Lancée en 2017 par Patrick Roy, Ophelia propose une solution innovatrice au problème d’endettement des Canadiens. Derrière ce nom onirique inspiré par l’univers de David Bowie, se cache une entreprise bien concrète. Celle-ci rembourse les dettes de cartes de crédit de ses clients et, en échange, ces derniers contractent un prêt avec l’entreprise à un taux moins élevé que celui qu’ils avaient avec leur banque. Actuellement, le taux se situe ainsi entre 14,5 % et 18,25 %, selon le profil de risque de crédit de la personne.
Mais, le côté moins orthodoxe de l’entreprise c’est qu’une partie du paiement est mis de côté dans un compte épargne, afin d’aider ses clients à mettre de l’argent de côté. Par exemple, un client, qui devait payer 200 $ par mois pour rembourser sa dette de carte de crédit, va payer le même montant avec Ophelia, mais environ 35 $ va être mis automatiquement dans un compte épargne.
La genèse de l’idée
Patrick Roy a un parcours quelque peu atypique, ce qui lui « amène un point de vue différent » sur la finance. Il a d’abord entamé un baccalauréat en psychologie avant de se lancer en comptabilité en 2013. Il a finalement terminé son MBA en 2018.
Ce changement de parcours, il le doit à sa mère qu’il a accompagnée dans un processus de faillite. « Ça m’a marqué de passer à travers ça avec elle, parce que je me sentais impuissant. J’ai trouvé ça difficile, surtout que ça a brisé sa confiance un moment », raconte-t-il en entrevue.
Pendant ses études en comptabilité, Patrick Roy a travaillé dans des banques dans des centres d’appel ou comme consultant. Il s’est ainsi rendu compte que sa mère était loin d’être la seule dans cette situation. Comme consultant, il a pu travailler auprès de différentes banques, dans différents niveaux de la hiérarchie, ce qui lui a permis de voir l’envers du décor.
« C’est là que j’ai constaté que si quelque chose devait être fait pour changer la relation que les gens ont avec leurs dettes, ce n’est malheureusement pas les banques qui allaient être les plus dynamiques ».
Il a donc décidé de faire de l’endettement son cheval de bataille. Il a quitté son emploi chez Chappuis et, après 8 mois, il a finalement trouvé l’idée d’Ophelia qui combine la consolidation de dettes de carte de crédit et l’accumulation d’épargne.
Le Saint-Graal du désendettement
Cependant, Patrick Roy ne compte pas s’arrêter là. Il est conscient que pour réellement sortir ses clients du désendettement, rembourser leurs dettes ne suffira pas. Selon lui, c’est un parcours en trois étapes:
- La sensibilisation: que les gens prennent conscience de quand ils dépensent impulsivement
- Des conseils pratiques: assembler et produire de petits trucs pratiques pour aider les consommateurs à ne pas trop sacrifier leur style de vie tout en dépensant moins.
- Que l’industrie continue d’innover en développant de nouveaux produits comme Allset, qui aide les gens à mieux magasiner leur assurance habitation; Ophelia qui permet de consolider les dettes tout en épargnant; ou comme Mylo qui aide les gens à épargner en arrondissant vers le haut leurs dépenses et cette épargne est investi dans des REER ou des CELI.
Si son entreprise répond essentiellement à la troisième étape, Patrick Roy veut également s’attaquer aux deux autres notamment grâce à la section « Pas besoin de couper dans le café » de son site qui offre des trucs pratiques pour aider les gens à moins dépenser dans leur quotidien dans des textes personnels et humoristiques.
« C’est une chose de dire qu’il faut faire attention à nos dépenses personnelles et avoir des connaissances en littératie financière, mais à la base un humain c’est impulsif. À travers nos textes, on veut montrer que ce n’est pas si simple de changer ses habitudes et d’améliorer sa santé financière. Avant de porter un regard accusateur et moralisateur, ces textes désamorcent la situation, déculpabilisent les gens et montrent que nous sommes tous dans le même bateau », explique Patrick Roy.
Un discours différent
Ophelia met beaucoup de l’avant ses textes humoristiques pour tenter de rejoindre le plus de consommateurs possibles et montrer que, chez Ophelia, ils ont un ton et une approche différente des grandes institutions financières.
« En plus de notre solution financière, nous voulons changer la façon dont on parle d’argent, souligne le fondateur de la firme. Ça fait un petit bout que je suis dans le domaine et c’est toujours les mêmes façons d’en parler. Je sais qu’il y a des tentatives de faire des vidéos ou d’utiliser des moyens de communication plus engageants, mais je pense que ce n’est pas assez. »
Il espère que d’autres suivront son exemple, car pour le moment, il remarque peu de changements du côté du désendettement. « Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Peut-être que l’industrie n’a pas la bonne approche ou qu’il manque un petit morceau, je ne sais pas », affirme-t-il.
Pour le moment, Ophelia compte cinq clients, qu’elle a accueillis en avril 2019 et auxquels elle a prêté 63 000 $, mais, étant donné les résultats positifs, Patrick Roy compte bien en accueillir d’autres dès qu’il trouvera de nouveaux investisseurs. Les premiers fonds avancés aux clients proviennent de Patrick Roy et de son coactionnaire Fahd Bouayed, un professionnel de la finance et ancien collègue de Patrick Roy chez Chappuis. Cependant, le fondateur d’Ophelia cherche actuellement de nouveaux actionnaires parmi les institutions financières, les organismes intéressés et les particuliers.