Julie ouellet est devenue vice-présidente et directrice nationale des ventes, courtage en valeurs mobilières à Valeurs mobilières Desjardins (VMD) en mars 2022. Son arrivée survenait après une période tumultueuse qui avait ébranlé le courtier.
En 2019, un changement d’orientation stratégique assorti d’une restructuration amène plusieurs hauts dirigeants et conseillers en placement (CP) à quitter l’organisation au profit de la concurrence. De la fin de février 2019 à la fin de février 2020, le nombre de CP à VMD passe de 237 à 219.
« C’était le chaos chez VMD, témoignait David Lemieux, vice-président et directeur général à VMD, dans un entretien publié dans Finance et Investissement en juin 2023. Mais nous avons pu rallier les CP qui étaient les leaders chez nous et nous avons réussi à gagner leur confiance. »
Il a néanmoins fallu renforcer l’organisation afin de se donner une structure efficace, ajoute-t-il. David Lemieux s’est ainsi adjoint une équipe de direction pour l’épauler. C’est dans ce contexte que Julie Ouellet est embauchée. « Ça a été le point tournant », affirme le dirigeant.
« Mon rôle consiste à apporter une croissance à la firme », indique Julie Ouellet. Selon elle, la firme recherchait son expérience de développement des affaires et de recrutement de conseillers.
Depuis ce moment, on constate un renversement de la tendance. De mars 2022 à mars 2024, le nombre de conseillers avec code de représentant est passé de 224 à 227 et l’actif sous gestion, de 41,2 à 48,9 milliards de dollars. Durant cette période, la part de marché des activités québécoises de VMD exprimée en termes d’actif géré par des sociétés de courtage en placement au Québec est passée de 12,1 % à 12,5 %, selon la Banque de données des statistiques officielles sur le Québec.
C’est Julie Ouellet qui reçoit le curriculum vitæ de ceux et celles qui désirent entrer au service de la firme. Elle a contribué à l’embauche de nombreux CP depuis son entrée en poste, dont plusieurs en provenance de la concurrence.
VMD compte aujourd’hui 233 CP, dont 21 % sont des conseillères. « Pour nos postes de conseillers adjoints et conseillers associés (bassin de relève), les femmes représentent 45 % », précise-t-elle.
La gent féminine est importante pour bâtir l’organisation, dit-elle : « Les femmes, on a tendance à être très empathiques, à prendre le temps et c’est ce dont nos clients ont besoin. Il y aura bientôt beaucoup de transferts intergénérationnels et de nombreuses femmes vont hériter. Ça va donc nous prendre encore plus de femmes pour les servir. »
Julie Ouellet en convient : l’industrie financière reste « un domaine pratiquement masculin ». Or, elle souhaite que beaucoup de jeunes femmes se joignent à VMD et à l’industrie, « parce que c’est une industrie extraordinaire pour elles ».
« Je suis moi-même maman. C’est donc important pour moi d’évoluer dans une firme où [une femme comme moi] se sent totalement à l’aise, dit-elle. L’équilibre travail-famille est hyper important pour moi ».
Selon elle, VMD prêche par l’exemple. Elle évoque le rôle de Marjorie Minet, grande patronne du secteur gestion de patrimoine, mais aussi le rôle de Francine Allaire, ex-présidente et chef de l’exploitation à VMD, qui a été la première femme à diriger une firme de courtage en valeurs mobilières au Canada.
Elle ajoute que la réputation de VMD « est aujourd’hui extrêmement bonne dans l’industrie ». En conséquence, « énormément de gens veulent se joindre à nous. Au point où on n’a pas assez de postes actuellement pour combler toutes les demandes selon les régions ». Le fait que tant de gens « cognent à notre porte comme ça indique que nous allons dans la bonne direction, estime-t-elle. C’est une fierté pour nous ».
Initiée jeune au placement
Julie Ouellet a toujours eu un intérêt pour les questions financières. C’est à la maison qu’elle a fait ses classes en matière de placements.
« Avec mes premiers emplois, dès que j’ai pu investir dans un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), mon père m’a dit : “Si tu mets 500 $ dans ton REER, je mets aussi 500 $”. Alors, j’ai commencé à investir. »
L’enseignement et les conseils financiers dont elle a bénéficié tôt dans sa vie l’ont amenée à vouloir en faire profiter les autres, explique la dirigeante.
Native de Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, Julie Ouellet a passé une bonne partie de sa vie dans la région de Sherbrooke. C’est d’ailleurs à l’Université de Sherbrooke qu’elle a terminé son baccalauréat en finance (2002), tout en effectuant deux de ses trois stages auprès de Fidelity Investments, à Toronto.
Cette expérience a été déterminante : « Ce fut très formateur de se retrouver dans une grande firme. C’est vraiment là que j’ai eu le pouls de l’industrie et que j’ai rencontré beaucoup de wholesaler, un rôle que je ne connaissais pas. »
Julie Ouellet deviendra d’ailleurs démarcheuse (wholesaler) pendant une dizaine d’années à la Banque Nationale du Canada (BN). « Le travail de wholesaler est l’une des plus belles jobs. Tu as beaucoup de latitude, tu as un budget pour développer le marché et tu décides avec quels clients, quels conseillers tu veux faire affaire. »
Si elle n’avait pas occupé ces fonctions, elle ne serait pas là où elle est aujourd’hui. « Les conversations que j’ai eues avec les conseillers et ma curiosité pour leur pratique ont fait que j’ai accumulé un excellent bagage pour mon rôle actuel », affirme-t-elle.
