Une feuille de résultats financiers, par-dessus, des chiffres apparaissent en transparence.
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Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), qui commencera à être offert en 2023, se prête à diverses stratégies de planification. En voici qui ont été exposées lors des congrès de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) et de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), à Montréal, en septembre et octobre.

Le CELIAPP s’adresse à des résidents canadiens de 18 ans à 71 ans qui ne possédaient pas de propriété dans l’année d’ouverture du compte ni dans les quatre années précédentes. Les cotisations à ce régime sont déductibles du revenu, alors que les retraits sont non imposables s’ils sont faits pour l’achat d’une première propriété admissible. On peut faire un retrait pour l’achat d’une seule propriété à vie. Autrement, les retraits sont imposables.

Le plafond annuel des cotisations au CELIAPP est de 8 000 $ et le plafond à vie est de 40 000 $, indépendamment du revenu. Ces montants ne sont pas indexés dans le temps. Les droits annuels inutilisés sont non cumulables. On peut transférer des sommes en provenance d’un REER dans le CELIAPP, si on respecte les limites annuelles et cumulatives de cotisation. Or, un tel transfert ne vient pas rétablir l’espace REER utilisé pour ce faire, ni permettre de déduire de nouveau, a précisé Luc Godbout, professeur titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, lors du congrès de l’APFF.

Le CELIAPP échoit soit dans l’année qui suit celle d’un retrait pour acheter une propriété admissible, soit 15 ans après son ouverture ou le 31 décembre de l’année où son détenteur atteint 71 ans. L’épargne qui n’est pas utilisée pour acheter une habitation pourra être transférée de manière non imposable à un REER ou à un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), soit être retirée de manière imposable. Contrairement au régime enregistré d’épargne-études (REEE), l’auteur du transfert n’aura pas besoin d’avoir de l’espace REER pour ce faire.

Un client ne pourra pas se prévaloir du CELIAPP s’il a recours au régime d’accession à la propriété (RAP) et vice versa. Or, même si un client a cotisé au CELIAPP, il pourrait tout de même effectuer un RAP. Le client pourrait continuer de cotiser au CELIAPP après l’achat de sa propriété, puis transférer plus tard au REER les sommes accumulées au CELIAPP. « On peut se demander pourquoi il n’y a pas un test qui empêcherait ça », a noté Luc Godbout.

Par ailleurs, il s’interroge également sur les raisons pour lesquelles les règles d’admissibilité au RAP ne sont pas les mêmes que celles du CELIAPP. En effet, pour ce dernier régime, un client pourrait ouvrir un CELIAPP même s’il habite dans la résidence de son conjoint, puis utiliser ce compte pour acheter une résidence secondaire.

Le CELIAPP n’est pas insaisissable en cas de faillite comme c’est le cas pour le REER et ne peut être cédé en garantie de prêt. Au décès de son détenteur, on peut transférer sans impact fiscal le solde au CELIAPP au conjoint survivant ou, s’il n’est pas admissible au CELIAPP, à son REER ou son FERR.

CELIAPP ou RAP

Doit-on privilégier le RAP ou le CELIAPP ? Ça dépend de la du client. Rappelons que le RAP permet, sous certaines conditions, à un contribuable de retirer jusqu’à 35 000 $ des fonds d’un REER non immobilisé pour acheter ou construire une habitation admissible pour lui-même ou pour une personne handicapée liée. Le RAP permet de rembourser les fonds sur une période de 15 ans.

À court terme, le fait que le RAP permette d’utiliser rapidement 35 000 $ en provenance du REER sera un avantage en termes de flux de trésorerie disponibles par rapport au plafond annuel de cotisation de 8 000 $ au CELIAPP. « Les 40 000 $ en dépôts au CELIAPP seront atteints en 2027 (cinq dépôts de 8 000 $). Dans les cinq prochaines années, le RAP pourrait s’avérer une solution plus avantageuse. Par la suite, le CELIAPP deviendra nettement plus avantageux », a noté l’avocat Jean Turcotte, formateur auprès de l’IQPF.

Le potentiel du CELIAPP dépassera celui du RAP après quelques années, selon l’actuaire et planificateur financier Martin Dupras, président de ConFor financiers. Dans le cas d’un client qui cotise chaque année le plafond du CELIAPP, le point d’équilibre arriverait à partir d’environ quatre ans, mais variera en fonction du rendement des placements du CELIAPP, du taux d’imposition du particulier et de sa situation personnelle, selon lui.

« Il y aura un arbitrage à faire entre une décision de cash flow – avoir la plus basse hypothèque possible – et une décision fiscale, qui permet de retirer des sommes du CELIAPP sans impôt », explique Martin Dupras.

Par exemple, un client pourrait considérer qu’un retrait non remboursable et non imposable de 25 000 $ du CELIAPP vaut davantage qu’un retrait remboursable et éventuellement imposable de 35 000 $ du RAP.

Malgré les avantages du CELIAPP, dans un cas de divorce, les règles plus souples du RAP font qu’un client pourrait favoriser ce dernier régime, selon Martin Dupras.

