Annick Kwetcheu Gamo souhaite vulgariser la réglementation financière et la rendre plus accessible afin de protéger les investisseurs.
La réglementation financière utilise souvent un langage hermétique et difficile à comprendre pour des non-initiés. Les investisseurs individuels ont donc tendance à peu s’y intéresser, ce qui les expose à des risques accrus, affirme Annick Kwetcheu Gamo.
En 2019, cette passionnée d’éducation financière a fondé Code F, une entreprise qui offre du coaching financier aux individus et aux entreprises.
En juillet dernier, elle s’est jointe au Groupe consultatif des investisseurs formé par les Autorités canadiennes des valeurs mobilières (ACVM). Ce groupe, composé de spécialistes en droit, en valeurs mobilières et en défense des consommateurs, a été mis sur pied afin de faire remonter les besoins des investisseurs, notamment en ce qui concerne leur protection.
L’entrepreneure souhaite profiter de ce mandat pour faire valoir l’enjeu de la simplification de la règlementation financière pour le commun des mortels.
L’industrie a pris du retard
« On assiste à une grande démocratisation de l’investissement autonome. Il est donc important que la règlementation suive cette tendance. Sinon, le risque est qu’elle échoue à rejoindre les personnes qu’elle vise à protéger », assène-t-elle.
Les plateformes d’investissement autonome ont très tôt adopté une approche plus directe pour s’adresser à monsieur et madame Tout-le-Monde. En comparaison, l’industrie traditionnelle a pris du retard, constate la femme d’affaires.
Selon elle, il faut vulgariser le jargon utilisé dans les documents d’information financière, mais aussi mieux expliquer et faire connaître la mission des régulateurs au public.
Il est urgent d’agir, dit-elle, alors que des véhicules d’investissement alternatifs à haut risque, tels que les cryptoactifs et le marché des devises (Forex), sont très populaires auprès des investisseurs autonomes.
« L’investissement autonome est sexy, mais les gens ne savent pas dans quoi ils s’embarquent ni où trouver de l’information pertinente pour se protéger. »
L’œuf ou la poule
Par où devrait-on commencer ? C’est l’œuf ou la poule, reconnaît Annick Kwetcheu Gamo. Est-ce aux investisseurs d’aller chercher une information conçue pour eux ou est-ce à l’industrie de s’assurer que les règlementations soient accessibles à ceux qui en ont besoin ?
La réponse se trouve à mi-chemin. D’un côté, il faut proposer des campagnes de sensibilisation et créer du contenu vulgarisé sur des sujets sensibles, comme la série de vidéos réalisée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur les risques de l’investissement dans les cryptomonnaies.
D’autre part, il faut que les investisseurs soient exposés à ces informations et qu’ils y aient accès facilement. « Pour relayer le message, on a besoin de partenariats solides entre des groupes d’investisseurs et des organisations d’éducation financière », estime l’entrepreneure.
Éduquer, accompagner, outiller
En octobre prochain, Code F finalisera son plan stratégique 2022-2026, qui portera sur trois axes : éduquer, accompagner et outiller les citoyens pour les aider à cheminer vers l’autonomie financière. Cette triple mission est assurée grâce à du coaching, des ateliers d’éducation financière, des guides et des outils pour aider les citoyens à devenir des investisseurs éclairés.
La santé financière est au cœur de ce plan, en cohérence avec les principes de l’économie sociale et de l’investissement d’impact chers à la fondatrice de Code F.
« La santé financière a un impact sur la santé psychologique des individus, mais aussi sur la performance de la société tout entière », assure-t-elle.
Du Cameroun au Québec
Née au Cameroun, Annick Kwetcheu Gamo a vécu en France avant de poser le pied dans la ville de Québec, en 2010, dans le cadre d’un échange universitaire. Elle ressent alors un vrai coup de cœur pour cette ville, et n’a jamais songé à la quitter.
Durant ses études en gestion internationale à l’Université Laval, elle crée Mon code F, une plateforme pour améliorer la sécurité financière. Le projet d’étudiante se transforme en entreprise dix ans plus tard.
Avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, Annick Kwetcheu Gamo se destinait à une carrière dans l’assurance. Elle a fait ses premières armes chez iA comme analyste pour les régimes de retraite. « J’y ai développé une véritable passion pour les stratégies d’épargne des individus », rapporte-t-elle.
Parallèlement, elle constate qu’il existe de grandes failles dans l’éducation financière. « Quand j’ai acheté mon premier duplex, on me posait souvent des questions sur les stratégies financières que j’avais mises en place pour l’acquérir. Cela m’a donné envie de démocratiser ces connaissances en aidant les gens à prendre leurs finances en main », illustre-t-elle.
Impact social
Femme engagée, Annick Kwetcheu Gamo s’implique avec conviction dans le développement économique et l’entrepreneuriat, au sein de l’Association des femmes entrepreneures du Québec (AFEQ), dont elle est vice-présidente pour la division régionale, et dans le conseil d’administration du Pôle des entreprises d’économie sociale de la région de la Capitale-Nationale.
En tant que jeune femme immigrante issue de la communauté noire, elle est consciente de représenter un modèle. « J’ai un rôle à jouer en tant qu’entrepreneure représentant la diversité dans un secteur de l’industrie où nous sommes peu nombreuses. J’essaye d’intégrer cette préoccupation chaque jour dans mon entreprise », dit-elle.