Premièrement, les nouvelles règles s’appliquant aux différentes réformes du droit de la copropriété divise au Québec depuis 2018 accroissent les pouvoirs et les charges financières du syndicat de copropriété. En conséquence, « les nouvelles règles nécessitent d’envisager des hausses de charges communes », a indiqué François Archambault, directeur principal du centre d’expertise Banque Nationale Gestion privée 1859 et formateur lors du congrès de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), en septembre dernier.
Deuxièmement, l’évolution du marché de l’assurance habitation augmente la probabilité qu’une ou plusieurs cotisations spéciales doivent être versées au syndicat de copropriété par un copropriétaire.
Évidemment, chaque situation est différente. Or, en raison de ces éléments, les copropriétaires ou les personnes qui envisagent d’acheter une copropriété devraient prévoir à leur budget des cotisations spéciales à payer au syndicat de copropriété. « Vos clients doivent avoir des montants suffisants ou la possibilité d’emprunter » pour faire face à ces nouvelles charges financières, selon François Archambault.
Revenons aux effets des changements au droit de la copropriété divise au Québec. Ces réformes ne touchent pas les copropriétés indivises, c’est-à-dire les propriétés pour lesquelles les copropriétaires détiennent une quote-part dans le bien, mais dont les parties communes et les parties privatives ne sont pas déterminées.
« Par exemple, quatre copropriétaires indivis d’un immeuble détiennent un quart du droit de propriété de l’ensemble de l’immeuble », lit-on dans la présentation de François Archambault. Ou encore, les deux membres d’un couple qui détiennent chacun la moitié de leur maison unifamiliale sont également des copropriétaires indivis.
La copropriété d’un immeuble est divise lorsque le droit de propriété se répartit entre les copropriétaires par fractions comprenant chacune une partie privative, matériellement divisée, et une quote-part des parties communes.
Le présent texte porte sur ce dernier type de copropriété.
En décembre 2019, le projet de loi 16 ajoute une responsabilité au syndicat de copropriétaires, soit la mission de veiller à ce que les travaux nécessaires à la conservation et à l’entretien de l’immeuble soient réalisés.
Ce syndicat doit ainsi constituer, en fonction du coût estimatif des réparations majeures à venir, un fonds de prévoyance liquide et disponible à court terme. La Loi oblige le syndicat à se doter d’une étude du fonds de prévoyance effectuée par un membre d’un ordre professionnel et mise à jour tous les cinq ans afin de s’assurer que le fonds est suffisamment capitalisé.
« Si le fonds est sous-capitalisé, une cotisation spéciale sera à prévoir », a noté François Archambault.
En raison de cette responsabilité précisée dans la Loi, si un copropriétaire néglige de faire des travaux dans sa partie privative qui peuvent causer un problème de conservation de l’immeuble, a précisé François Archambault, « le syndicat a le pouvoir de forcer le copropriétaire à faire les travaux. Le syndicat pourrait même faire des travaux et faire payer le copropriétaire par la suite. Ça lui donne un grand pouvoir. »
Depuis le 15 avril 2022, le syndicat devra aussi constituer un fonds d’autoassurance. Ce fonds servira au paiement des franchises prévues par les polices d’assurance qu’a souscrites le syndicat. Rappelons que ce dernier doit détenir une police afin de couvrir les parties communes (hall d’entrée, escalier, ascenseur, toiture, gros œuvre, etc.), les parties du bâtiment rattachées aux parties privatives (murs, fenêtres, planchers, etc.), les biens meubles qui appartiennent au syndicat, la responsabilité civile et la responsabilité des administrateurs.
Le montant d’assurance doit pourvoir à la reconstruction de l’immeuble conformément aux normes, usages et règles de l’art applicables à ce moment. Il doit être évalué au moins tous les cinq ans. Le coût de cette assurance sera payé par la contribution aux charges de l’immeuble de chaque copropriétaire.
« L’immobilier a pris énormément de valeur. C’est quelque chose qu’un futur acheteur devrait savoir, parce qu’on risque d’avoir à verser une cotisation spéciale », a-t-il mentionné.
