Dans le monde du travail d’aujourd’hui, l’importance de l’empathie émerge comme une valeur à privilégier. Cette faculté, longtemps oubliée, est aujourd’hui reconnue comme un facteur de succès organisationnel par les chercheurs.
Jamil Zaki, chercheur en psychologie à l’Université de Stanford, défend cette thèse dans son ouvrage The War for Kindness : Building Empathy in a Fractured World. Lors d’un balado de la série McKinsey Talks Talent, lui et d’autres spécialistes ont mis en lumière les bienfaits tangibles de l’empathie.
Jamil Zaki explique l’empathie comme un ensemble de trois interactions émotionnelles : l’empathie émotionnelle, cognitive et la compassion. Ces composantes, bien que distinctes, forment l’essence de l’empathie humaine et s’avèrent être des atouts sur le lieu de travail.
Imaginez que vous avez un collègue qui a l’air vraiment stressé à cause d’un projet. Cela peut vous rendre un peu tendu aussi, c’est l’empathie (ou contagion) émotionnelle.
Pour mieux comprendre ce qui ne va pas, vous posez des questions, vous écoutez, et vous essayez de voir la situation du point de vue de votre collègue. Cela vous aide à comprendre le pourquoi du comment, c’est l’empathie cognitive.
Enfin, si vous êtes vraiment concerné par votre collègue, vous ne vous contentez pas de comprendre, vous voulez aussi aider, que ce soit en allant prendre un café pour en parler ou en proposant de partager certaines tâches. C’est la compassion, qui est comme un pas supplémentaire au-delà de la simple compréhension.
Créer une culture empathique
Jamil Zaki déplore la croyance répandue que l’empathie représente une faiblesse dans l’univers professionnel. Il la qualifie plutôt de « superpouvoir ». Selon lui, les employés qui perçoivent leur organisation et leurs gestionnaires comme empathiques sont moins susceptibles de souffrir de maladies liées au stress et d’épuisement professionnel, et sont plus enclins à rester dans l’entreprise. Ils se montrent également plus innovants et plus disposés à prendre des risques créatifs.
Un obstacle à la pratique de l’empathie serait les structures hiérarchiques rigides et la pression chronique, selon Jamil Zaki. La pression du temps peut réduire la capacité à être empathique. Il est donc impératif de repenser les rôles des cadres pour qu’ils puissent se connecter avec leurs équipes.
L’empathie n’est pas un trait fixe, mais une compétence que l’on peut développer avec la pratique, assure le chercheur. Il souligne l’importance de l’intégrer dans les interactions quotidiennes plutôt que de se limiter à des initiatives ponctuelles. Il conseille aux dirigeants de poser des questions plus ouvertes et attentives pour renforcer l’empathie au sein de leur équipe.
Bryan Hancock, expert en gestion du temps, suggère pour sa part de réduire le nombre de personnes sous la responsabilité directe de chaque gestionnaire ou d’automatiser certaines tâches pour libérer du temps pour le mentorat. Cette approche pourrait non seulement améliorer le bien-être des employés, mais également accroître leur productivité et leur engagement.
Jamil Zaki met toutefois en garde contre l’usure de la compassion, lorsque trop d’empathie mène à l’épuisement. Il propose de pratiquer l’autocompassion et de maintenir des limites saines pour éviter l’épuisement professionnel.
Le défi majeur reste de gérer les personnes manifestant peu d’empathie. Il est donc important de valoriser et de récompenser les comportements empathiques au travail, créant ainsi une norme sociale qui encourage la gentillesse et la compréhension mutuelle. De plus, adopter une approche de curiosité plutôt que de confrontation face à des comportements problématiques peut aider à en comprendre les raisons sous-jacentes et à y répondre de manière plus efficace.