Élisabeth Viau se destinait à une carrière en communication et marketing. Elle a changé d’avis après avoir suivi des cours en finance. « J’ai réalisé que le secteur financier apportait des défis emballants. C’est aussi un domaine où je peux mettre à profit mon côté créatif et entrepreneurial. »
La jeune femme s’est inscrite au baccalauréat en gestion des affaires de HEC Montréal en 2018, « sans avoir beaucoup de connaissances en finance », dit-elle en entrevue à Finance et Investissement. Ce qu’elle savait, néanmoins, c’est qu’elle voulait « s’impliquer dans un tas de projets ». C’est ce qui l’a amenée à participer durant ses études au fonds HEC Banque Nationale et à s’engager dans la Société de relation d’affaires (SRAS) de HEC, où elle a agi à titre de vice-présidente marketing.
Durant sa formation, elle a notamment découvert le potentiel de l’utilisation des données client, ce qui l’a motivée à s’inscrire à la maîtrise en intelligence d’affaires une fois son baccalauréat terminé.
En mai dernier, elle a décroché son premier poste dans une entreprise du secteur en se joignant à la fintech montréalaise Boursify. En tant qu’analyste, son rôle consiste à développer le potentiel commercial de la plateforme de simulation boursière créée par la jeune pousse qui a vu le jour en 2018, à l’initiative de deux étudiants au Collège Grasset de Montréal, Patrick Vigeant et François Lévesque.
Ils ont eu l’idée de développer une plateforme de simulation boursière s’inspirant de l’univers des jeux d’aventure. Les apprentis boursicoteurs sont invités à investir virtuellement un montant théorique d’un million de dollars dans une dizaine d’entreprises fictives qui se distinguent par leur secteur d’activité et leur modèle d’affaires.
Le projet scolaire est devenu une entreprise qui compte aujourd’hui parmi ses clients une institution financière et des établissements d’enseignement universitaire. L’an prochain, la start-up vise percer le marché du secteur collégial.
Initier à la finance par le jeu
« Notre but est d’initier le plus grand nombre possible d’étudiants à l’investissement à travers une activité ludique, intense et mémorable », déclare Élisabeth Viau.
Selon les sondages d’appréciation effectués par l’entreprise auprès des participants, une majorité (97%) des élèves recommanderaient l’expérience de la simulation à leur prochaine cohorte et 92% d’entre eux ont l’impression d’avoir appris ou approfondi de nouveaux concepts.
Personnaliser l’expérience client
Dans le cadre de son mémoire de maîtrise, Élisabeth Viau travaille également à développer un outil de rétroaction personnalisé basé sur l’analyse du comportement des utilisateurs de la plateforme en temps réel.
Cet outil permettra éventuellement de compléter l’expérience des « joueurs » par l’apport de conseils en investissement, par exemple pour les inciter à augmenter le niveau de diversification de leur portefeuille.
Les données, une mine d’or sous-exploitée
La jeune femme est convaincue que les données des clients représentent une mine d’or sous-exploitée par les institutions financières. Elle et persuadée notamment qu’il est possible d’aider les entreprises à prendre des décisions plus écologiques grâce à l’intelligence d’affaires.
« Il y a dans les données de quoi répondre aux grands enjeux environnementaux de la planète, que ce soit pour calculer le taux de consommation d’eau des utilisateurs ou les émissions de GES », estime-t-elle.
La plateforme de simulation boursière de Boursify propose divers scénarios qui incluent des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Plusieurs d’entre eux intègrent par exemple la raréfaction de certaines ressources et le déclenchement de catastrophes climatiques dans les modèles économiques soumis aux utilisateurs.
Attirer les jeunes femmes en finance
Élisabeth Viau croit qu’on pourrait même aller plus loin avec ce type d’outil pédagogique. « On pourrait par exemple mettre de l’avant le côté accessible du domaine des finances pour toutes les jeunes femmes québécoises qui souhaitent évoluer dans ce milieu », illustre l’analyste, qui a décroché une bourse de la Banque Scotia dans le cadre de l’initiative Secteur bancaire au féminin, créée afin d’attirer les étudiantes dans ce domaine d’études.
Alors que les femmes demeurent sous-représentées dans les postes décisionnels et les conseils d’administration des institutions, selon une étude récente de l’Association des banquiers canadiens (ABC), Élisabeth Viau croit que pour changer la donne, « on pourrait dès le secondaire et le cégep: tenir des activités qui introduisent la finance de manière très inclusive et intéressante afin de rendre claires les possibilités de carrière accessibles à tous ».
Elle croit qu’on pourrait également offrir davantage de bourses aux femmes qui étudient en finance et organiser des événements de recrutement qui visent les femmes directement.
« La création de plus de groupes de femmes en finance et en investissement dans les institutions permettrait de faire rayonner la place des femmes et de donner le goût à de jeunes femmes de s’impliquer », conclut-elle.