce aux nombreuses données que nous pouvons recueillir et analyser», précise-t-elle.
L’année dernière, la TD a d’ailleurs été reconnue comme la banque numérique la plus novatrice par le magazine Global Finance, grâce au lancement d’innovations comme TD Clari (un robot conversationnel intégré à l’application mobile de la banque), et une application de demande de prêt hypothécaire en ligne.
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Par ailleurs, Sylvie Demers n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes en cas de problème.
Par exemple, en mars 2017, un reportage de la CBC rapportait que trois anciens employés de la Banque TD affirmaient avoir subi des pressions pour vendre des produits et services inadéquats ou non nécessaires à des clients. Elle a alors décidé d’organiser des groupes de discussion avec les employés pour prendre leur pouls et s’assurer qu’ils ne ressentent pas de telles pressions, qui sont contraires à la culture de l’institution, assurait-elle en 2017 dans un entretien avec Finance et Investissement. Appelée à faire un bilan de l’aventure, Sylvie Demers soutient que la TD au Québec n’a pas eu de plaintes de clients ni d’employés en ce sens.
Une femme engagée
L’engagement auprès de l’industrie financière et de la communauté est essentiel pour Sylvie Demers.
«Ça fait cliché, mais je trouve important de redonner au suivant. Je ne viens pas d’un milieu riche et je suis chanceuse d’avoir un emploi que j’adore et qui est très bien rémunéré.» Son engagement est d’autant plus important que «j’ai aussi un pouvoir d’influencer les choses», ajoute-t-elle.
«Son implication tant sociétale que sur le plan de son organisation est remarquable. C’est une personne très engagée dans sa communauté. C’est une leader et une mentore auprès des membres de cette communauté», indique le jury du Top 25.
En 2019, Sylvie Demers a été nommée au conseil des gouverneurs de Finance Montréal. Cela s’ajoute à son mandat de présidente du Comité du Québec de l’Association des banquiers canadiens.
Au fil des ans, elle a assumé la présidence d’honneur de diverses campagnes de collecte de fonds au profit, entre autres, du Club des petits déjeuners, de l’Hôpital Sainte-Justine et du Centre de recherche sur le cancer Rosalind et Morris Goodman. Le cancer est une cause particulièrement chère aux yeux de Sylvie Demers, car sa mère, une soeur et un frère sont morts de cette maladie. Elle a aussi participé au Grand cabinet de financement 2012-2013 du CHUM. Depuis 2017, elle est présidente du conseil des fiduciaires de la Fondation du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).
«Sylvie Demers est une femme de tête et de coeur. Partout où elle est passée, elle s’est forgé une excellente réputation d’atteindre, voire de dépasser les objectifs. Au MBAM, ce genre de personnalité est essentiel et nous permet de franchir des seuils inégalés», dit Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du MBAM. Sylvie Demers a notamment actualisé les politiques de gouvernance de la Fondation. Tout s’est fait dans l’harmonie, note Nathalie Bondil. «C’est une leader naturelle qui écoute intelligemment et de manière constructive», précise-t-elle.
Plus récemment, Sylvie Demers a accepté la coprésidence du Cyclo-défi Enbridge contre le cancer au bénéfice du Centre du cancer Segal de l’Hôpital général juif, qui se tiendra en juillet prochain. Le plus gros défi «ne sera pas d’atteindre l’objectif fixé à 4,5 M$, mais plutôt de faire les 200 kilomètres à vélo», dit-elle avec le sourire.
Elle ne devrait pas trop s’en inquiéter, car c’est une sportive aguerrie. Elle a déjà skié sur des glaciers européens et a amorcé des descentes de montagnes par héliski. Un sérieux accident de ski (épaule, bras et côte cassés, affaissement d’un poumon) survenu il y a deux ans a toutefois ralenti ses ardeurs. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à skier et à jouer régulièrement au golf, un autre de ses sports favoris.
«Avec l’emploi que j’ai, qui amène notamment plusieurs sorties au resto et dans des cocktails, c’est essentiel de maintenir la forme», conclut-elle.