À 27 ans, Audrée de Champlain se prépare à prendre la relève de son père, Normand, chez NDC Services financiers, une firme qu’il a fondée il y a 35 ans. Elle est entrée au sein de la firme en 2015 dans l’objectif de prendre la direction de l’entreprise d’ici trois ans. Dès le départ, elle et son père ont fait équipe dans la gestion de la clientèle.
« Plutôt que de prendre de l’expérience au fur et à mesure sur des dossiers de plus en plus importants, on a voulu procéder différemment. J’ai accompagné Normand lors des rencontres avec les clients et il me présentait comme la relève. Cela a donné le temps aux clients d’apprendre à me connaître et moi, de me familiariser avec les dossiers. »
Pour la conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective, cela a constitué un apprentissage en accéléré. Cela lui a aussi permis de se positionner auprès de l’équipe de cinq employés et surtout de la clientèle. « C’est la clé, explique Audrée de Champlain. Il n’y a pas eu de choc pour les clients. Cela les rassure de savoir que je connais bien leur dossier. »
Une route parsemée d’écueils
Le transfert de propriété est amorcé. À ce jour, Normand de Champlain a cédé 30 % de ses parts à sa fille. D’ici trois ans, celle-ci deviendra actionnaire majoritaire alors qu’elle partagera la direction de l’entreprise avec un associé, un conseiller déjà en poste au sein de la firme.
Comme c’est souvent le cas en matière de relève, l’aspect financier du transfert d’entreprise a été relativement facile à régler pour les de Champlain. « Le défi de la relève, c’est plutôt qu’elle met en scène deux générations qui ont des idées et des façons de faire différentes. En plus, on vit des cheminements opposés. Moi, je dois prendre ma place alors que mon père doit laisser sa place », soutient Audrée de Champlain.
« Il faut beaucoup se parler et, surtout, bien se parler. Tout est dans la façon de dire les choses », explique Philippe Pratte qui est en processus de transfert de la firme Pratte Gestion de portefeuilles, qu’il a cofondé avec son père Raymond en 2015. « Je travaille avec mon père depuis 2008 alors que j’ai joint l’entreprise familiale. On a par la suite décidé de créer ensemble une nouvelle firme », explique Philippe Pratte, qui occupe le siège de président. Dès le départ, le rôle de chacun des associés a été clairement défini. Raymond Pratte, en tant que vice-président exécutif, est « le chef de la conformité » alors que Philippe gère les opérations quotidiennes.
Le côté humain du transfert exige la plus grande attention, selon lui. « C’est important d’avoir un processus structuré. Il faut surtout éviter de se retrouver avec des clans, que ce soit le jeune contre le plus âgé ou la famille contre les employés. L’essentiel, c’est de protéger l’entreprise dans cette transition », affirme Philippe Pratte.
Lui qui travaille avec son père depuis 10 ans estime que c’est à la fois une chance et un défi supplémentaire. « Les exigences sont forcément plus élevées. Il faut faire ses preuves. J’ai commencé au bas de l’échelle et j’ai appris les rouages de l’entreprise. Aujourd’hui, je peux dire que je comprends bien la business », explique Philippe Pratte, dont la firme, établie à Gatineau et bientôt à Tremblant, a plus de 100 M$ d’actifs sous gestion.
Frère et sœur aux commandes
Chez Assurances Provencher Verreault, la relève se fait en duo alors que Mathieu Verreault et sa sœur Karine se préparent à succéder à leur père Réal dans la firme familiale.
Un processus de relève qui se révèle plus compliqué qu’il ne le pensait, avoue Mathieu Verreault. Tout se joue dans la distribution des rôles. « C’est parfois difficile pour mon père de ne pas mettre son nez dans les opérations quotidiennes. Cela devient délicat pour les employés qui ont besoin de savoir qui prend les décisions en fin de compte. »
Dans un transfert d’entreprise, le lâcher-prise est le défi du fondateur. « Même quand mon père est en Floride, il suit ce qui se passe au bureau à distance », lance Mathieu Verreault en riant. Quelques réunions du conseil de famille ont permis de mettre les choses au clair. « Entre ma sœur et moi, il a aussi fallu préciser les responsabilités de chacun. On a parfois travaillé en double sur les mêmes projets. Aujourd’hui, on sait où l’on s’en va. Karine voit aux opérations alors que moi, je suis responsable du développement des affaires. On se complète bien. » Les deux ont de grandes ambitions pour l’entreprise qui est en forte croissance grâce à de récentes acquisitions. Le volume d’affaires actuel s’établit à 22 M$.
Un regard impartial
Les familles Pratte et Verreault n’ont pas fait appel à un consultant externe pour les accompagner dans le processus de relève. « Cela aurait pu être utile à certains moments », concède Mathieu Verreault.
Audrée de Champlain et son père ont choisi pour leur part de s’adjoindre une coach.
« Avec Sara [Gilbert], nous avions un regard impartial sur ce qui se passait. C’était important pour nous d’être sur la même longueur d’onde autant sur la vision de l’entreprise que sur la relation que nous voulions avoir. Nous avons ainsi établi la règle de ne pas attendre pour se dire les choses. C’est le meilleur investissement que nous avons fait », explique Audrée, qui a particulièrement apprécié cette aide pour préparer son absence durant son congé de maternité, elle qui est nouvelle maman depuis deux mois.
Les affaires continuent donc de bien rouler au sein de la firme de La Prairie dont les actifs sous gestion s’élèvent à 120 M$.