C’est en 2001, d’abord à temps partiel pendant ses études, que Julie Ouellet débute son parcours à la BN, à titre de caissière. « C’est là que j’ai eu mon premier contact avec les clients. J’y ai appris ce qui se passe sur le terrain. » Elle y fait ensuite son troisième stage universitaire (2002), endossant cette fois le rôle de directrice des services financiers. Par la suite, elle se dirige à Montréal, où elle gravira les échelons jusqu’à devenir directrice régionale des ventes.
À l’automne 2015, elle reçoit un coup de fil de Richard Rousseau, un ancien de la Financière Banque Nationale devenu dirigeant chez Raymond James. Le courtier était alors très bien établi dans l’Ouest canadien, puis en Ontario. Mais la firme avait besoin de quelqu’un ayant énormément de contacts chez les CP pour faire du recrutement.
« J’ai réfléchi pendant un bon moment. Ce n’est pas évident quand tu es wholesaler de faire le saut vers une seconde carrière, car c’est un très bel emploi. Mais l’opportunité qu’on m’offrait, de développer le Québec, me semblait assez exceptionnelle », lance Julie Ouellet.
Elle entre chez Raymond James en 2015. On lui confie d’abord le développement des affaires pour le Québec et la région Atlantique pour plus de quatre ans. Puis elle est nommée vice-présidente, gestion de patrimoine, Groupe gestion privée, Québec, en 2019.
Elle garde de bons souvenirs de son passage dans cette firme : « J’ai eu la chance d’assumer tellement de rôles que cela m’a permis de toucher à tout dans l’espace de très peu de temps. »
Vient alors l’appel de VMD, en 2022. « Quand VMD m’a offert la chance, si jeune dans ma carrière, d’avoir un rôle aussi intéressant et motivant que celui-ci, je n’ai pas pu refuser », mentionne Julie Ouellet.
Vision commune
Il n’est pas toujours nécessaire d’accomplir de grandes choses pour faire évoluer la situation sur le terrain et constater un impact positif, affirme-t-elle. « L’une de nos priorités était que nos troupes travaillent dans le même sens que nous. Il nous semblait important de mieux véhiculer notre vision et les projets sur lesquels on travaille. »
Cette volonté d’établir une plus grande proximité avec les équipes s’est incarnée notamment dans un processus visant à diffuser des informations chaque mois auprès des conseillers des neuf territoires. VMD a aussi fait croître le nombre de formations offertes et a consigné ses processus d’affaires afin que les bonnes pratiques soient partagées d’une région à l’autre.
Un processus consultatif a également été mis en place. Que ce soit pour développer des politiques, tester de nouvelles pratiques ou réviser la grille de rémunération, on consulte un comité composé de CP de différentes régions, différents groupes d’âge et différents styles de pratique.
Le message maintenant véhiculé sur le terrain est que tout le monde travaille ensemble, illustre la dirigeante. Si on voyait parfois une certaine compétition à l’interne auparavant, « cet aspect-là s’est beaucoup atténué, dit-elle. Depuis deux ans, le grand Desjardins travaille comme une grande équipe ».
Julie Ouellet évoque une vision commune qui guide les actions de tous les services afin de déterminer vers qui le membre doit être dirigé pour être le mieux servi selon ses besoins. Elle ajoute que les recommandations de clients entre les secteurs a recommencé, un apport qui constitue « un aspect important de notre croissance ».
La dirigeante précise que « la grande nouveauté cette année », c’est la collaboration avec les centres Desjardins Entreprises. « Que ce soit chez VMD, chez Service Signature, ou chez Gestion privée Desjardins, on s’assure que nos entrepreneurs vont nous choisir pour gérer leur patrimoine. »
La technologie est un autre facteur d’impact. Un logiciel de gestion de la relation client est graduellement mis en service, « non seulement chez VMD, mais aussi à travers le réseau des caisses ». Les premiers blocs qui ont été déployés concernent justement les recommandations. « Maintenant, quand il y a des références, on est capable d’[assurer un suivi] », indique Julie Ouellet. D’autres blocs seront déployés dans les prochains mois.
Sur le plan du soutien pour les fonctions administratives (back-office), certains processus ont été automatisés et d’autres le seront, dont ceux d’ouverture de compte. L’amélioration de la technologie est une priorité, selon elle, « parce que c’est une des choses qui ralentit la productivité de nos gens sur le terrain ».
La dirigeante admet que les nouvelles exigences réglementaires, dont la mise à jour plus fréquente des dossiers clients et la documentation détaillée des transactions, « sont un gros irritant pour nos CP. Ça apporte une lourdeur administrative assez importante ». En réponse à ceci, VMD a fait évoluer le rôle de ses conseillers surveillants afin qu’ils ne soient pas juste « la police », illustre Julie Ouellet, mais qu’ils jouent un rôle-conseil en apportant de meilleures pratiques d’affaires.
Pour accroître la productivité des CP, VMD travaille avec ceux qui souhaitent intégrer la gestion discrétionnaire à leurs activités. Celle-ci « va leur enlever beaucoup de coûts administratifs » et « atténuer un petit peu leur charge de travail ».
Avec son équipe, Julie Ouellet devra continuer de composer avec les tendances fortes du secteur, dont l’importance d’offrir des services personnalisés, qui incluent par exemple la gestion de l’aspect fiscal. Le soutien aux équipes de CP, lesquelles deviennent de plus en plus grosses, sera également une tendance à laquelle VMD devra s’adapter.
L’équipe de direction vise à « rendre la vie facile à nos conseillers dans leur pratique afin qu’ils passent le plus de temps avec leurs membres et leurs clients. D’être là pour eux et pour les soutenir », affirme-t-elle.
Et elle comprend l’importance de ce soutien : « Au fil de ma carrière, ce qui a été souvent le plus important, ce sont les gens qui m’ont entourée. J’ai travaillé avec des mentors qui le sont encore aujourd’hui ».