Selon le formateur, dès la première année, le fonds d’autoassurance doit être capitalisé à au moins 50 % de la franchise d’assurance la plus élevée. L’année suivante, la différence devrait être capitalisée.
« Si un sinistre survient et nécessite de retirer un montant à même ce fonds, le syndicat de copropriété devra percevoir une cotisation spéciale dès l’année suivante. [Cela] vise à rétablir la totalité du fonds lorsque des sommes sont prélevées pour payer la franchise d’assurance lors d’un sinistre », lit-on dans la présentation de François Archambault.
Ainsi, dans les cas où la franchise de l’assurance est élevée et que le fonds d’autoassurance n’est pas suffisamment capitalisé, les copropriétaires devraient prévoir une cotisation spéciale.
L’enjeu, selon le formateur, est que de moins en moins d’assureurs font affaire dans ce secteur, ce qui empêche les syndicats de copropriété de magasiner une police à moindre coût. Il a donné l’exemple d’une copropriété qui avait fait une réclamation à son assureur habitation pour un dégât mineur.
« L’année suivante, la prime a été 24 fois la prime de la police de l’année d’avant. En voulant magasiner auprès d’un autre assureur, le syndicat s’est fait dire : “Tu as eu une réclamation, alors tu es non assurable chez nous.” Le syndicat est pris avec cette police », a-t-il relaté.
Selon les changements récents, bien que le syndicat assure l’ensemble de la copropriété, les copropriétaires devront souscrire une assurance personnelle pour la partie privative et prévoir une assurance responsabilité civile.
Or, la modification au Code civil du Québec pour rendre les syndicats de copropriété responsables d’assurer l’ensemble de l’immeuble entraîne certains problèmes, d’après François Archambault. Lors d’un sinistre, tant que la faute ne sera pas reconnue par l’assureur d’un copropriétaire présumément fautif, l’assurance du syndicat de copropriété – et donc de tous les copropriétaires de l’immeuble –doit couvrir les coûts des travaux.
Or, le copropriétaire d’un condo dans lequel un sinistre est survenu en raison d’un vice de construction ou d’un bris d’appareil électroménager ne sera pas considéré comme en faute par son assureur, a-t-il noté: « Même si les dommages sont attribuables au mauvais branchement d’un lave-vaisselle, par exemple, rarement la faute serait reconnue. Souvent, dans cette situation, l’assureur décline toute responsabilité, ce qui fait que c’est le syndicat qui doit maintenant assumer la réparation de l’unité touchée. Ensuite, le syndicat devra poursuivre le copropriétaire devant la Division des petites créances de la Cour du Québec pour tenter de récupérer les sommes perdues. »
En raison de ces hausses de coûts, il pourrait être tentant pour un syndicat de copropriété de louer des espaces communs à des tiers afin de générer des revenus susceptibles de payer les frais d’entretien de l’immeuble.
Cette stratégie comporte cependant un risque fiscal, car le syndicat pourrait perdre son statut d’organisme exonéré d’impôt et être imposé comme une entreprise, a noté François Archambault. Lorsque les critères de la loi sont respectés à l’égard d’un organisme sans but lucratif, le syndicat est exonéré d’impôt pour les charges communes qu’il perçoit des copropriétaires et les intérêts générés sur ces sommes, pourvu que ces sommes servent à la conservation de l’immeuble, au paiement des frais d’administration et à l’entretien des parties communes.
Acheteur averti
Pour l’ensemble de ces raisons, les clients qui envisagent d’acheter un condo devraient faire une vérification diligente de différents éléments, dont les états financiers de la copropriété et la conformité légale et fiscale du syndicat de copropriété. Ils ont également intérêt à examiner la capitalisation des différents fonds mentionnés précédemment et le carnet d’entretien.
Ils devraient exiger d’obtenir les informations sur les travaux qui ont été récemment effectués, y compris sur la qualité des matériaux utilisés, et considérer que la qualité moindre de ceux-ci en réduit souvent la durée de vie.
« Le meilleur conseil est d’aller consulter ces documents pour connaître l’historique de l’immeuble, dans la mesure où le syndicat de copropriété respecte ses obligations. On ne veut pas acheter des problèmes », a souligné le planificateur financier.