Figure bien connue du monde de la planification financière au Québec, Martin Dupras contribue depuis longtemps à faire rayonner la profession. En reconnaissance de son apport «jugé exceptionnel», l’Institut québécois de planification financière (IQPF) lui a décerné le titre de Fellow à l’occasion de son congrès annuel, le 25 septembre dernier.
Pour Martin Dupras, qui est planificateur financier depuis 1997, cette reconnaissance offerte par ses pairs, qui fut une «surprise totale», suscite «une très grande fierté».
Selon lui, l’un des moments forts de son parcours professionnel a été de se lancer à son compte, en 2010, afin de créer son entreprise de conseil et de formation, ConFor financiers. Or, il ajoute d’emblée que son implication au sein de l’IQPF est assurément un élément «très significatif» de sa carrière.
«Lorsque je me suis joint au conseil d’administration [CA] de l’IQPF, ça m’a ouvert sur beaucoup de choses. Principalement, sur le fait qu’on pouvait avoir une influence sur ce qui se passait dans le secteur et améliorer notre profession.»
«J’ai l’impression que tous les planificateurs financiers du Québec connaissent Martin Dupras», a témoigné Daniel Lanteigne, l’actuel président du CA de l’IQPF, lors de la cérémonie. «Il est tellement impliqué auprès de l’Institut ! Formateur, membre et président du conseil d’administration, rédacteur, négociateur… Il a tout fait ! C’est un peu normal, puisqu’il gravite autour de l’IQPF depuis 20 ans», a-t-il dit.
Martin Dupras a été administrateur au CA de l’organisme de 2007 à 2014, et l’a présidé de 2010 à 2012. Il est aussi l’une des trois personnes à l’origine des Normes d’hypothèses de projection, avec Nathalie Bachand, associée chez Bachand, Lafleur, groupe conseil, et Daniel Laverdière, directeur principal, Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.
Lancées en 2008 par l’IQPF, ces normes aident les planificateurs financiers à élaborer des projections financières à long terme, soit 10 ans et plus, libres de biais ou de préjugés potentiels, au bénéfice de leurs clients.
L’organisme de même que son partenaire canadien FP Canada, qui les a aussi adoptées, les établissent annuellement à partir de «sources externes variées et crédibles telles que les analyses actuarielles du Régime de rentes du Québec et du Régime de à l’affiche pensions du Canada, ainsi qu’une composante historique basée sur le S&P/TSX (actions canadiennes), l’indice composé S&P 500 (actions américaines), et le MSCI EAEO (Europe, Australasie, Extrême-Orient)», indique l’IQPF.
Les deux organisations sondent également un panel composé de personnes clés au sein d’institutions financières et d’autres organisations concernées sur leurs projections à long terme.
«Daniel Laverdière, Nathalie Bachand et moi, sans doute en raison de notre passé comme actuaires, durant lequel nous avons vécu un encadrement très normatif des hypothèses, nous disions que c’était un non-sens qu’il n’y ait pas ce genre d’encadrement offert en planification financière», explique Martin Dupras.
Le trio a donc bâti un projet pilote qui a été présenté lors d’un congrès de l’IQPF, afin de le faire évaluer. «La démarche a permis d’avoir le pouls de ce que la communauté était prête à recevoir, puis d’assurer une forme d’acceptabilité du projet. Car s’il y a un encouragement très fort à suivre les normes, ce n’est pas une obligation», précise Martin Dupras.
Daniel Laverdière est heureux que Martin Dupras ait mentionné ces normes comme étant une réalisation dont il est très fier, lorsqu’il a reçu le titre de Fellow de l’IQPF. «En 1999, je rejoignais la Banque Nationale, Nathalie Bachand prenait ma chaise à la Financière des professionnels et Martin Dupras prenait celle laissée vacante par Nathalie chez Aon. À partir de ce moment, nous avons toujours eu une belle amitié, mais surtout, une grande disponibilité pour échanger sur diverses analyses chiffrées», raconte Daniel Laverdière.
«Cette amitié a grandi davantage en 2008, quand nous avons partagé cette même passion de vouloir proposer des normes de projection», ajoute-t-il.
Modèle d’affaires unique
Bien malin qui aurait pu prévoir le destin de Martin Dupras et son engagement dans le secteur de la planification financière.
Ce Lavallois d’origine a grandi au sein d’une famille impliquée dans l’industrie du ski alpin, notamment aux stations du mont Gabriel et du mont Olympia. «Ma famille a vendu tous ses actifs il y a longtemps déjà, mais je fais encore beaucoup de ski», dit-il.
Martin Dupras a choisi d’étudier les mathématiques, pour lesquelles, avance-t-il en souriant, il avait «une certaine facilité». Il obtient son baccalauréat en actuariat de l’Université de Montréal (1990), puis transite au sein de firmes-conseils, y compris Optimum Placements, de 1995 à 1999, avant de rejoindre Aon.
«Aon avait un service de planification financière axé sur la communication et la formation sur les régimes de retraite pour les participants de nos clients. Lorsque j’y suis allé, c’était pour me joindre à ce service, que je gérais à la toute fin», indique Martin Dupras.
«En 2010, je suis devenu président du CA de l’IQPF. Parallèlement, d’un point de vue professionnel, j’ai eu envie d’être le “seul maître à bord”. Je suis parti à mon compte, je me suis lancé un peu dans le vide, mais, 10 ans plus tard, quelle bonne décision !»