Gare au gaspillage

Les règles s’appliquant au CELIAPP ne permettent qu’une seule utilisation à vie des fonds de ce régime. Un client qui retire de son CELIAPP pour s’acheter une propriété malgré qu’il y ait peu épargné en aurait ainsi peu profité. « Si vous prenez juste 8 000 $ et que vous achetez votre maison, vous n’avez pas optimisé votre CELIAPP, a dit Jean Turcotte. On devrait éviter d’utiliser moins de 40 000 $ de ce régime. »

Un contribuable qui cotiserait au CELIAPP dès 18 ans pourrait aussi « gaspiller » son régime s’il n’était pas prêt à acheter une maison à 33 ans, a fait observer Martin Dupras. La durée de vie maximale de 15 ans du CELIAPP sera moins contraignante pour un Canadien qui l’ouvre à 25 ans.

Choisir le bon régime

Un contribuable sans enfants en début de carrière devra choisir entre cotiser au CELIAPP, au REER ou au CELI. Selon Jean Turcotte, il pourrait prioriser le CELIAPP avant le CELI ou le REER pour accumuler des sommes afin d’effectuer une mise de fonds pour l’achat d’une première propriété. « Cette stratégie n’affectera aucunement ses droits au CELI ou au REER. Si aucun achat n’est effectué d’ici 15 ans, il pourra simplement transférer le solde du CELIAPP à son REER sans impact fiscal », a-t-il dit lors du congrès de l’IQPF.

Certaines exceptions pourraient amener un client à préférer le REER avant le CELIAPP. C’est le cas lorsqu’un particulier participe à un REER collectif de l’employeur avec contrepartie importante de l’employeur. Par ailleurs, si les fonds de travailleurs n’étaient pas des placements admissibles au CELIAPP, possiblement qu’un particulier préférerait y épargner d’abord pour profiter du crédit d’impôt pour fonds de travailleurs, estime Martin Dupras.

Dons aux enfants, dons au conjoint

Lorsqu’un parent souhaite aider financièrement son enfant majeur dans l’achat d’une première propriété, le CELIAPP peut être un bon outil pour ce faire, sachant qu’un don n’entraîne pas d’incidence fiscale. Selon Jean Turcotte, « il pourrait être avantageux d’étaler le don sur une période de cinq ans afin de faire profiter [les] enfants de la déduction liée à la cotisation au CELIAPP », lit-on dans sa présentation.

Martin Dupras met de l’avant deux autres stratégies. La première serait que le parent égale la cotisation annuelle de 4 000 $ de l’enfant à son CELIAPP. La deuxième consiste à moduler le don en fonction du taux marginal d’imposition de l’enfant.

« Par exemple, pour un enfant avec taux marginal de 37 %, le parent pourrait faire un don annuel de 5 040 $, si l’enfant cotise 2 960 $ de son propre argent. La cotisation totale de 8 000 $ implique un remboursement d’impôt annuel de 2 960 $. Ce serait à coût nul pour mon fils. Ces 5 040 $ vont s’avérer plus efficaces que de laisser 5 040 $ en héritage », a soutenu Martin Dupras.

Par ailleurs, il ne sera pas possible de faire une cotisation au CELIAPP pour son conjoint. Par contre, un conjoint pourra faire un don à sa tendre moitié pour que cette dernière en ouvre un à son nom. Comme pour le CELI, les règles d’attribution ne seront pas applicables.

Optimisation fiscale

Un client pourrait profiter du CELIAPP sans réellement avoir l’intention d’acheter une propriété. En effet, un client qui maximise chaque année ses cotisations au REER peut ainsi profiter d’une autre tranche de revenu qu’il peut déduire, qui est d’un maximum annuel de 8 000 $. À l’expiration du délai de 15 ans après l’ouverture du CELIAPP, celui-ci n’a qu’à transférer les sommes accumulées dans son REER ou FERR, sans que cela ait d’effet sur sa situation actuelle.

« On vient de bonifier sans pénalité son REER. Est-ce qu’on a atteint la finalité du CELIAPP ? » se demande Jean Turcotte.

Par ailleurs, une stratégie analogue d’optimisation fiscale consiste à ouvrir un CELIAPP à 65 ans, de manière à y cotiser 8 000 $ par année pendant cinq années. Ce client transférerait par la suite les montants du CELIAPP dans son REER avant 71 ans. « Cette stratégie pourrait permettre de réduire son revenu net afin de tirer profit ou d’optimiser certains programmes (PSV/SRG) et crédits d’impôt tout en augmentant la valeur de son REER », lit-on dans la présentation de Jean Turcotte.

Pour un contribuable qui n’a pas l’intention d’acquérir une résidence, la pertinence de cotiser au CELIAPP se compare à celle de cotiser au REER. « Pour nos concitoyens à faible revenu ou ceux qui auront un supplément de revenu garanti, ce n’est pas l’idée du siècle de cotiser au REER », indique Martin Dupras.