Lyne Larochelle est l’une des pionnières de la finance responsable au Québec. Membre de l’Association pour l’Investissement responsable (AIR) depuis près de dix ans, elle a notamment aidé à développer la formation pour être dit « spécialiste en ESG » (environnement, social et gouvernance) en français.
« On m’a demandé de revoir la version en français. J’ai fait un peu d’édition, puis je l’ai tout de suite complétée pour tester les réponses. Je suis donc certainement la première francophone à l’avoir réussie », raconte la représentante en épargne collective et conseillère en sécurité financière chez Investia.
Pourtant, la profession de conseillère n’est pas la première carrière de Lyne Larochelle. Celle-ci a travaillé près de 13 ans en Afrique (au Burkina Faso, au Sénégal et au Bénin) auprès d’organisations de défense des droits de la personne, de conservation de la nature et de santé publique. Elle a notamment été responsable d’un programme côtier et marin du World Wildlife Fund (WWF).
Lorsque son père l’a convaincue de prendre sa relève et qu’elle a obtenu son permis en fonds communs de placement, cela lui a semblé instinctif de demander autour d’elle s’il existait des fonds responsables.
« L’investissement responsable (IR) repose vraiment sur une conviction. Je veux avoir un impact et je suis soucieuse de la durabilité: jeter moins, réduire les pertes, les droits de la personne… »
Il lui a tout de suite semblé logique que ses convictions devaient se refléter dans son travail. Les portefeuilles de son père étaient déjà composés, mais « chaque représentant se faisait systématiquement poser la question s’il avait quelque chose dans sa valise qui était socialement responsable ».
« À l’époque j’étais vue comme un peu casse-pied », s’amuse-t-elle.
À ce moment, un représentant s’est démarqué : Industrielle Alliance, dont la compagnie Investia abritait les fonds iA Clarington.
« Comme ces produits ont une gamme de fonds socialement responsable, ça m’a intéressée de les regarder plus à fond. J’avoue que, maintenant, la plupart de mes portefeuilles ont des fonds socialement responsables de chez iA Clarington, car ils sont très bien gérés. Ils ont aussi rapidement pris la décision de défossiliser leurs fonds. »
Une clientèle qui lui ressemble
Lyne Larochelle a repris évidemment la clientèle de son père. Venant de Lévis, son père comptait beaucoup d’agriculteurs et de producteurs laitiers parmi ses clients.
« Faire allier des considérations climatiques ou de droit de la personne, ça a une résonnance pour ces gens-là », affirme la conseillère.
« Pas d’emblée, concède-t-elle, car ils ont aussi un côté très conservateur, mais la fibre environnementale est là. »
Ces professionnels sont directement affectés par les changements climatiques. Par exemple, la sécheresse de cet été a eu un effet néfaste sur la nourriture pour le bétail. Selon elle, il n’y avait donc qu’un pas pour les amener à avoir des considérations pour l’environnement dans leurs investissements.
« Maintenant, ma clientèle ressemble de plus en plus à mes convictions, s’amuse la conseillère. De plus, dès qu’un professionnel a des convictions et qu’il ne trouve pas une oreille attentive de la part de son conseiller, je peux présenter mes services. »
Effectivement, avec les années, la clientèle de Lyne Larochelle s’est diversifiée. Elle compte maintenant notamment des ingénieurs et des professionnels de la santé. Mais ils ont tous un point commun : ils ont tous des convictions liées à leur profession et veulent que celles-ci se reflètent dans leurs placements. Comme l’IR n’est pas encore très répandu, lorsqu’ils cherchent quelqu’un pour les représenter, ils tombent souvent sur elle.
D’ailleurs, parmi ses nouveaux actifs, une grande majorité, presque 90 % selon ses calculs, s’en vont en IR et elle s’efforce toujours à faire transiter les autres. Elle sait toutefois que sa transition ne pourra jamais atteindre 100 %, car certains clients à valeur élevée ont des fonds qui sont investis depuis longtemps dans des placements non enregistrés qui seraient difficiles à déplacer sans entraîner de lourdes conséquences fiscales, ce qu’elle refuse d’infliger à ses clients.
Une évidence
Lyne Larochelle est convaincue que très rapidement l’IR deviendra une évidence. En réduisant les risques, comme les risques ESG, on pratique une finance, selon elle, plus durable et moins soumise aux soubresauts du marché. Une réalité que la pandémie a d’ailleurs mise de l’avant.
« Les fonds, qui n’avaient pas fait ce passage-là, vont moins bien se relever », appuie-t-elle.
« Je suis passée de marginale à originale et je m’en viens presque géniale, blague-t-elle en expliquant que selon elle, dans l’IR, il y a un côté visionnaire.
Certains gestionnaires semblent d’ailleurs l’avoir compris. David Fingold par exemple, n’emploie pas l’étiquette ESG, par contre il évite les matériaux et l’énergie. « Ça se reflète dans ses performances, c’est pour ça que je considère Dynamique lorsque j’ai un client avec un gros portefeuille », assure Lyne Larochelle.
Pour l’instant la majorité des actifs qu’elle gère sont investis dans des portefeuilles d’iA Clarington où le gestionnaire choisit des fonds qui ne contiennent pas d’énergies fossiles – puisqu’iA a fait sa sortie de ce type d’énergies – et qui peuvent être des actions ou obligations vertes.
Quand l’actif du client est plus important, elle « assaisonne » ces portefeuilles avec des fonds particuliers, comme le fonds d’actions mondiales Leader en environnement NEI, un fonds qu’elle affectionne. Il affiche un rendement composé de 7,1 % depuis sa création en janvier 2016 (série F) et son ratio des frais de gestion (RFG) est de 1,44 %.
« On sait que c’est un fonds d’avenir, car il cherche les opportunités créées par la raréfaction de l’eau, par l’énergie renouvelable, la prolifération des déchets… », explique-t-elle.
En matière de produits, elle aime faire cohabiter des fonds qui pratiquent l’exclusion et d’autres qui cherchent à modifier les façons de faire des entreprises. « Souvent, le discours actionnarial vient avec, donc on n’a pas à se priver de l’un ou l’autre », souligne-t-elle.
Lyne Larochelle cherche également à donner la chance aux nouveaux fonds. Elle a ainsi adopté un fonds qui ne performe pas encore très bien, mais qui est vraiment tourné vers l’énergie renouvelable, le Fonds d’actions mondiales de l’environnement Mackenzie. Elle le propose seulement à ses clients qui ont de fortes convictions et qui peuvent allouer une partie de leurs actifs à ce fonds sans que cela n’ait d’impact sur leur plan.
« Quand je le présente, je dis à mon client “c’est parce que tu as des convictions et parce que tu es capable d’accepter d’avoir de moins bons rendements. Tu es en train d’acheter un fonds qui aujourd’hui ne semble pas avoir de valeur, mais qui va probablement éblouir plus tardˮ », rapporte-t-elle.
Selon elle, c’est la touche « avenir ».
Finalement, elle estime que les clients devraient inciter leur conseiller à prendre conscience, à s’informer et à écouter leurs convictions.
« Mon slogan c’est: “ Décidez de votre prospérité ˮ. Aujourd’hui, parler de retraite avec les jeunes c’est trop loin, mais on parle de liberté financière et là-dedans tu as la liberté de choisir comment tu veux monter ton portefeuille. »