Pourtant, chaque année, bon nombre s’imaginent à tort que ces déductions s’appliquent à presque tous les types de frais – alors qu’elles s’appliquent à relativement peu d’entre eux.
Cette situation résulte probablement « d’une certaine confusion qui a émergé en 2015 autour des changements liés aux honoraires et de certains aspects de la planification financière », pense Natalie Hotte, conseillère principale, fiscalité, retraite et succession chez Trust Banque Nationale.
Pour bien comprendre ce qui est déductible, il faut appliquer à son portefeuille la même règle fondamentale que celle qui s’applique à une entreprise: « Pour être déductible, une dépense doit être engagée en vue de gagner un revenu d’entreprise ou de bien », tranche Sarah Phaneuf, associée en fiscalité chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
Le conseil financier relève des revenus de bien, et on ne peut déduire que les « frais financiers et frais d’intérêt payés pour gagner un revenu de placement », précise un site de l’Agence du revenu du Canada. Cependant, la liste des dépenses déductibles est nettement plus restreinte dans le cas d’un portefeuille de placements que dans celui d’une entreprise. Attention: une fois affirmé, ce principe général impose nombre de fines distinctions. Ainsi, sont déductibles:
- Les honoraires (mais non les commissions) versés à un conseiller en placement pour obtenir son avis sur l’opportunité pour lui d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières.
- Les frais d’administration ou de gestion des placements inscrits dans un compte non enregistré.
- Les frais de garde des titres actions, obligations, fonds négociés en Bourse, etc.).
- Les intérêts payés sur des emprunts contractés pour gagner des revenus de placement, à quoi s’ajoutent les frais liés à l’emprunt, comme l’ouverture de crédit et les frais de garantie, précise un document de RCGT.
Donc, les commissions ne sont pas déductibles, ni les honoraires versés à un conseiller relativement à un compte enregistré comme un REER, un FERR ou un CELI. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que les commissions de transaction « sont considérées comme une dépense en capital », explique Sarah Phaneuf, et elles relèvent des règles liées aux gains en capital. « Les commissions de transaction affectent le gain ou la perte en capital, qu’elles augmentent ou réduisent », précise-t-elle.
Qu’en est-il des commissions de suivi ? Elles ne sont pas déductibles, parce qu’elles ne sont pas payées par l’investisseur, mais plutôt par le manufacturier de fonds. Idem pour les frais de gestion, car ils sont payés à même le fonds, pas par le détenteur. « Je peux déduire seulement les frais que je paye directement », souligne Sarah Phaneuf.
Par contre, ces frais sont « indirectement déductibles », indique Natalie Hotte, car le manufacturier va normalement les retrancher des revenus de dividendes d’un fonds d’actions, par exemple.
Enfin, la loi prévoit spécifiquement que la déductibilité ne s’applique pas aux fonds enregistrés pour la simple raison que les actifs qu’ils contiennent sont au départ à l’abri de l’impôt.
« Le fiscal suit le légal »
Natalie Hotte rappelle une autre grande règle de la fiscalité: « Le fiscal suit le légal. » C’est pourquoi elle insiste pour que les investisseurs comprennent bien leurs contrats et sachent quels frais relèvent de qui.
Elle énumère quatre conditions pour qu’une dépense soit déductible: « Que je sois le payeur des frais (non pas la firme de fonds, pour laquelle il s’agit de frais intégrés); que le service ne contienne pas de commissions; que le service reçu soit relié à une opportunité d’acheter ou de vendre, ou représente des frais administratifs; enfin, il faut que le service soit payé à une personne ou société dont l’activité principale, à hauteur d’au moins 50 %, soit le service en placement. »
Une fois émis les principes de base – et les fines distinctions qu’ils impliquent –, on en vient aux zones grises et incertaines.
Frais d’intérêt sur emprunt: Ils sont déductibles, mais pas pour les emprunts souscrits pour acquérir des actions de Capital régional et coopératif Desjardins, du Fonds de solidarité FTQ ou de Fondaction. Puis, les intérêts sur tout emprunt fait pour acheter des titres versés dans un fonds enregistré ne sont pas déductibles.
Rééquilibrage de portefeuille: « Il n’y a rien de précis à ce sujet, avance Sarah Phaneuf. Il faut se référer aux règles générales. Par exemple, la part des conseils relatifs aux opportunités de vendre ou d’acheter est déductible, mais pas la part des commissions payées sur l’achat et la vente de titres effectués pour rééquilibrer le portefeuille. »
Planification financière: Il faut faire la part des choses, soutient Sarah Phaneuf. La part du service engagée pour gagner un revenu peut être déduite, mais pas la part qui veille à la planification successorale ou à l’établissement d’un portefeuille d’assurances.
Fonds distincts: S’ils sont pratiquement identiques aux fonds communs de placement, les fonds distincts sont des contrats d’assurance sur le plan légal. Donc, complète Sarah Phaneuf, « les honoraires et frais ne sont pas déductibles, puisque les autorités fiscales ne considèrent pas les fonds distincts comme des valeurs mobilières », un critère essentiel pour la déductibilité des frais.
Frais divers: De nombreux frais « attenants » ne sont pas déductibles, par exemple la participation à une assemblée d’actionnaires. Qu’en est-il d’abonnements à des revues spécialisées, par exemple une lettre mensuelle de conseils en placement ? Ils sont non admissibles. « Le coût d’acquisition de publications et de journaux spécialisés » n’est pas déductible, tranche Revenu Québec. Par contre, interjette Natalie Hotte, « on peut penser à des situations où de tels frais seraient déductibles ». Il en est ainsi avec le fisc: les exceptions à la règle abondent…
Autre détail: les mêmes règles de déductibilité s’appliquent au provincial et au fédéral, fait ressortir Natalie Hotte. Seule change la mécanique qui détermine à quelle année on peut imputer des frais. Au fédéral, tous les frais sont imputables dans l’année où ils ont été encourus. Au Québec, on ne peut déduire ses frais qu’à hauteur du revenu de placement gagné dans l’année; tout solde doit être reporté sur les revenus gagnés les trois années précédentes ou dans toute année d’imposition subséquente. Par exemple, si j’ai des frais de 2 000 $, mais des revenus de placement de 1 500 $, je ne peux déduire que 1 500 $ et dois reporter le solde de 500 $ à une autre année.