Quelque 40 % des répondants de notre récent sondage en ligne sur les grands enjeux de l’industrie des services financiers jugent que les conseillers qui débutent dans l’industrie ont besoin d’être mentorés par un conseiller d’expérience. Avant de prendre un jeune sous son aile, il faut toutefois réfléchir aux éléments suivants.
Le temps
Certes, le temps est une denrée rare chez les conseillers, mais former un collaborateur junior ne se fait pas d’un seul coup. « Il faut compter au minimum cinq ans. Idéalement, il faudrait même commencer à y songer 15 ans à l’avance ! » affirme Luc Doyon, un psychologue qui a accompagné des représentants dans leur relève.
En s’y prenant à l’avance, le conseiller senior aura l’occasion de travailler aux côtés de son successeur pendant quelques années. Cela lui permettra, entre autres, d’enseigner au junior le fonctionnement du cabinet, de lui présenter les produits avec lesquels il travaille et de lui exposer les particularités des portefeuilles de chaque client.
L’encadrement
« Pour développer le potentiel humain, il faut créer un sentiment de sécurité. Or, des directives claires ont généralement un effet apaisant », estime Luc Doyon.
Le problème, c’est que les personnes qui appartiennent à la génération Y n’aiment pas qu’on leur dise quoi faire. « Heureusement, tout n’est pas perdu, puisqu’elles n’ont aucun mal à suivre les règles dont elles comprennent le sens », précise Luc Doyon.
Il faut donc indiquer clairement à la recrue ce qu’elle peut faire et ce qu’elle ne peut pas faire, en prenant bien soin de lui expliquer pourquoi.
Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier et associé et coach chez Virage Coaching, croit lui aussi à l’importance de l’encadrement.
« Au sein de notre cabinet, nous avons mis en place toute une série de procédures et établi un modèle de gestion de portefeuille. Lorsque nous embauchons un nouveau collaborateur, nous nous assurons qu’il respecte cette approche, afin qu’il réponde à nos standards d’excellence », dit-il.
Le besoin d’autonomie
Encadrer ne signifie pas étouffer. « Il faut cultiver l’initiative, à condition que le junior respecte les valeurs du cabinet », croit François Jarry, conseiller en sécurité financière et président de la firme SAFJ.
En plus de contribuer à la valorisation de la recrue, cette attitude permet au senior de profiter de certaines compétences qui lui font défaut. « Mon acolyte, Justin Cormier, est meilleur que moi pour s’occuper de la paperasse et de l’administration. À son arrivée, je lui ai donc délégué cet aspect de l’entreprise », illustre François Jarry.
Son jeune conseiller a ainsi eu toute la latitude nécessaire pour mettre en place un système qui facilite beaucoup la gestion administrative du cabinet.
La gestion des erreurs
Les erreurs sont inévitables, et jusqu’à un certain point, souhaitables, car elles sont formatrices.
Lorsqu’un junior se fourvoie, son mentor ne doit pas s’en laver les mains, au contraire, il doit lui offrir un soutien indéfectible, tant sur le plan moral que sur le plan affectif, juge François Jarry : « On doit prendre le temps de revenir sur cette expérience avec son successeur, afin de vérifier quels leçons il en a tirés et quels moyens il compte mettre en place pour éviter que ça ne se reproduise. »
Pour qu’une bévue devienne une occasion d’apprendre, les deux parties doivent toutefois mettre leur ego de côté.
« La recrue doit avoir l’humilité de reconnaître qu’elle s’est trompée, et le conseiller d’expérience doit se montrer indulgent, en gardant en tête qu’il a lui-même commis des erreurs », insiste Luc Doyon, qui est également conférencier et coach.
La présentation aux clients
Le départ à la retraite d’un conseiller avec lequel ils ont tissé une véritable relation peut être angoissant pour des clients. « Il faut donc rester dans leur zone de confort et éviter de précipiter les choses », recommande Luc Doyon.
Selon le psychologue, présenter son successeur à ses clients par téléphone ou par courriel est une mauvaise idée, car ces modes de communication sont trop impersonnels.
« Il vaut mieux l’inviter à se joindre à la rencontre en personne. Lors des premières rencontres clients, [le successeur] doit se contenter d’observer, puis à mesure qu’un lien de confiance s’établit entre lui et le client, il pourra se permettre d’intervenir de plus en plus », poursuit-il.
« Pour aider mes clients à connaître un peu mieux mon associé, je leur dis parfois que je dois me rendre à un autre rendez-vous, et que je laisserai donc Justin poursuivre la rencontre », confie François Jarry.
Cette technique a porté ses fruits, puisque certains de ses anciens clients veulent désormais faire affaire uniquement avec Justin Cormier. « Je les comprends : il n’est pas seulement plus jeune que moi, il est aussi plus beau et plus drôle ! » plaisante le conseiller.
La rémunération
Pour rémunérer un conseiller junior, Sylvain De Champlain est en faveur d’un salaire de base assorti d’une portion de commissions. « Cette rémunération hybride a l’avantage d’offrir une certaine stabilité au conseiller junior, tout en l’incitant à augmenter son rendement », affirme-t-il. Selon la personnalité de la recrue, on pourra éventuellement réduire son salaire de base et augmenter le pourcentage de commissions.
Les marques d’appréciation
L’argent n’est pas l’unique motivation des jeunes de la génération Y. Pour être heureux au travail, ils ont en effet besoin de se sentir appréciés. « Il faut prendre le temps d’aller dîner avec eux, leur demander des nouvelles de leur famille… bref, faire preuve d’empathie à leur égard », souligne Luc Doyon.
Les jeunes conseillers étant sollicités de toutes parts – en raison de la pénurie de main-d’œuvre – il faut parfois user de créativité pour souligner leurs bons coups. Par exemple, quand François Jarry part en vacances, il n’hésite pas à prêter sa maison dans les Laurentides à ses collaborateurs juniors. «De cette façon, c’est un peu comme s’ils étaient eux aussi en vacances !» lance-t-il.