«J’ai passé de superbes années en actuariat. Mais même actuellement, avec la pandémie qui change beaucoup de choses et apporte un certain stress, comme c’est aussi le cas pour beaucoup de mes confrères et consœurs, je suis heureux et à ma place», ajoute-t-il.
Martin Dupras est donc seul à bord de ConFor financiers, et ne distribue aucun produit financier, puisqu’il ne possède pas les permis requis. «Mes revenus sont issus à 100 % d’honoraires que je facture dans différents contextes.»
Ce modèle est peu utilisé au Québec. «Je serais étonné qu’il y ait plus de 10% de planificateurs financiers qui fonctionnent à honoraires seulement; la proportion est sans doute bien moindre. Mais c’est le modèle qui me convient, et nous sommes quelques-uns à l’avoir adopté», affirme-t-il.
Signalons qu’il a obtenu sa maîtrise en fiscalité de l’Université de Sherbrooke en 2014 et est devenu chargé de cours la même année pour cet établissement d’enseignement. Une activité qu’il poursuit encore aujourd’hui.
Bien qu’il ait quitté le CA de l’IQPF en 2014, Martin Dupras continue de s’impliquer activement auprès de l’Institut, notamment comme formateur.
Il s’est aussi joint au CA de FP Canada en 2017 et en est le vice-président depuis juin 2019. Cet organisme certifie les planificateurs financiers professionnels – soit plus de 18 500 au pays – et voit à l’avancement de la profession de planificateur financier au Canada.
Monde financier plus complexe
Au moment de «partir à son compte», Martin Dupras envisageait quelques branches d’activité. Il songeait d’abord à donner de la formation, à continuer de siéger comme membre indépendant à des comités de retraite, puis à prodiguer du conseil individuel, tant sur une base collective qu’auprès de particuliers.
À cet égard, il prévoyait que sa clientèle serait composée de cadres supérieurs et de professionnels, à l’image de celle qu’il servait chez Aon. «Mais ce que je constate, c’est que ma clientèle est extrêmement variée. Beaucoup de mes clients sont des personnes de la classe moyenne, pour qui mes honoraires représentent quand même un bon montant à payer.»
Est-ce à dire que les Québécois sont prêts à payer pour obtenir du conseil financier ? «Clairement pas tous, mais il y en a beaucoup qui le sont», répond Martin Dupras.
Il croit qu’étant donné que les régimes de retraite et la fiscalité, notamment, se sont complexifiés au cours des années, la clientèle type des conseillers se retrouve elle-même dans des situations plus complexes qu’avant. D’ailleurs, lorsque ses clients le questionnent, ils ont souvent déjà fait leurs recherches, observe-t-il.
«De nos jours, lorsqu’il est question d’une stratégie originale ou d’un produit spécifique, il suffit d’aller sur Internet et il est possible de lire sur le sujet dans les 47 prochaines secondes. Est-ce que l’information trouvée va être bonne, complète et approuvée ? Pas nécessairement, mais tout le monde a accès à de l’information et cette réalité fait que les clients sont souvent plus allumés», analyse-t-il.
En conséquence, si le client moyen en demande davantage, le conseiller moyen doit lui en donner plus, d’après Martin Dupras.
Il fait le parallèle avec les planificateurs financiers, à qui il enseigne régulièrement. «Le niveau de complexité de ce que l’on présente, et le niveau de questions que l’on reçoit de la part de l’auditoire n’ont aucune commune mesure avec ce que l’on observait il y a 20 ou 25 ans. Cela indique à quel point le conseiller moyen semble être tellement plus fort techniquement et combien son niveau de connaissances a fortement augmenté.»
Bien que Martin Dupras soit incapable de déterminer si le particulier moyen en sait plus maintenant sur les questions financières qu’il y a 20 ans, il a vraiment l’impression «que le monde financier dans lequel cette personne évolue est plus complexe qu’il y a 20 ans».
Pour cette raison, il lui apparaît que toutes les initiatives susceptibles d’améliorer, d’une part, la littératie financière, mais surtout, l’intérêt des particuliers à prendre leur santé financière en main sont pertinentes, peu importe d’où elles viennent. «Des initiatives comme celles d’ÉducÉpargne, de l’IQPF et des institutions financières – qui, bien qu’elles aient un esprit mercantile, proposent tout de même de l’information incroyable sur leurs sites Internet», illustre-t-il.
En outre, la profession a non seulement évolué techniquement, mais le mariage entre conseil financier et finance comportementale a pris de l’importance, selon Martin Dupras. La finance comportementale consiste à travailler avec les expériences passées du client, à cerner ses craintes et ses aprioris afin de comprendre comment il pense et ce qui le motive.
«J’ai beau présenter le meilleur plan financier du monde, si le client ne le suit pas, je ne l’ai pas aidé.»
Par ailleurs, l’essor des robots-conseillers va chambarder l’industrie du conseil financier, d’après Martin Dupras. Selon lui, des organisations comme l’IQPF et FP Canada peuvent jouer un rôle afin d’aider les conseillers à incorporer ces outils dans leur pratique et à s’en servir comme leviers pour en tirer le meilleur profit.
«Peut-être que le conseiller du futur aura beaucoup plus de clients, mais moins de travail administratif à effectuer. Cela va lui permettre de passer plus de temps à faire de l’analyse, à parler à son client, et à le rassurer», avance-t-il.