Ils sont souvent coincés entre les orientations de la haute direction et les besoins de soutien des conseillers. Bonne nouvelle, toutefois, ils sont généralement appréciés par une majorité de conseillers et leur note a progressé entre 2022 et 2023.
Ainsi, d’après le Pointage des courtiers québécois, les conseillers en placement liés à un courtier de plein exercice accordent à leur directeur de succursale une note moyenne de 8,5 sur 10 et une importance moyenne de 9,0. En 2022, ces notes étaient respectivement de 8,3 et 8,8.
Les notes varient d’une firme à l’autre, mais les écarts se sont réduits de 2022 à 2023. L’an dernier, les notes variaient de 6,6 à 9,5. Cette année, les évaluations vont de 7,3 à 9,3.
L’an dernier, par exemple, les conseillers de Gestion de patrimoine TD accordaient une note de 6,6 à leur directeur de succursale, par rapport à 7,3 en 2023. Le leader de l’année dernière, Raymond James, a reculé de 9,5 à 9,0, ce qui demeure une note honorable, mais le fait passer en deuxième position derrière iA Gestion privée de patrimoine, qui mène cette année le palmarès avec 9,3.
Le cas de Raymond James est exceptionnel, et guère représentatif. Pour toutes les firmes, le mouvement de 2023 est à la hausse, quelquefois de façon marquante. C’est le cas pour TD, comme noté précédemment, mais aussi pour CIBC Wood Gundy, qui voit sa note passer de 7,3 à 8,0, et pour Financière Banque Nationale, dont la note s’élève de 8,1 à 8,7.
Le recul de Raymond James reste quelque peu mystérieux pour Micol Haimson, première vice-présidente et directrice nationale du courtier. « Il y a eu un changement : c’est moi qui ai obtenu une promotion et j’ai dû embaucher une nouvelle personne pour diriger la plus grande succursale au Québec. Il faut peut-être du temps pour que les relations s’ajustent entre cette personne et les conseillers. Sinon, je ne peux pas expliquer la baisse. »
Fleurs et pots
En 2023, 67,7 % des représentants accordent à leur directeur une note supérieure de 9 ou 10 sur 10. Les éloges sont nombreux. « Depuis un an, [le directeur] fait un excellent travail, lance un conseiller de BMO Nesbitt Burns. Il est le meilleur directeur de succursale de mes 20 dernières années. »
Un conseiller de RBC Dominion Valeurs mobilières lance aussi des fleurs à son directeur, avec une touche de commisération : « Il fait de l’excellent travail, mais il est débordé en ce moment ; il lui faudrait un adjoint. »
Par ailleurs, 10,7 % des conseillers accordent une note de 6 sur 10 ou moins à leur directeur. Cette proportion est inférieure par rapport aux autres critères.
On comprend qu’un directeur peut polariser certaines équipes, voire déplaire à certains conseillers, dont celui-ci : « Le directeur de la succursale ne peut jamais rien faire. Il est toujours réactif plutôt que proactif. Il n’y a pas de sens d’urgence dans ses interventions. Il y a place à amélioration. »
À la Financière Banque Nationale (FBN), une conseillère juge que son directeur « ne devrait pas avoir ce poste ; il devrait être dans un autre [service] ». Chez un autre courtier, un conseiller s’exprime sans ménagement. « Il a l’esprit très fermé. C’est une bonne personne. Comme management, il est trop banque, trop compagnie. Il va dire, par exemple, que ce n’est pas plus rose ailleurs. Quel argument ! »
Les différends entre directeurs et conseillers sont la principale cause des départs de ces derniers, reconnaît David Lemieux, vice-président et directeur général de Valeurs mobilières Desjardins. « On le disait souvent, quand un conseiller quitte, c’est plus souvent à cause d’une mésentente avec le directeur ou la firme. » Micol Haimson est du même avis, mais elle constate que sa firme n’a pas connu de départs dans la dernière année. Pour elle, tout commence avec la sélection d’un directeur. « Quand on cherche, comme j’ai fait il y a un an, il faut s’assurer qu’on embauche quelqu’un qui a le souci d’être là pour les conseillers et de trouver la bonne solution pour tout le monde : clients, conseillers, firme. » Les conseillers sont les premiers « clients » des directeurs. « C’est avec cette attitude qu’on peut trouver une bonne recette », ajoute-t-elle.
Importante authenticité
Un autre critère majeur du sondage est celui de la réceptivité de la firme à l’égard des commentaires émis par les conseillers, également cruciale pour la motivation, à la fois celle du directeur et celle de l’entreprise.
Il vaut mieux ne pas prétendre à l’ouverture si elle n’est pas authentique. Un conseiller ironise : « Ah ! Pour être réceptifs, ils le sont, mais dès qu’ils se retournent, nos commentaires se retrouvent dans la toilette. » Un autre déplore ainsi de son directeur « son manque d’authenticité. Il pourrait n’y avoir personne à ce poste, ce serait la même chose. » Heureusement, les commentaires positifs l’emportent : « C’est une grosse entreprise, mais avec une impression d’entreprise familiale », dit un répondant chez Raymond James.
La forte remontée de la note de FBN laisse croire que certaines initiatives de la firme ont porté leurs fruits, particulièrement au chapitre de la réceptivité. « On fait beaucoup de sondages anonymes à l’interne, tout particulièrement reliés aux directeurs, ce qui nous permet d’ajuster nos relations », explique Simon Lemay, premier vice-président et directeur national pour le Québec et l’Est du Canada à la FBN.
De plus, la firme a mis en place un comité consultatif des conseillers – et du personnel de soutien – dans cinq régions. « Si on veut changer de politique, ajoute-t-il, le siège social utilise cette tribune pour consulter les gens. On est fort uniques avec un tel système. On est ambassadeurs de la communication ouverte. On ne se cache pas derrière des politiques trop rigoureuses et on encourage le dialogue avec les employés. »
Formation parfois carencée
Jean Morissette, consultant spécialiste du courtage de plein exercice, a aiguisé son regard puisqu’il a déjà eu plus de 2 500 conseillers sous sa direction. Selon lui, directeurs et firmes affrontent quatre défis majeurs : recrutement et rétention des conseillers, formation et développement de ceux-ci, encadrement et conformité, et accompagnement professionnel.
Tout cela constitue une charge considérable pour laquelle les directeurs peuvent manquer de formation adéquate. « Souvent, les directeurs ont une formation orientée surtout vers le développement de leur bureau, pas tant sur la gestion et les ressources humaines. Si les directeurs étaient mieux formés, ils seraient mieux armés pour appuyer leurs représentants dans tous les domaines, pas seulement celui des ventes. Ils sont l’interface entre la firme et les représentants et ils devraient très bien connaître tout le coffre à outils de la firme pour aider les conseillers : technologie, conseil, expertises comme la planification et la fiscalité, etc. Ce n’est pas qu’ils ne le connaissent pas, mais ils ne le connaissent pas assez. »
Le consultant met de l’avant une suggestion dont il a pu mesurer toute la valeur sur le terrain : effectuer un audit régulier des bureaux sur le plan des ressources humaines. « Chaque année, un [employé expérimenté] venait faire un audit et produisait un rapport. Si c’était fait [dans l’industrie], les directeurs seraient beaucoup mieux servis. Ça assurerait que les bonnes pratiques sont implantées et les mauvaises, éliminées. Où je l’ai vu réalisé, c’était grandement apprécié de part et d’autre. »