À en croire l’avis de plusieurs conseillers, le manque de fluidité dans les processus de certains assureurs ainsi que leur roulement de personnel plomberaient la productivité des représentants en assurance de personnes.
C’est ce que révèle le Baromètre de l’assurance, sondage en ligne dans lequel les conseillers en sécurité financière devaient déterminer ce qui nuit à leur efficacité au travail.
Résultat, un segment significatif de répondants montrent du doigt le service offert par certains assureurs.
Les conseillers en sécurité financière peinent à collaborer avec quelques assureurs qui offrent un service de souscription souvent trop lent ou des outils qui manquent d’uniformité d’une compagnie d’assurance à l’autre.
« Le principal problème actuellement est le service après-vente des assureurs », déplore un conseiller. Il se plaint également du manque de connaissances de certains interlocuteurs, du temps d’attente trop long pour joindre le personnel et des informations reçues qui sont parfois erronées.
Un autre répondant ajoute : « La souscription est parfois un processus long et ardu ». Les outils en ligne, hétérogènes d’un assureur à l’autre, nuisent gravement à la productivité des représentants. Le temps d’adaptation est conséquent lorsqu’un conseiller traite avec plusieurs assureurs, ce qui en pousse plusieurs à revenir aux méthodes traditionnelles sur papier.
Les plateformes des assureurs sont souvent lacunaires en informations et en possibilités de modification, constate un répondant. « Nous sommes constamment dépendants de l’agent général ou de l’assureur », précise-t-il, mettant en évidence une dépendance problématique.
L’allongement des délais de traitement par les assureurs pour les polices en vigueur est également critiqué. « Il semble que tout le budget soit dirigé vers les nouvelles affaires, au détriment du service aux clients existants », se plaint un autre conseiller.
« Beaucoup de compagnies n’ont pas d’outil fiable pour le suivi de dossier », déplore un autre sondé.
Face à ces témoignages, les dirigeants d’agences en assurance ne nient pas les problèmes soulevés. Caroline Thibeault, présidente du Groupe SFGT, reconnaît les problèmes d’efficacité et les attribue à divers facteurs, notamment la pandémie qui a induit une perte de productivité avec le télétravail ainsi qu’une pénurie de main-d’œuvre durable. Les fusions d’assureurs et les
nombreux changements de plateformes numériques ont également contribué à ces retards de service.
« Les conseillers se plaignent effectivement de perdre beaucoup de temps avec les assureurs, temps qui pourrait être investi dans le développement des affaires, confirme Dominic Demers, président de la Financière S_Entiel. Cependant, les communications avec les assureurs tendent à s’améliorer malgré de longs délais d’attente pour certaines réponses. »
La variabilité des outils d’un assureur à l’autre crée des situations particulières. « Les conseillers ont tendance à concentrer leur pratique sur deux ou trois assureurs qui se démarquent avec des outils simplifiés, plus faciles à utiliser. Parfois, ce n’est pas toujours la solution qui va être la plus adaptée pour le client qui est retenue, mais la solution qui est quand même la plus simple à mettre en œuvre sur le plan technologique pour le conseiller », explique Eli Pichelli, consultant de l’industrie de l’assurance de personnes.
Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers, rejette l’idée d’un manque de formation offerte par les assureurs, soulignant plutôt la complexité due à la multiplication des plateformes. « Les assureurs sont toujours prêts à donner de la formation sur leur application. Le manque d’uniformité des plateformes complexifie le travail, c’est vrai », explique-t-il. Les conseillers doivent donc apprendre à utiliser différents systèmes. « Cela dit, il est encore plus important pour un conseiller de se tenir informé des évolutions en matière de planification financière et de réglementation fiscale. »
L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue pour connaître la position des assureurs.
Gagner en efficacité
La solution passe par une meilleure organisation du travail, selon Gino-Sébastian Savard. « Les
conseillers ont de plus en plus de responsabilités et souvent trop de clients, vu la rareté de professionnels dans l’industrie. Pour réussir, ils ont donc besoin de se structurer pour offrir un service efficace », soutient-il. Cela veut dire d’embaucher des adjoints ou des adjointes détenant certains permis, qui peuvent les soutenir dans leurs tâches. Ou travailler en équipe avec des conseillers se spécialisant dans certains domaines pour gagner en efficacité.
« Ils doivent aussi utiliser les outils technologiques à leur disposition comme l’intelligence artificielle pour faciliter leur travail, ajoute-t-il. ChatGPT peut aider dans la rédaction de suivis de rencontres, de lettres de présentation aux assureurs, par exemple. Il faut bien sûr s’assurer que tout est conforme, mais cela permet d’économiser beaucoup de temps. »
La spécialisation pourrait être une stratégie avantageuse, permettant de réduire le nombre de fournisseurs et de mieux répondre aux besoins des clients. Face à la pénurie de main-d’œuvre, l’automatisation et la simplification des processus deviennent essentielles, croit Caroline Thibeault. « Les propositions électroniques sont une bonne avenue, dit-elle. Il y a aussi des assureurs qui ont décidé de simplifier leurs questionnaires afin d’accélérer le traitement des demandes. Après tout, prendre six semaines avant d’émettre une police entraîne un coût. »
Si les conseillers en assurance doivent naviguer parmi des défis significatifs liés à la productivité et à la gestion de la relation client, l’adoption de nouvelles stratégies et technologies, y compris une utilisation optimale des outils existants comme le logiciel de gestion de la relation client, apparaît comme un des moyens de surmonter ces obstacles. La capacité d’adaptation reste donc la clé de la pérennité et de la satisfaction client dans le domaine de l’assurance, conclut Gino-Sébastian Savard.