Les réformes axées sur le client (RAC) entrées en vigueur au début de 2022 sont « casse-pieds », chronophages et synonymes de paperasse ainsi que de « lourdeur administrative », d’après les conseillers en placement (CP) interrogés pour le Pointage des courtiers québécois 2022.
À cette occasion, nous avons demandé aux CP de qualifier, sur une échelle de 0 à 10 où 0 veut dire « pas du tout difficile » et 10 veut dire « très difficile », dans quelle mesure ils trouvaient compliqué de se conformer aux RAC. La note médiane obtenue est de 4 sur 10. Cela signifie que plus de la moitié des 274 répondants ont un degré de difficulté de faible à moyen à se conformer aux différentes réformes qui touchent les conflits d’intérêts, la convenance, la connaissance du produit et du client.
La dispersion de ce degré de difficulté reste importante, car l’écart-type s’élève à 3,14 (la moyenne est de 4,28). De plus, il est commun que, au sein d’une même firme, on compte autant des CP qui trouvent très difficile (9 ou 10) de se conformer aux RAC que d’autres qui y parviennent facilement (0 ou 1).
Parmi les firmes où les conseillers trouvent plus facile de se conformer aux réformes se trouve Gestion de patrimoine TD, qui affiche un indice moyen de difficulté de 2,4 sur 10, suivie de RBC Dominion Valeurs mobilières (2,5) et Raymond James (3,5). Les CP de CIBC Wood Gundy (6,0) sont ceux qui, en moyenne, ont le plus de mal à se conformer.
En analysant les raisons qui sous-tendent ces réponses, on constate que la moitié des sondés estiment que les RAC représentent beaucoup de travail ou créent une lourdeur administrative. Elles ont entraîné leur lot de nouvelles procédures et de difficultés d’adaptation, un peu comme les courbatures inévitables lors des nouveaux entraînements.
« Ce n’est pas dur, mais c’est beaucoup de travail », dit un répondant. « C’est beaucoup de bureaucratie. C’est très long de répondre à toutes les exigences réglementaires », signale un autre. « C’est laborieux à mettre en œuvre parce que nous avons beaucoup de ménages et pas assez de temps », note un troisième.
Diverses tendances se dessinent dans les commentaires des répondants. D’abord, le degré de préparation des services de conformité ainsi que la formation donnée aux CP sur la façon de se conformer aux RAC ont exercé une influence.
« RBC nous a préparés bien à l’avance à ce que nous devions faire. Elle nous a aidés à comprendre les raisons de certaines réformes. Nous avons l’infrastructure nécessaire pour nous assurer que nous faisons les choses correctement », témoigne un répondant de RBC Dominion.
« Notre courtier a été utile, présent, et a fait beaucoup d’appels, de tutorat et de formation continue sur le sujet et ce que ça implique », note un sondé de Gestion de patrimoine TD.
« Notre firme a fait une très bonne job pour nous former », affirme un conseiller de la Financière Banque Nationale.
Pour se conformer aux nouvelles exigences des RAC, les courtiers ont mis à leur disposition divers outils. Certains ont revu leurs formulaires de connaissance du client et d’ouverture de compte. Bon nombre de firmes ont conçu un outil technologique permettant aux conseillers de comparer les produits qu’elles offrent avec ceux proposés sur le marché. On a aussi renforcé l’importance de la prise de notes.
La mise en place de ces outils a comporté son lot de défis, comme en témoignent certains répondants. « Les documents qu’on doit remplir semblent avoir été préparés à la dernière minute et sont mal intégrés dans le système informatique. Ils sont cependant très pertinents et très faciles à remplir avec les clients. Ils provoquent des discussions constructives avec les clients jusqu’à maintenant », rapporte un sondé de Valeurs mobilières Desjardins. « Les nouveaux formulaires de mises à jour sont trop complexes pour le client », indique pour sa part un de ses collègues.
« Nous adhérons aux réformes. Or, la documentation qui en découle jumelée avec notre vieille technologie est un gros problème; la technologie pour laquelle nous devons remplir l’information est mauvaise », se plaint un CP de CIBC Wood Gundy.
Parmi les CP qui trouvent facile de se conformer aux RAC, une portion d’entre eux servaient déjà leurs clients selon ces principes. « Ce n’est pas du tout difficile de me conformer. J’ai toujours eu un modèle transparent, je connais bien mes clients », explique un répondant de RBC Dominion.
« Étant moi-même à gestion discrétionnaire, cela résout une grande partie de ces problèmes, excepté certains obstacles administratifs et nouvelles questions que nous devons poser », ajoute un répondant. « Offrir les meilleures solutions aux clients a toujours été ma priorité et je suis heureux de voir que les titres orientés vers la vente ont été supprimés pour éviter toute confusion chez les clients », renchérit un autre.
Règles contraignantes
Bon nombre des CP qui trouvent pénible de se conformer aux RAC remettent en question leurs effets réels ou estiment exagérées les exigences de leurs firmes qui s’y rapportent.
Par exemple, des courtiers exigent une mise à jour tous les 12 mois des données du client, ce que certains sondés jugent trop contraignant. « La mise à jour de toute la documentation client en 12 mois ajoute une tâche administrative énorme à l’équipe », confie un répondant. « Le délai d’un an est beaucoup trop court pour refaire les mises à jour de tous les clients en gestion discrétionnaire », note un autre. « Mettre à jour 400 formulaires KYC par an est une lourde tâche, qui doit devenir aisé et rapide, sinon nous passerons plus de temps à remplir de la paperasse qu’à parler aux clients », lance un autre.
Quelques sondés envisagent même la possibilité d’embaucher une adjointe afin de les aider à composer avec la lourdeur bureaucratique. « Les délais pour se rendre conforme, tel qu’exigé par les autorités, sont trop serrés pour la gestion discrétionnaire. Pourquoi ne pas avoir mieux planifié la mise en place de la réforme ? », soulève un répondant.
Certains CP sondés estiment que bon nombre d’attentes réglementaires restent floues, et donc difficiles d’application, comme celui-ci: » Les requis sont encore vagues et nos obligations par rapport à ceux-ci le sont également. » Il y a une « ambiguïté des nouvelles normes, comme le comparatif de produits, la convenance des produits. Ça me paraît très complexe à appliquer », déclare un autre. « L’exigence sur le choix du produit le moins cher peut devenir complexe. Notre but est de répondre aux besoins du client et de favoriser un bon rendement par rapport au risque », surenchérit un troisième.
Enfin, un petit groupe de conseillers qui trouvent ardu de se conformer aux RAC se plaignent de l’iniquité des règles. « Certains conseillers qui vendent des fonds distincts peuvent être des cowboys. C’est injuste », lance un répondant. « La pression et la conformité du secteur des valeurs mobilières semblent beaucoup plus importantes que dans le domaine des assurances de personnes, où nous pouvons souvent constater des situations qui ne sont clairement pas à l’avantage du client », observe un autre.
« Les réglementations sont tellement disparates. Beaucoup de conseillers avec peu d’études et peu de connaissances devraient être davantage surveillés », pense un autre.