C’est unanime: le secteur des fonds d’investissement et celui des fonds distincts sont d’accord pour passer à la divulgation du coût total que les investisseurs payent. Cependant, sitôt qu’on entre dans les détails de l’implantation proposés par les régulateurs, contestations et dissensions se multiplient.

Dans un récent avis de consultation, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) ont demandé aux acteurs de l’industrie financière de commenter une série de propositions visant la mise en place d’un mécanisme de divulgation en continu des coûts complets liés aux fonds communs d’investissement et aux fonds distincts.

Un des mots clés est « continu ». Les régulateurs demandent au secteur des fonds communs de produire un relevé de compte périodique dans lequel paraîtrait un ratio des frais de chaque fonds détenu en portefeuille par un investisseur, ratio exprimé en pourcentage. Un rapport annuel, pour sa part, rendrait compte des frais exprimés en dollars. Ces frais totaliseraient le ratio des frais de gestion (RFG) et le ratio des frais d’opération (RFO).

Les régulateurs demandent aux gestionnaires de fonds de fournir aux courtiers toutes les informations requises pour colliger ces frais. Cependant, si les courtiers et les conseillers jugeaient cette information non fiable ou trompeuse, ils seraient tenus de « faire des efforts raisonnables pour l’obtenir par d’autres moyens ».

Au secteur des assurances, on demande aux gestionnaires de fonds distincts de produire un rapport au moins une fois l’an affichant le ratio des frais du fonds exprimé en pourcentage pour chacun des fonds distincts détenus. Pour le contrat de fonds distincts dans son ensemble, on demande de divulguer les frais du fonds en dollars de même que le coût total en dollars des garanties d’assurance et de tous autres frais liés au contrat. Ici aussi, le ratio des frais du fonds correspondrait à la somme du RFG et du RFO.

D’autres demandes de divulgation à l’endroit du secteur des fonds distincts abordent de multiples informations: total des dépôts et retraits, présentation de la variation en dollars de la valeur liquidative du contrat, etc.

Enfin, les régulateurs proposent un calendrier de mise en œuvre synchronisé pour les deux secteurs, avec une entrée en vigueur simultanée des modifications définitives en septembre 2024.

Chacun de ces points soulève des contestations. Les grands groupes de représentation comme l’institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) et l’Association des gestionnaires de portefeuille du Canada (PMAC) demandent tous que le compte rendu des frais soit un rapport annuel, et non périodique, et la plupart conviennent que ce rapport afficherait les frais en valeur monétaire.

Étonnamment, après avoir mis de l’avant la notion de frais de fonds total incluant RFG et RFO, les ACVM demandent s’il ne vaudrait pas mieux s’en tenir seulement au RFG. Tous les grands groupes s’empressent de répondre par l’affirmative. LACCVM présente un bon résumé des positions. « Alors que le RFG est généralement stable au jour le jour, le RFO peut être variable, car il dépend de l’activité de négociation du fonds. Il peut varier en fonction des décisions d’investissement du gestionnaire du fonds ainsi que des entrées et sorties de fonds des clients, qui déterminent également l’activité de négociation. »

Désaccord radical du côté des défenseurs des investisseurs, qu’il s’agisse de FAIR Canada, de Kenmar Associâtes et même de Highview Financial Group. « Alors que le RFO peut être petit pour certains fonds, écrit FAIR, il peut être plus important pour d’autres. Dans certains cas, il peut même dépasser le RFG. »

Pour neutraliser l’effet négatif potentiel d’une concentration sur les coûts, certains intervenants demandent que les régulateurs exigent leur mise en contexte. « Ces informations ne doivent pas être présentées de manière isolée, affirme Advocis. Les frais ne sont qu’une partie du portrait. Des renseignements contextuels sur les avantages associés au produit-comme le taux de rendement et, dans le cas des fonds distincts, la garantie doivent également être inclus dès le départ afin que les investisseurs puissent facilement comprendre les risques et les avantages associés à leurs placements. »

MICA Capital demande qu’on mette d’autres points sur les « i » pour éviter toute méprise de la part des investisseurs. « Il est important que les consommateurs comprennent bien que les frais (RFG ou RFO) sont facturés par les gestionnaires, et non par les courtiers ni les représentants, d’où l’importance de prévoir des textes explicatifs dans les relevés, qui apporteront ces précisions. »

Plusieurs réclament que la responsabilité de fournir l’information de base pour l’établissement des frais repose uniquement sur les manufacturiers de fonds et que les courtiers et conseillers soient entièrement dégagés de cette responsabilité. « Les courtiers et les conseillers devraient pouvoir se fier à l’information qui leur est fournie sans devoir faire des validations supplémentaires », juge la Banque Nationale. Ce à quoi Borden Ladner Gervais ajoute: » Les règles doivent préciser les données que les manufacturiers doivent relayer aux courtiers. Il ne peut y avoir de différence entre les informations que les manufacturiers fournissent. »

L’uniformité est cruciale, juge MICA Capital. « Il est primordial que la méthodologie utilisée pour calculer les RFG et RFO soit la même pour tous les gestionnaires afin d’assurer une comparabilité juste et une équité. Ainsi, le fait qu’une méthode de calcul soit imposée est nécessaire. »

Si les contenus doivent être uniformisés, doit-il en être ainsi pour le format de leur présentation? L’Investor Advisory Panel juge que l’uniformisation des contenus et de leur format s’impose, tout au moins pour la première page du relevé. Highview le voit autrement: » J’approuve la décision d’imposer le contenu, mais pas le format. »

À ce chapitre, les ACVM mettent de l’avant sept formulaires différents de relevé pour le secteur des fonds communs et quatre pour le secteur des assurances. Certains intervenants, notamment PMAC, jugent que d’autres études sont nécessaires pour arrêter des formats définitifs, alors que d’autres, surtout du côté des groupes de défense des investisseurs, demandent des changements pour accroître la clarté et la simplicité des relevés.

Certains sujets plus pointus recueillent rapidement l’adhésion, notamment le fait de dispenser les nouveaux fonds des exigences de divulgation pour la première année de même que les fonds d’investissement étrangers. Quant aux frais d’assurance et autres frais liés aux fonds distincts, le consensus reste à établir. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes demande qu’on s’en tienne à un seul chiffre intégrant tous les coûts, mais CAILBA, le lobby des agents généraux, croit qu’il faudrait les détailler en frais d’assurance, frais de gestion et frais de distribution.

L’agenda d’implantation crée une division entres les acteurs de l’industrie et les groupes de défense des investisseurs. Chez les premiers, on demande presque unanimement que les délais d’implantation soient étendus, voire doublés, réclame l’IFIC. On avance que la quantité de changements aux systèmes de données est trop étendue et trop lourde pour respecter l’échéancier proposé par les ACVM.

Il n’en est pas question! s’objectent les seconds. Highview juge 12 mois amplement suffisants, surtout quand on se rappelle qu’on parle de la transition depuis 2004. « Quand on constate, écrit Highview, la rapidité avec laquelle l’industrie se met en action lorsqu’elle exploite une occasion de revenus-par exemple, les fonds alternatifs liquides-il est embarrassant que l’industrie admette de rester les bras croisés pour une divulgation qui aurait dû être faite depuis longtemps. »