En effet, un sondage en ligne mené auprès de membres de la CSF par Finance et Investissement l’automne dernier ne montre aucun avis majoritaire sur cette possibilité qui pourrait se concrétiser à l’issue de la consultation sur le cadre réglementaire des organismes d’autoréglementation (OAR) engagée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM).
Parmi l’ensemble des répondants au sondage, 86 représentants ont exprimé leur degré d’accord avec deux énoncés relatifs à la fusion ACFM-OCRCVM. En tout, 42,5 % des répondants croient que ce regroupement «serait une bonne chose pour l’industrie financière», alors que le tiers (32,2 %) ne le croient pas et que le quart (25,3 %) ne sont ni en désaccord ni en accord avec cet énoncé.
Au second énoncé «une fusion ACFM-OCRCVM nuirait au modèle d’encadrement multidisciplinaire du Québec et aux intérêts des clients», 39,5 % des répondants ont dit être en accord, 27,9 % étaient en désaccord et le tiers (32,6 %) étaient neutres.
Il est ainsi difficile d’établir une tendance claire quant à l’avis des membres de la CSF dans ce débat. Cette situation semble également refléter la pluralité des avis exprimés dans les 67 mémoires présentés aux ACVM à l’occasion de leur consultation sur la réforme du cadre des OAR.
Les ACVM comptent publier cet été des recommandations concernant le cadre réglementaire s’appliquant actuellement à l’OCRCVM et à l’ACFM. L’énoncé de position des ACVM jettera alors les bases du prochain cadre réglementaire.
Dans les mémoires déposés l’automne dernier, deux grandes approches sont proposées aux ACVM. Celle prônée par l’OCRCVM consiste à fusionner ses activités avec celles de l’ACFM. Celle mise de l’avant par l’ACFM repose sur la création d’un nouvel organisme chargé de superviser l’ensemble des sociétés inscrites (courtiers et gestionnaires de fonds).
L’approche de l’OCRCVM est généralement celle que préfèrent l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières et le Groupe Banque TD, alors que celle de l’ACFM suscite l’adhésion du Groupe de recherche en droit des services financiers (GRDSF), de l’Institut des fonds d’investissement du Canada et de Manuvie. D’autres groupes, dont le Mouvement Desjardins, laissent le soin aux ACVM de trouver la meilleure approche, mais favorisent le regroupement.
Une consolidation de l’OCRCVM et de l’ACFM nuirait au Québec et menace l’autonomie professionnelle de ses représentants, selon le Groupe Financier Multi Courtage, Planifax et un groupe de représentants qui ont envoyé un mémoire commun.
L’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), Mérici Services Financiers et Groupe Cloutier Investissements émettent aussi bon nombre de réserves. Lire «Craintes et occasion ratée» dans notre numéro de mi-novembre.
La CSF offre un rempart au conseiller contre les différentes pressions qu’il pourrait subir de son employeur, car ce représentant peut invoquer le Code de déontologie de la CSF qui l’oblige à subordonner son intérêt personnel à celui de son client, selon Flavio Vani, président de l’APCSF : «Malheureusement, dans l’industrie aujourd’hui, nous sommes vus comme des producteurs plutôt que des conseillers.
Selon lui, des représentants peuvent être incités à favoriser la distribution d’un certain type de produits dans l’intérêt de leur groupe financier. «Quand vous êtes lié à un groupe pour lequel vous devez vendre les produits qu’il offre, vous vous faites solliciter souvent pour savoir combien vous avez vendu cette semaine et quel produit vous avez vendu», dit Flavio Vani. Les mesures incitatives internes de ces groupes peuvent aussi favoriser la distribution de certains types de produits, ajoute-t-il.
«Un représentant, même s’il est l’employé d’une banque, devrait dans son jugement favoriser les produits qui intéressent le plus le client», poursuit-il.
La CSF devrait donc en faire davantage afin de vérifier si un représentant offre bel et bien du conseil en accordant la priorité aux intérêts du client, et non s’il effectue machinalement la distribution de produits, d’après Flavio Vani.
Il invite ses pairs à ne pas percevoir la CSF comme un ennemi, mais plutôt comme un allié afin d’éviter les comportements déviants et d’accroître les compétences de l’ensemble des représentants, ce qui stimule la confiance du public.
Le Mouvement Desjardins et le GRDSF ont préféré ne pas commenter notre sondage, orientant l’auteur de ces lignes vers leur mémoire.
Le modèle québécois, avec la CSF et la non-reconnaissance de l’ACFM, «empêche la réalisation des objectifs relatifs à la simplification réglementaire», écrivait le Mouvement Desjardins : «Si toutefois les ACVM allaient de l’avant, un OAR consolidé devrait inclure un bureau fort au Québec pouvant garantir une expertise en français, conjugué à une représentativité significative à son conseil d’administration et dans le processus décisionnel de celui-ci.»
Bien que le GRDSF préfère l’approche de l’ACFM à celle de l’OCRCVM, ce groupe prône un cadre privilégiant le modèle de l’autoréglementation «qui couvre l’ensemble des services d’investissement, c’est-à-dire les services de conseil en placement, de gestion de portefeuille, de négociation en valeurs mobilières et de planification financière de même que les services du secteur de l’assurance de personnes offrant des produits d’investissement de nature assurantielle».
Cette approche serait axée non pas sur les produits, mais plutôt sur les activités exercées par les intermédiaires. L’encadrement intégré devrait également couvrir les aspects individuels et organisationnels de la prestation des services d’investissement en permettant aux autorités de contrôle d’intervenir auprès des trois groupes d’acteurs, soit les entreprises, les membres de la direction et les représentants de celles-ci, d’après le GRDSF.
«Cette approche contribuerait ainsi à minimiser ou à éviter les chevauchements, la variabilité des régimes de protection et les lourdeurs administratives et financières de même que les risques de confusion qui découlent de la multiplicité des autorités de contrôle, des catégories d’intermédiaires et des normes applicables à ces derniers», lit-on dans le mémoire du GRDSF.
Selon ce groupe, le nouvel OAR devrait aussi tenir compte de l’unicité de la société québécoise, dont son système juridique de tradition civiliste et sa valorisation de la langue française. Il devrait aussi éviter «de maintenir une faiblesse du cadre réglementaire actuel au Québec qui résulte du partage des responsabilités dans ce secteur entre trois organismes différents, soit l’Autorité des marchés financiers, le Tribunal administratif des marchés financiers et la CSF».
Méthodologie
Finance et Investissement a mené le sondage en ligne auprès des membres de la CSF du 19 novembre au 16 décembre 2020 en invitant ses abonnés à y répondre tout comme les visiteurs de son site web et de ses comptes de médias sociaux. Sur les 207 répondants au sondage, nous avons exclu les retraités et les répondants qui étaient des membres du personnel des organismes de réglementation. Le nombre de réponses par question varie en fonction des répondants. Le sondage n’a aucune prétention scientifique. D’autres résultats seront publiés dans notre numéro d’avril.